Italie : La déclaration de Luigi, en visioconférence, à l’audience du 8 mars

La Nemesi / dimanche 10 mars 2024

Nous relayons la déclaration de Luigi à l’occasion de l’audience du 8 mars du procès avec jugement immédiat, qui se déroule au tribunal de Massa. Nous rappelons que le compagnon se trouve actuellement aux arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions, pour l’opération Scripta Scelera contre le bimensuel anarchiste internationaliste Bezmotivny. Même si les compagnons sous enquête sont dix, le procès a lieu seulement contre les quatre qui sont aux arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions (et par rapport aux chefs d’inculpation de « provocation aux crimes et délits, avec la circonstance aggravante de la finalité de terrorisme » et d’« atteinte à l’honneur ou au prestige du président de la république »).
Des informations sur l’audience suivront bientôt.

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Déclaration, en visioconférence, à l’audience du 8 mars du tribunal de Massa

8 août 2023. 8 mars 2024. Sept mois de confinement et d’assignation à résidence.

Je n’attendais pas un meilleur traitement, de la part d’hommes et de femmes de justice. Les harcèlements, pendant ces mois, ont été nombreux. Des rebondissements entre la prison et les arrestations domiciliaires, des rejets de ma demande d’être présent au tribunal (ce qui est garanti par votre loi elle-même) et même la ridicule, bien que pas très drôle, escorte de dizaines de carabiniers, pour les compagnons détenus aux domiciliaires à Carrare, pour un voyage de… deux kilomètres, jusqu’au tribunal de Massa. Et en dernier, mais pas moins important, mon transfert à la prison de Bologne pur « participer », si on veut utiliser un oxymore, à cette audience, par visioconférence.

Cet harcèlement continuel n’est rien d’autre qu’une tentative de votre part, hommes de justice, de cacher la nature essentielle du procès que vous avez monté et que vous devez affronter : un procès politique.

Un procès politique qui, justement, ne juge pas des faits précis, mais les idées des anarchistes, les conceptions classistes, dans ce cas précis exprimées par un journal.

Je suis, dans cette circonstance absurde, d’accord avec vous. Un journal est un instrument très important, et l’écrit, la parole sont encore des armes très efficaces, même à une époque où la communication et l’interaction entre les personnes se sont presque éteintes. La capacité du langage, si elle est bien utilisée, peut vraiment tracer des sillons dans les cœurs des hommes ; si ce n’était pas le cas je n’aurais pas consacré tellement d’années d’engagement à des publications ou même à des simples, mais non moins importants, tracts et affiches.

Je dois préciser que je refuse avec dégoût vos accusations de provocation au terrorisme. Je suis anarchiste et pour moi la volonté d’un individu est inviolable. Pour autant que je puisse souhaiter des scénarios d’affrontements sociaux, de classe, de la part du prolétariat contre la bourgeoisie, cela ne peut pas et ne veut pas être une constriction à l’encontre d’autrui. Seulement la volonté des hommes, face à la nécessité de l’affrontement, est en mesure de démarrer ces processus de transformation qui peuvent démolir complètement la société autoritaire et construire un monde fondé sur l’entraide. Cette volonté, étroitement liée à la nécessité de l’action, est forcément générée par la conscience primordiale de sa propre souffrance sociale. C’est dans le cadre de ces souffrances sociales qu’interviennent les révolutionnaires.

Pendant ces mois, j’ai assisté aux lamentations de membres du gouvernement, et aussi de magistrats, par rapport à l’horrible traitement subi par une compagnonne détenue à Budapest, Ilaria Salis. Des lamentations qui non seulement ne servent à rien, mais qui ne sont rien d’autre qu’hypocrisie crasse. En effet, souvent en Italie les détenus – surtout les révolutionnaires – ne peuvent même pas être présents aux audiences de procès, même pas entravés. Comme des serpents venimeux, vous contournez des techniques brutales, que vous qualifiez d’« anti-démocratiques », en utilisant un instrument comme la visioconférence. Certes, celle-ci est aussi la manière « à l’italienne » d’affronter les choses, parce que, simplement, les appareils bureaucratiques n’ont pas envie de lever leurs fesses et d’accompagner un homme face au jugement séculier. Mais je ne pense vraiment pas que c’est tout. Je pense, au contraire, comme cela est aussi bien décrit dans la notification qu’on m’a apporté, que, dans ce cas précis, la votre est une tentative de pousser à la désolidarisation. Mais, que ça vous plaise ou non, tant que vous jugerez les révolutionnaires, tant que vous nous arrêterez, les salles de tribunal resteront des terrains de lutte. Et cela, d’un certain point de vue, c’est vous qui l’avez décidé.

Je m’arrête là, en envoyant une pensée de tout mon cœur à tous les maçons* qui meurent sous le poids de la société capitaliste : seulement la lutte pourra nous faire sortir de ce giron infernal.

Une accolade pleine d’espoir aux prolétaires en lutte dans la Palestine ensanglantée et aux prolétaires israéliens qui subissent l’arrogance va-t-en-guerre de l’État d’Israël. Une salutation à tous les déserteurs ukrainiens et russes et à tous les compagnons en lutte contre la guerre.

Aujourd’hui plus que jamais, je considère pertinent le cri : VIVE LA RÉVOLUTION SOCIALE, POUR LA COMMUNE.

Bologne, 8 mars 2024

Luigi Palli

 

* Note d’Attaque : probable référence aux cinq maçons morts (et aux trois blessés) lors de l’effondrement d’une construction à laquelle ils travaillaient, le 16 février, à Florence.

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