Prison Santiago 1 (Chili) : Une lettre des prisonniers de l’affaire « Susaron »

Informativo Anarquista / samedi 30 mars 2024

« La détérioration de ton attitude est inversement proportionnelle à la ténacité de tes idées »

Cela fait déjà un an et cinq mois depuis que la machine punitive du pouvoir nous a pris en otages. Elle essaye de mettre sur nos épaules le poids nécessaire pour faire fléchir nos jambes et arriver ainsi à nous voir à genoux. En prison, il y a eu plusieurs faits et expériences, dans la sphère physique et émotionnelle, qui ont essayé de nous pousser à la limite de nos capacités. Ce qui a toujours été inutile, face à nos convictions, qui nous ont donné les armes nécessaires pour endurer toute attaque de ce centre d’extermination ; car c’est ce que les prisons sont. Des camps de concentration et d’extermination, pour ceux/celles qui n’acceptent pas la pantomime de la paix sociale. Dans ces marécages humains on trouve une faune variée de comportements et d’individus. Des braves antisociaux.les, qui ont choisi de vivre comme elles/ils n’étaient pas censé.es le faire. En prenant par la force ce qui « ne leur revenait pas », dans un système injuste et cruel. Jusqu’à des monstres autoritaires et insensibles, dépourvues de toute valeur ou empathie. Amants obsessionnels de la marchandise et du superflus. Des ennemis, autant qu’un flic ou un tueur.

Dans cette période de captivité que nous avons dû assumer, toujours avec la noblesse attendue d’un guerrier conscient et fier de ses actes, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Depuis leur sortie momentanée en liberté et ensuite, avec l’appel fait par le Parquet, le nouvel enfermement de nos membres Ita et Ru, en novembre 2023. A la successive sortie définitive, il y a près d’un mois, d’Itamar. Condamnée à cinq ans de liberté conditionnelle, avec des dures restrictions. Une nouvelle que nous avons reçu avec beaucoup de joie et d’allégresse. Et tant d’événements : plusieurs mobilisations dans nos sections, des jours de violentes punitions, typiques de la prison Santiago 1, des conflits avec les matons et les autres prisonniers, des obstacles pour voir nos familles et nos partenaires.

De nombreux obstacles à notre choix vegan irréductible, que la taule s’est engagée à transformer en un écueil de plus, pour essayer de nous harceler. Et ainsi de suite, une chose après l’autre. Des bonnes et des mauvaises nouvelles, qui marquent parfois l’humeur de toute une journée ou même d’une semaine entière. Tellement d’expériences vécues… En prison, il est difficile de faire face à la douleur et à l’angoisse, car tu n’as pas la place pour te laisser t’effondrer face aux circonstances. Par exemple, tu ne peux pas appliquer le classique « aujourd’hui je ne me lève pas », « aujourd’hui je vais me reposer et me prendre un jour pour réfléchir». Ici la roue ne s’arrête pas et tu dois être capable de ne pas montrer tes faiblesses aux matons et aux prisonniers de droit commun. Ici, soit tu t’endurcis, soit tu coule dans la boue qui recouvre tout, autour de toi ; et, pour avoir ce grand flux d’énergie si important, la conviction dans nos idées et la fierté pour nos actions et nos décisions deviennent plus vitales que l’eau ou l’oxygène. Et elles nous séparent des lamentations constantes que l’on entend venir de la grande majorité des prisonniers qui nous entourent.

En ces 17 mois, nous sommes restés unis comme un bloc anarchiste, en formant un espace de résistance et de défense pour les individualités politiques réfractaires qui sont arrivées en prison au cours du temps. Cela a beaucoup contribué à notre bien-être, car nous avons lutté de manière collective, avec les griffes et les crocs, contre le vide, la solitude et l’ostracisme que la prison essaye de planter comme une dague dans nos esprits et dans nos cœurs. Et nous espérons que, au fur et à mesure que nous serons libérés ou transférés dans d’autres prisons, il y aura toujours des tendres guérilleros urbains prêts à tendre la main à d’autres, leurs semblables, qui, de manière regrettable mais inévitable, arriveront. Parce que nous sommes sûrs d’une chose : la guerre ne s’arrête pas ! Et elle a ses conséquences.

C’est pourquoi nous faisons appel à tou.tes celles/ceux qui osent attaquer l’autorité et ses symboles. Il faut toujours garder en tête l’idée certaine que la prison et la mort font partie de notre chemin. Toujours, évidemment, en train de fuir et de surmonter ces fantômes, avec toute la stratégie et l’attention que l’amour de la liberté mérite. Mais la garder à l’esprit, de manière que, si un jours ils te poursuivent, face à l’adversité tu ne perde pas ta ligne de conduite et les idées qui t’ont amené à agir. Et réussir ainsi à ne pas te faire briser par ce hachoir à viande appelé prison. Pouvoir rester le/la même, dans la rue et en taule. Et ne pas être surpris.e quand les conséquences, parfois inévitables, de la confrontation avec un monstre tellement puissant et omniscient viennent frapper à ta porte.

Nous trois sommes dans l’attente d’expertises et de décisions judiciaires qui marqueront, pour le bien ou pour le mal, notre futur de prisonniers. Nous aspirons de toutes nos forces à la liberté et à une nuit d’étoiles filantes. Mais nous sommes accrochés à notre fierté inébranlable d’animaux en guerre avec l’existent. Jamais disposés à nous plier ou à implorer pour obtenir de la clémence. Parce que si nous portons quelque chose de gravé dans le sang et dans les larmes, après cette période de séquestration, c’est que nous sommes en train de vivre dans notre propre chair, et dans des conditions infiniment meilleures, ce que des millions d’animaux non-humains vivent à travers ce monde décomposé : une prison à perpétuité, avec, dans la majorité des cas, aussi la peine de mort. C’est pour eux/elles que nous agissons, c’est pour elles/eux que nous supportons ces dures conséquences et c’est pour eux/elle que nous restons plus convaincus que jamais que le chemin à suivre est, sans aucun doute : du feu, du plomb, des explosions et des libérations clandestines.

Et comme pour la libération animale, qui est la base de la pyramide de notre pensée anarchiste et conflictuelle, de même pour toute la société malade qui nous gouverne ; sa police, ses défenseurs et ses faux critiques.

A la veille d’une nouvelle commémoration, douloureuse et enragée, du 29 mars, Jour du jeune combattant. Une date qui rappelle la mort au combat de Rafael et Eduardo Vergara, de 18 et 19 ans. Aux mains de la dictature civile-militaire qui ravageait ces territoires, le 29 mars 1985, le jour où ces faits ont eu lieu. La première chose que nous avons dans notre sang bouillant est le regard indomptable et tanné par la souffrance de Luisa Toledo. Une guerrière exemplaire et la mère des deux jeunes. Une femme courageuse qui a éclairé d’innombrables fois notre chemin, avec sa clarté, son courage et son amour.

Lors de cette nouvelle commémorations, nous appelons à sortir dans la rue avec plus de force encore. A ne pas se laisser contaminer par l’esprit vaincu par la société, typique de ses faux critiques, mais à faire irruption dans le contexte endormi avec une belle violence anti-sociale anonyme. Et avec le feu majestueux qui illumine l’obscurité des rues. Afin qu’il n’y ait pas un coin de rue qui n’a pas été pris, un commissariat qui n’a pas été attaqué et une multinational qui n’a pas été pillée. Ceci est notre appel, sans hésitations ni ambiguïtés !

Après un an et cinq mois, nous continuons, plus fermes que jamais. Et pas un seul cheveu de notre essence et de notre caractère n’a bougé. Nous appelons à se souvenir de notre enfermement, par des gestes et des actions. A une solidarité active et directe avec les instances qui sont générées par nos compas dans la rue, pour nous soutenir financièrement dans cette situation, qui, par essence, entraîne aussi nos proches et nos familles.

Liberté pour Lucas, Aldo, Javo, Paty, Syde, Kuyen, Mónica, Pancho, Leftraru, Don Checho, Gerardo Leal et Felipe Rios. Et tou.tes les prisonnier.es qui luttent à travers le globe.

Et sans oublier que le compagnon Sergio Olivares, un exemple de guerre contre le système, purge une condamnation à 15 ans, dans la prison Ex-Penintenciaria. Pour celles/ceux qui veulent contribuer, se solidariser avec sa personne, son histoire, guérillera et respectable, et la revendiquer.

Libération totale, coûte que coûte. Feu à toutes les prisons, avec les matons dedans. Guerre à l’existant !

Prisonniers anarcho-nihilistes, vegan straight edge de l’affaire Susaron.
Panda, Ru, Tortuga
C.D.P Santiago 1, mars 2024

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