Gênes (Italie) : Procès en appel pour l’opération Diamante

La Nemesi / samedi 3 février 2024

Le 14 février aura lieu l’audience en appel du procès contre le compagnon anarchiste Gianluca, arrêté en mars 2022 et qui se trouve encore aux arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions.

Le procès de premier degré est terminé le 5 juillet 2023, avec l’acquittement pour la compagnonne inculpée dans la même affaire et la condamnation de Gianluca à quatre ans et six mois de prison (plus 15 000 euros d’amende), pour « possession illégale d’explosifs » (art. 1 et 2 de la loi 895/67) et « tentative d’infraction » (art. 56 du code pénal).

Solidarité avec les compagnons emprisonnés et sous enquête !

Présence solidaire mercredi 14 février à 8h30, devant le tribunal de Gênes, piazza Portoria

[…]

*****

Quelques considérations à partir du procès contre Gianluca et Evelin

Le 16 mars 2022, les anarchistes Gianluca et Evelin ont été arrêtés sur demande de la Direction anti-mafia et antiterrorisme du district de Gênes, suite à l’enquête Diamante, menée en commun par le ROS [le groupement qui s’occupe de criminalité organisée et de terrorisme ; NdAtt.] des Carabinieri et par la DIGOS [la police politique ; NdAtt.] de la police nationale. Le compagnon et la compagnonne ont été accusés de possession illégale d’explosifs (art. 1 et 2 de la loi 895/67), de tentative d’infraction (art. 56 du code pénal), de fabrication d’explosif dans le but de porter atteinte à la sécurité publique (art. 435 du c. p.), le tout avec la circonstance aggravante de la finalité de terrorisme ou de subversion de l’ordre démocratique (art. 270 bis, alinéa 1 du c. p.). Le juge d’instruction a validé les arrestations pour tous les délits dont on les accusait, sauf pour la circonstance aggravante de la finalité de terrorisme. Fin mars, les compagnons ont été transférés aux arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions et, suite à l’audience du juge des libertés du 6 avril, Evelin a été libérée, tandis que Gianluca a eu la confirmation des arrestations domiciliaires avec toutes les restrictions.

Le procès en première instance commence le 16 mai 2023 et finit le 5 juillet, avec la sentence. Evelin est acquittée et Gianluca est condamné à quatre ans et six mois de prison, plus 15 000 euros d’amende (les requêtes du procureur étaient de cinq ans et six mois de prison, plus 15 000 euros d’amende, pour Evelin et de neuf ans et six mois, plus 30 000 euros d’amende, pour Gianluca). Le procès en appel est fixé pour le 14 février, au tribunal de Gênes.

L’enquête a commencé avec la découverte, en juin 2021, de matériel explosif et électrique et d’autres dispositifs, dans un bois en Ligurie. On peut lire dans le dossier que tout cela est découvert par un homme, qui témoignera ensuite lors du procès, qui déclare avoir été à la recherche de drogues. Cette personne, accompagnée par un ami, s’est rendue chez les carabiniers pour dénoncer sa découverte. Les deux ont collaboré, en fournissant des indications et des descriptions aux forces de l’ordre ; ils font l’objet de soupçons, sont mis sous écoute et filés par ces mêmes carabiniers et enfin mis hors de cause. A la suite de cette découverte, les forces répressives installent des pièges photographiques dans ce secteur. A une occasion, une figure masculine est photographiée par derrière, à proximité du lieu, une personne que le ROS et la DIGOS de Gênes déclarent reconnaître et identifient. Les recherches de comparaisons d’ADN avec les échantillons présents dans la base de donnée du RIS [la « police scientifique » des Carabinieri ; NdAtt.] n’a pas donné de résultats, parce que sur les objets retrouvés il n’y a pas de traces d’ADN en mesure d’identifier une personne précise. Dans la même période, les forces de l’ordre mettent en place des écoutes téléphoniques et des filatures aussi à l’encontre de deux compagnons qui fréquentent les deux inculpés, ainsi qu’un « prélèvement » discret d’ADN sur des verres utilisés dans un bar lors d’une visite des inculpés à l’un de ces compagnons.

Cette procédure – que le ROS et la DIGOS avaient, au début, accompagné avec une autre enquête, appelée Tenaglia, qui portait notamment sur des attaques incendiaires contre des antennes-relais de téléphonie mobile ayant eu lieu dans les environs de Gênes – s’insère dans une plus large offensive menée par les forces répressives de l’État contre les anarchistes et les révolutionnaires.

Sans rentrer davantage dans les aspects de l’enquête et du procès qui a suivi (pour plus de détails et de réflexions, notamment sur l’enquête, nous vous invitons à lire le texte « Vous nous trouverez à notre place, car nous ne saurions être à la votre. A propos de l’enquête Diamante »), nous tenons toutefois à en souligner quelques-uns, relatifs aux liens avec d’autres affaires et surtout avec la réalité sociale d’aujourd’hui. Avant tout, la volonté de définir la solidarité entre compagnons anarchistes comme un « élément » à utiliser pour déterminer leur condamnation. Dans le dossier de l’enquête, l’accent est mis en particulier sur l’interruption du réquisitoire du procureur lors de la première instance du procès Scripta Manent, le 11 février 2019, dans la salle bunkerisée de la prison des Vallette, à Turin. A la suite de cette épisode, des condamnations jusqu’à un an ont été émises contre Gianluca, Evelin et cinq autres compagnons, tandis qu’environs soixante compagnons et compagnonnes ont tous reçu des interdictions de paraître à Turin, pour des durées allant de un an à trois ans. En plus de cette procédure judiciaire, les enquêteurs décrivent comme circonstance aggravante supplémentaire pour Gianluca l’opération Sibilla (de 2021), œuvre du parquet de Pérouse et du ROS des carabiniers, avec la coordination de la Direction nationale anti-mafia et antiterrorisme (qui a intégré dans celle-ci une enquête précédente, et plus vaste, menée à Milan dans les années 2016-2019). Cette opération visait en particulier le journal anarchiste Vetriolo, qui a largement traité de théorie anarchiste, en particulier de ses aspects relatifs à la perspective révolutionnaire. Cette procédure judiciaire, dont l’instruction n’a même pas encore atteint son terme, provoque des conséquences qui persistent aujourd’hui encore : avec la sentence en appel du procès Scripta Manent et les ordonnances qui ont suivi, de la part du tribunal d’application des peines de Rome et de la cour de cassation, elle a été utilisée comme justification du transfert d’Alfredo Cospito au régime 41-bis.

Un deuxième aspect significatif que nous tenons à souligner et qui ressort du dossier de l’enquête est l’utilisation – de la part du RIS de Parme et plus en général du ROS – de termes et interprétations typiques de la formation militaire propre aux forces de l’OTAN. Évidemment, des « opérateurs » de cette organisation militaire ont eu le temps, entre deux bombardements sur la tête de civils, d’écrire de la « littérature » sur la classification, la nomenclature à utiliser pour définir les différentes typologies d’engins « improvisés », en éclairant les forces de police judiciaire en particulier sur la définition des ainsi dits Improvised Explosive Devices (IED). Nous n’en faisons certainement pas tout un plat, mais cet aspect est significatif dans le but de dégager les « dynamiques » des forces répressives dans ce pays. Si nous avons défini comme des politiques de guerre celle qui ont été menées contre la classe opprimée – nous parlons des manœuvres économiques des derniers gouvernements, de la vie chère, des morts au travail, dans les prisons, en mer, dont l’État est le responsable – ces mêmes politiques, qui se profilent comme des directives précises aussi sur le terrain répressif, sur le « front interne », trouvent leur réalisation aussi dans l’activité des appareils « antiterrorisme ».

Les événements récents en Palestine et en Moyen-Orient témoignent de la sempiternelle, féroce volonté de guerre et de massacres propre aux États et au capital. La politique internationale, les mesures anti-prolétaires mises en place sans interruptions par les gouvernements n’ont rien à voir avec la morale et l’éthique. Notre lutte, en revanche, dans sa continuelle exigence de cohérence entre les moyens employés et les fins à poursuivre, exprime une tension éthique irrépressible. Ce qui nous pousse est le désir d’une liberté intégrale pour chaque opprimé, d’une dignité que l’État et le capital sont en train de détruire. Face à cette lutte, face à l’initiative des révolutionnaires, l’État serre les rangs et poursuit son œuvre. Voilà donc les mesures exemplaires et les lois « spéciales », habituellement appelées en temps de paix face aux possibles troubles et poursuivies de manière obsessionnelle en temps de guerre, quand les radicales contradictions de l’organisme étatique deviennent plus évidentes.

La solidarité révolutionnaire et le développement d’une perspective internationaliste contre tout État et toutes les guerres des patrons restent donc pour nous d’une importance fondamentale pour affronter la réalité sociale d’aujourd’hui. C’est donc dans cette optique, c’est-à-dire dans la continuité de la lutte, que nous trouvons et réaffirmons le sens profond de la solidarité avec les compagnons emprisonnés et sous enquête.

Ce contenu a été publié dans International, Nique la justice, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.