Grèce : Première déclaration des trois compas arrêté.e.s le 29 janvier à Athènes

Act for freedom now ! / mardi 31 mars 2020

Une première déclaration des compas Valavani, Athanasopoulou et Michailidis

C’est difficile quand on perd sa liberté. Surtout lorsqu’elle a été gagnée dans des conditions difficiles. La situation est encore plus grave si l’on considère que le coup que nous avons concrètement reçu a des implications symboliques encore plus fortes. Notre arrestation spectaculaire a été suivie d’une propagande médiatique du même acabit, à partir de nos transferts avec des gilets pare-balles à la gestion judiciaire habituelle, jusqu’à ce que nous nous retrouvions encore une fois avec des accusations exagérées, il y a là tous les éléments qui forment une extension des menottes et des armes des assassins en uniforme.

Élargissons le regard à la situation sociale qui nous entoure et qui évolue à un rythme rapide, pour nous éloigner un peu de notre propre microcosme.

De l’ampleur de l’exploitation des travailleur.euse.s et de l’abolition des droits du travail, à la mainmise sur les animaux dans les usines de viande. De l’escalade dans la répression des manifestations et l’achat d’équipements de pointe auprès des services antiterroristes du monde entier, à la déforestation et à la disparition de la nature sauvage. De l’exclusion économique d’une partie toujours croissante de la société, à la violente marginalisation de la plus grande partie de la population mondiale. Aux meurtres des pauvres, des exclus, de tou.te.s celles/ceux qui, dans le monde des puissants, sont les rebuts. De l’élite économique et commerciale provocatrice, aux peuples bombardés, cibles des tirs et déracinés. Où les intérêts des puissants signifient la mort, le danger ou une vie noyée dans la soumission. La nature, les animaux et les hommes ne sont rien d’autre que des unités qui génèrent profits et richesses. Cela, et plein d’autres raisons, nous a amenés à choisir la lutte anarchiste, un choix qui remet en cause l’ordre social existant.

Notre objectif initial était de créer des relations authentiques et sincères, tout en répondant à la nécessité, qui continue à être valable, de participer à la lutte multiforme. Après tout, la lutte anarchiste ne fait pas de distinctions parmi ses moyens et elle ne hiérarchiser pas les formes de lutte. Elle est essentielle et s’adapte aux conditions de chaque époque, en faisant le pari de sa massification et de sa diffusion dans le tissu social.

Avant notre arrestation – bien que nous ne soyons pas tou.te.s dans les mêmes conditions « vis-à-vis de la loi » – nous avons toujours su que la police antiterroriste resserrait ses griffes sur nos proches, avec des méthodes de surveillance connues et inconnues, le secret de Polichinelle dont l’État grec nie officiellement l’existence. Peu importe combien ils crient à propos de la légitimité qu’ils sont censés défendre, ils ont envahi chaque aspect de la vie personnelle de nos familles et de nos amis, de la manière la plus scandaleuse et la plus délirante. Des surveillances téléphoniques, des surveillance physique 24h/24, les flics suivant chaque pas de nos proches, des dispositifs de géolocalisation, des personnes qui attendent dans des voitures devant les maisons. Peu importe la manière dont ils essayent de convaincre de la prétendue légitimité de leurs méthodes, l’unité antiterroriste a recours à des pratiques illégales.

Le matin du lundi 29 janvier, nous nous sommes mis.e.s en route vers la voiture, qui avait été volée deux jours auparavant et avec laquelle il n’y avait plus eu aucun contact, depuis le moment du vol jusqu’au jour maudit mentionné ci-dessus. Depuis les rues tranquilles de Vyronas [dans la banlieue d’Athènes ; NdAtt.], nous nous sommes dirigé.e.s vers la montagne (Hymette) et c’est évident que nous n’y étions pas suivis ou que nous ne suivions pas un autre véhicule sur la route et sur les chemins de terre, ce qui indique que la surveillance était probablement électronique. Lorsque nous avons quitté la montagne pour rejoindre Agia Paraskevi, il y avait une agitation anormale autour de nous. Nous avons vite réalisé que nous étions tombé.e.s dans une embuscade de la police anti-terroriste, quand nous avons été entouré.e.s de tous côtés, de manière coordonnée, par de nombreuses voitures et motos. Notre conclusion est que la police, dès qu’elle a été informée du vol de cette voiture, soupçonnait que nous pourrions utiliser ce modèle particulier de voiture et elle s’est mobilisée dans un processus de recherche, en inspectant des zones spécifiques où, pour des raisons que nous ne connaissons pas, elle pensait qu’elle pourrait être garée.

Mais qui sont ces personnes qui, selon leurs déclarations « compte tenu des conditions », ont décidé d’intervenir à midi dans l’un des endroits les plus fréquentés d’Athènes ? Qui sont ces personnes qui ont sorti des armes, à midi au milieu d’une rue avec des piétons et des voitures ? Qui sont-ils enfin, eux qui, sous la responsabilité du ministre de la Sécurité Michális Chryssohoïdis et du commandant de l’unité « anti »-terroriste Lefteris Hardalias, ont pris le risque de préparer et de mettre en œuvre une opération au milieu de la route IGNORANT LA SÉCURITÉ DES CITOYEN.NE.S, pour arrêter deux personnes recherchées ? C’est ainsi qu’ils considèrent la vie humaine et la sécurité des citoyens de passage ?Sur la base de leur soif de résultats ? Les enfants, les écoles, les gens sur les balcons, les conducteurs lambda n’ont donc aucune importance. Ils ne travaillent que pour obtenir des résultats à tout prix. Ils ne se sont jamais demandé qui mettait vraiment en danger et terrorisait la société dans son ensemble, deux personnes recherchées dans une voiture ou l’intervention risquée de policiers cagoulés et armés au milieu de la route ?

Bien sûr, ce n’est pas la première fois que ce ministre opportuniste choisit de risquer ou même de sacrifier la vie des citoyens. Lors de son administration précédente, un travailleur albanais de 25 ans, Nikola Todi, a été exécuté à Vyronas lors d’une intervention de la police, qui le considérait comme l’un des évadés recherchés. Chryssohoïdis a couvert politiquement ce meurtre, le qualifiant d’arrestation réussie de deux « dangereux criminels », alors qu’aujourd’hui encore, tous les médias font état d’un cadavre retrouvé au milieu d’une fusillade.

Ce qui suit notre arrestation, en tant qu’anarchistes, est plus ou moins connu. Traitements dégradants violences, isolement, etc. Nous n’avons pas l’intention d’entrer plus dans le détail de la description de ce qui a suivi, pour éviter de contribuer à la diffusion du message de terreur transmis par le mécanisme répressif de l’État. Mais nous devons faire savoir que lors du violent prélèvement d’échantillons d’ADN des deux compas qui ont clairement refusé cette procédure, une brute de l’antiterrorisme a frappé la tête de la compagnonne Valavani contre le mur, même s’il était au courant de sa récente opération à la tête. Puis, après avoir obtenu son matériel génétique et par le prélèvement et par des crachats sur leurs visages, ils lui ont interdit de contacter le médecin qui l’avait opérée et l’ont emmenée dans un hôpital où elle a subi des examens sans rapport avec son cas. Ils ont agi conformément à la loi, comme nous l’a dit le très conforme à la loi commandant de l’unité anti-terroriste Lefteris Chardalias en personne. Il convient de rappeler que son prédécesseur est maintenant recherché pour trafic d’armes par le biais cette même unité, par ailleurs respectueux de la loi. Nous supposons qu’aujourd’hui ils le recherchent aussi intensément qu’ils ont fait pour nous, mais il a probablement la capacité de devenir invisible. Nous sommes également certains qu’ils dépenseront autant que pour notre cas, pour découvrir le réseau de contrebande d’or dans lequel des officiers de ce service sont impliqués, ainsi que pour leurs dizaines de faveurs « absolument légaux » rendus à d’importants hommes d’affaires. Ces personnes et ceux de leur acabit sont donc nos persécuteurs.

Le rôle prépondérant dans la répression des idées et des actions dangereuses pour notre merveilleuse démocratie médiatique revient au mécanisme idéologique des médias de tromperie de masse. Celui-ci, avec ses fameuses ruses, joue un rôle prépondérant dans l’altération de la réalité. Exemple évident, la maison officielle de notre compagnonne a été appelée « cachette » par la dictature télévisée, sans qu’ils aient trouvé quoi que ce soit d’illégal à l’intérieur.
Les attentions qu’ils nous portent ne sont absolument pas accidentelles. Ayant déjà obtenu de nombreuses années d’emprisonnement pour deux d’entre nous, par de lourdes peines, avec le compagnon Michailidis qui a déjà purgé 6 ans et demi de prison et la compagnonne Athanasopoulou 18 mois, en plus d’une condamnation à 35 ans de prison, ils essayent d’empirer les accusations à l’encontre de la compagnonne Valavani pour laquelle ils n’ont pas de lourde peine sous le coude, en rendant ainsi évidente leur volonté de se venger de son attitude, celle de la solidarité dont elle a fait preuve.

Vraiment qui sont-ils les excellents propriétaires de tous ces groupes de télévision et d’édition qui, par l’intermédiaire de leurs employés, jettent si facilement leur poison contre nous. La réalité de leur histoire est dévastatrice. Des contrebandiers, des trafiquants de drogue et des assassins.

Les représentants des instruments de propagande du régime osent nous traiter de terroristes, un mot que tous les régimes dans le monde entier utilisent de façon calomnieuse contre les rebelles et les insurgé.e.s, depuis l’époque de la Révolution française.

Rappelons-leur que la démocratie bourgeoise a utilisé la méthode du terrorisme contre ses rivaux pour asseoir son autorité. Notre choix de vie est une tentative de vaincre collectivement la peur que le mécanisme d’État dispense et de renverser ce régime oligarchique qui se fait appeler démocratie. Nous luttons chaque jour contre le terrorisme d’État et celui du capitalisme. En même temps, lors de la couverture médiatique de notre affaire, des termes clairement sexistes ont été utilisés, pour discréditer la position et l’attitude des femmes et pour mettre en évidence le modèle patriarcal d’un homme dirigeant une « organisation criminelle » qui utilisait les femmes autour de lui. C’est plus qu’offensant vis-à-vis de nos relations et de nos positions générales.

L’opération répressive qui a été menée contre nous n’est pas une opération de police isolée, mais la constance de l’État dans une tentative d’extermination et d’écrasement de toute forme de résistance, de chaque cœur rebelle qui bat au rythme de la liberté. C’est un moment de l’imposition de la puissance absolue de l’État, comme l’expulsion des squats, les réfugi.e.és dans des camps de concentration, les têtes brisées lors de manifestations, les violences sexistes contre les femmes à Exarcheia, la restructuration de l’arsenal juridique de l’État.

Quelques conclusions :

– Cela en a valu la peine. Chaque jour de liberté volé à l’esclavage carcéral n’a pas de prix.
– La confrontation avec un mécanisme étatique de plus en plus puissant est de plus en plus difficile à soutenir. Il faut aussi se protéger dans des domaines que nous n’imaginions pas jusqu’à récemment, alors il est impératif de ne pas se répéter et d’être avisé.e.s.
– La chance joue un rôle décisif mais les chances ont été contre nous. Sur ce dernier point, il convient de souligner que les enjeux ici sont considérables. Toute opération répressive envoie un message de force. Ce message a pour but de terroriser les personnes qui résistent activement à la machine étatique. Cela a pour effet de réduire les actions et le nombre de personnes qui agissent, ce qui a pour conséquence de concentrer les mécanismes étatiques sur les quelques rares personnes restantes. C’est ce qui augmente leurs chances contre nous, de manière asymétrique. C’est pourquoi il est nécessaire de vaincre la peur, que l’action directe redevienne une pratique largement répandue. Ne pas abandonner la rue, ne pas abandonner les hostilités envers l’État et le capital.

La solidarité trouve tout son sens dans le développement d’une action subversive multiforme.

Opposons-nous à leurs futures parodies de procès, aux accusations démesurées, aux scénarios fantaisistes de l’antiterrorisme.

LUTTE SANS TRÊVE JUSQU’À LA LIBÉRATION TOTALE

Giannis Michailidis
Konstantina Athanasolpoulou
Dimitra Valavani

Pour écrire aux trois compas :

Dimitra Valavani (Δήμητρα Βαλαβάνη)
Dikastiki Fylaki Korydallou –  Gynaikeies Fylakes
T.K. 18110 – Korydallos
Athens (Grèce)

Kostantina Athanasopoulou (Κωσταντινα Αθανασοπουλου)
Eleonas Women’s Prison
T.K. 32200 – Thebes (Grèce)

Giannis Michailidis (Γιαννης Μηχαιλιδης)
Malandrinou prison (Κ.Κ. Μαλανδρίνου)
T.K. 33053 Malandrino – Fokidas (Grèce)

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