Isère : Un réac condamné pour des incendies d’antennes-relais

France Bleu / vendredi 9 avril 2021

Un homme de 62 ans a été reconnu coupable, ce vendredi, par le tribunal de Vienne, de plusieurs faits de dégradations sur des antenne-relais dans la Drôme et l’Isère. La procureur estime le préjudice total à 103.000 euros. L’homme a été condamné à trois ans de prison avec sursis.

Cet homme de 62 ans comparaissait devant le tribunal judiciaire de Vienne (Isère) ce vendredi en comparution immédiate. La justice lui reproche plusieurs faits d’incendies et de dégradations sur des sites d’antenne-relais. Quatre lieux ciblés en tout, en Isère et dans la Drôme.

Dans la nuit du 4 au 5 septembre 2020 à Pact, dans la nuit du 31 juillet au 1er août 2020 à Hauterives dans la Drôme, destruction d’une antenne en construction entre les 2 et 9 novembre 2020 à Assieu, incendie d’une antenne le 13 novembre 2020 à la Chapelle-de-Surieu. Face à lui, huit parties civiles : des opérateurs de téléphonie, TDF, le département, et aussi la SNCF (une voie et de la signalisation ont été endommagées à Pact). L’ensemble des dégâts, d’après la procureur Audrey Quey, s’élève à 103.000 euros.

Pour expliquer certains des faits qu’il assume il raconte avoir été « à bout » en raison du confinement. La solitude lui pesait, une sorte de pétage de plombs, « une soupape qui a disjoncté » dans ses termes. Cet habitant de la Chapelle-de-Surieu aux confins de l’Isère, de la Drôme et de la Loire, développe aussi quelques arguments et thèses qu’on pourrait qualifier de complotistes, dans ses explications. « Les vraies informations ne sont pas données, le gouvernement nous ment ». Pas vraiment assez pour convaincre le tribunal. Il concède aussi s’être rendu à des réunions du « conseil national de transition », un mouvement surfant sur la vague de mécontentement de la période gilets jaunes. Mais lui explique qu’il n’a jamais porté le gilet jaune.

La procureur détaille son mode opératoire : des recherches géographiques sur son ordinateur, qui le relient à chacun des quatre sites touchés. Une manie d’éteindre son portable un peu plus longtemps aux moments des faits qui lui sont reprochés, bref des faisceaux d’indices très concordants.

Il reconnaît d’ailleurs trois des faits qui lui sont reprochés, mais pas le dernier, sur sa commune, la Chapelle-de-Surieu. Le tribunal après en avoir délibéré, le condamne à trois ans de prison avec sursis. Dans ses réquisitions, la procureur demandait un an ferme avec aménagement de peine, plus deux avec sursis. Deux des parties civiles ont rendez-vous en novembre pour trancher sur une partie des intérêts civils.

Ça va vite de se faire une idée de ce qu’est le Conseil National de Transition

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Note d’Attaque : Et alors, les actes parlent d’eux-mêmes ou pas ?

Ça fait chaud au cœur de voir des antennes-relais (et toute autre structure du pouvoir) brûler. Mais, quoi qu’en disent Saint-Exupéry et ses exégètes, si « le cœur » (lire, les sentiments) peut nous pousser, on voit mieux avec les yeux et on comprend mieux si on utilise la tête.

Voici donc un exemple de plus, s’il y en avait encore besoin, du fait que l’hypothèse selon laquelle les actions non revendiquées (c’est-à-dire : quand on ne connaît pas les motivations et les finalités de leurs auteur.e.s) « appartiennent à tout le monde » (c’est-à-dire : « tout le monde y colle dessus ses envies ») est une bêtise.
Au passage, cette hypothèse suggérait à l’origine une modalité possible de participation des anarchistes à des luttes sociales, même avec des revendications « partielles » (mais porteuse d’une possibilité de dépassement dans un sens émancipateur), où il n’était pas nécessaire de réaffirmer sa propre identité anarchiste (sans toutefois jamais la cacher, bien entendu). Depuis quelques dizaines d’années, elle est utilisée dans le sens inverse, politicien, avec des anarchistes qui essayent de justifier la véracité supposée de leurs positions sur une quelconque tempête sociale qui viendrait, en s’appropriant (c’est-à-dire : « en y collant dessus leurs envies ») des actions qui sont parfois accomplies par des personnes qui sont bien loin de nos positions.

Il est nécessaire que les structures matérielles de l’autorité soit livrées aux flammes. Mais est-ce que ce simple constat est suffisant en soi ? Il serait judicieux de reconnaître que ces flammes ne sont qu’un moyen. Et tout moyen peut avoir différents emplois. Par exemple, ouvrer pour une vie libre et digne pour tout le monde, ou bien (comme dans ce cas précis) pour une société autoritaire qui s’appuie sur une tradition plus ou moins fantasmée, ou encore (comme c’est souvent le cas), pour une version améliorée de ce monde-ci, avec un État-providence plus efficace, du travail, de la bonne bouffe bien de « chez nous » et des biens de consommation pour tout le monde, moins d’impôts et peut-être même le RIC…

Le fait que des réactionnaires et des complotistes puissent parfois viser les même cibles que des anarchistes, ici des antennes-relais, n’est pas juste l’invention d’une stratégie policière qui a « tenté d’amalgamer les attaques d’antennes relais avec le complotisme anti-vaccin et anti-sémite (lire les articles dans Le Monde parus pendant le confinement) » pour préparer la répression (déjà en cours, d’ailleurs) et contribuer à désamorcer le conflit. Malheureusement c’est un fait, en France comme dans d’autres pays. Le monde n’est pas binaire et notre analyse gagerait à être plus nuancée.
Bref, que l’on regarde avec le cœur ou avec les yeux, il ne suffit pas de remarquer que « les objectifs indiqués sont corrects » (comme le dit un texte publié récemment), nous devrions aussi nous souvenir que « c’est l’intention qui compte ».

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