Italie : La Sibylle prévoit-elle de la tempête ?

reçu par mail / dimanche 14 novembre 2021

A l’aube du 11 novembre, il y a eu des nombreuses perquisitions dans différents ville italiennes et 6 compagnons se sont vu notifier des ordonnances de surveillance judiciaire : en prison pour Alfredo, aux arrestations domiciliaires pour Michele, par l’interdiction de sortir de la commune de résidence et l’obligation de pointer chez les flics trois fois par semaine pour quatre autres compagnons.
Les compagnons sont inculpés en vertu du délit prévu par l’article 270 bis (association avec finalité de terrorisme et subversion de l’ordre démocratique), à cause de la conception, de l’impression et la diffusion, aussi par des moyens numériques et informatiques, du journal anarchiste Vetriolo, ainsi que pour des tags sur des murs au contenu considéré comme outrage et incitation, en plus d’un cas de dégradations d’un bien appartenant à autrui. De plus, ils sont inculpés en vertu de l’art. 414 (provocation aux crimes et délits), pour la rédaction et la diffusion de communiqués au contenu incitant à la perpétration de délits contre la personnalité de l’État, avec finalité de terrorisme et de subversion de l’ordre démocratique.

En plus de cela, deux sites internet de contre-information sont fermés : roundrobin.info et malacoda.noblogs.org [note d’Attaque, du 17/11 : en fait les deux sites ne sont pas joignables depuis l’Italie ; tout est ok depuis d’autres pays ou si on utilise Tor], car considérés comme une circonstance aggravante du délit de provocation aux crimes et délits (par le moyen d’un instrument numérique).

L’enquête commence en 2017, à Milan, aux débuts de l’expérience du journal, et elle est ensuite transférée dans les mains du parquet de Perugia, jusqu’à aujourd’hui ; elle passe en revue le contenu des articles de propagande anarchiste, qui sont déclarés comme dangereux pour leur efficacité communicationnelle et à cause de la diffusion de l’idée radicale.

Il ne s’agit pas d’une attaque contre la liberté de presse et de pensée. L’État fait son travail de contrôle et de gestion de l’ennemi interne, afin de maintenir son autorité, et les publications qui affirment résolument des contenus d’un certain type, sapant ses intérêts, sont clairement prises pour cible, comme cela est toujours arrivé le long de l’histoire. Dans le régime démocratique et technocratique actuel, caractérisé par un tournant autoritaire, ce qui est « permis » reste confiné entre les limites du maintient des profits économiques et de la production et consommations capitalistes. Comme cela est évident lors des manifestations de rue qui, ces jours-ci, expriment leur opposition aux impositions politiques-sanitaires, la limite de ce qui est licite est définie par les institutions et la limite de la liberté de protester est de plus en plus réduite. Ceux qui assument publiquement de publier un journal comme Vetriolo, en donnant du soutien et de l’espace d’expression aux prisonniers et aux prisonnières anarchistes et révolutionnaires, sont conscients du fait que la répression se mettra en branle, avec des enquêtes accompagnées par des titres à sensation dans les médias. Mais ce n’est pas pour cela que nous allons nous plaindre d’un manque des libertés démocratiques d’expression et de presse, qui de facto n’ont jamais existé, encore moins aujourd’hui.

Les enquêteurs allèguent que ce qui détermine le délit défini par l’article 414 est l’efficacité du message. Du coup, en plus du contenu lui-même, c’est quand celui-ci peut être reçu, donc encore plus lors de périodes de tension sociale, c’est-à-dire quand un certain type de contenus sont plus largement partagés.
On remarque une distorsion dans le récit flicquesque, à savoir le fait qu’un rapport immédiat et direct de cause à effet caractériserait la propagande et l’action. Il s’agit là d’une simplification banale. Les idées anarchistes ont fait leur chemin au sein de la société, lors de différentes époques historiques et de différentes façons, elles ont motivé les actes individuels et collectifs, les gestes anarchistes ont caractérisé les luttes pour la libération des opprimés, en éclairant les pensées dans un rapport de réciprocité et d’assemblage ; il ne s’agit pas d’un rapport statique de causalité, compréhensible par les codes interprétatifs de la Jurisprudence.

Comme prévisible, l’espace anarchiste « Circolaccio », à Spoleto, est criminalisé, décrit comme le siège de l’association. L’activité favorisée par ce lieu, aussi lors des confinements, comme les nombreux moments de lutte contre le gazoduc Snam, les discussions contre le Pass sanitaire et les politiques des patrons, les analyses sur la crise au Moyen Orient, a sûrement incité l’esprit critique et encouragé la libre pensée, c’est pour cela qu’elle est considérée comme potentiellement dangereuse.

Un des aspects les plus évidents de cette affaire, après la fermeture d’espaces et la tentative de démanteler journaux et sites internet anarchistes, est la persévérance avec laquelle l’État met en œuvre sa coercition vindicative à l’encontre des prisonnier.e.s qui gardent vivante leur idée anarchiste et révolutionnaire. Son engagement constant dans la tentative d’isoler les compas emprisonné.e.s et de pousser à la désolidarisation en sont la démonstration. Dans cette affaire, ils ont imposé une mesure de détention préventive à Alfredo Cospito, qui est déjà en prison depuis 2012 : une punition qui essaye de décourager ses convictions, un avertissement aussi pour tou.te.s les prisonnier.e.s qui, loin des logiques de prise de distances des idées et des pratiques anarchistes, gardent leur dignité, leurs convictions et leur détermination vitale.
Il y a eu, récemment, d’autres tentatives sournoises dans ce sens, contre des compas anarchistes, comme par exemple la notification d’une nouvelle inculpation pour 270 bis à Anna, dans la prison de Messine, en février 2021, fondamentalement parce que les matons ont perdu un disque dur externe, lors de son transfert vers cette prison.
Il est évident que les personnes qui donnent leur vie pour l’anarchisme et continuent à garder leurs positions donnent encore et encore une gifle en plein visage au pouvoir. L’intransigeance de notre compagnon Alfredo est prise pour cible, dans la tentative de le faire taire, l’inculpant du délit définit par l’article 414 pour un texte envoyé à la rencontre anti-carcérale qui a eu lieu à Bure en mars 2020, pour un texte pour une assemblée anti-carcérale de juin 2019 à Bologne, et pour le livre-entretien « Quelle internationale ? ».

Nous réaffirmons notre solidarité et notre proximité avec notre compagnon Alfredo.
Nous exprimons notre proximité avec tou.te.s les personnes sous enquête.

Le pouvoir pourra toujours réprimer et emprisonner les individus réfractaires à l’autorité, mais le démon de la révolte continuera à tourmenter les rêves de paix sociale.
La guerre sociale est déclenchée, entre l’État, le capitalisme et leurs ennemis…

La lutte continue !

Quelques inculpé.e.s et compas solidaires

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