Gênes (Italie) : Écouter les voix

reçu par mail / vendredi 25 février 2022

Voici le texte qui présentait une exposition d’écrits des anarchistes Juan Sorroche, Anna Beniamino, Alfredo Cospito, Monica Caballero, Francisco Solar, Ignacio et Luis Avaca, ansi qu’un texte collectif écrit par des anarchistes enfermés dans la prison de Korydallos, en Grèce.
L’exposition a eu lieu à Gênes le 20 février 2022, dans le cadre d’une initiative solidale avec Juan et tou.te.s les anarchistes emprisonné.e.s.

Cette initiative naît du désir de dissiper tout malentendu quand on parle de solidarité, ainsi que de l’hypothèse que celle-ci, si elle est entendue d’une manière incohérente par rapport à ses intentions, puisse finir par amoindrir les parcours entrepris par les prisonnières et les prisonniers.

L’idée de solidarité, comme l’entendent les prisonnières et les prisonniers anarchistes en lutte et comme elle ressort de leurs voix elles-mêmes, comme on peut le voir dans les textes exposés ici, est très claire : il ne s’agit pas de la recherche d’une solidarité en général, humaine ou dictée par la pitié, qui dérive seulement d’un sentiment d’empathie vis-à-vis du fait qu’elles/ils sont persécutés par l’État, soumis à l’ignoble entrave de la privation et de la violence quotidienne, comme c’est d’ailleurs le cas pour toutes les autres personnes détenues dans les prisons italiennes.
Ici, on entend la solidarité complice et révolutionnaire, qui partage avec détermination des mots et des gestes qui sont l’expression de la tension vers l’idée d’une libération de tous les individus, qui se met continuellement en jeu, ne se limitant pas aux éventements contingents ou personnels.
Cette petite exposition présente des textes et des déclarations de prisonniers et prisonnières anarchistes dans différentes parties du monde. Des voix de l’intérieur que nous voulons porter à l’extérieur parce que, à notre avis, elles sont le meilleur des exemples d’une lutte menée avec dignité et courage.
Dans toute société, qu’elle soit progressiste, conservatrice ou démocratiques, l’idéal anarchiste est réprimé justement parce qu’ennemi mortel de l’autorité et parce qu’il représente une menace réelle pour cette dernière : la campagne anti-anarchiste mise en œuvre ces dernières années par les parquets de nombreuses villes italiennes en est la preuve.
Nos compagnonnes et compagnons ne sont pas des victimes innocentes de la répression : la tension contre l’autorité qui enflamme leurs cœurs les rend des ennemis mortels de cette société. La répression est inévitable pour ceux qui se jettent réellement dans la lutte : dans cet affrontement l’État défend ses bastions et laisse tomber toute illusion de justice démocratique.
Cela ne signifie pas que cette guerre ne puisse pas être combattue, au contraire c’est elle qui donne un sens à une vie qui ne veut pas être faite de simples représentations : l’idée de liberté, auparavant une très belle et évanescente chimère, devient concrète et tangible dans tous ces divers moments où l’on récupère le plaisir du conflit contre cet existant intolérable.
Nos compagnons et compagnonnes emprisonnées combattent chaque jour, en utilisant ce qu’ils ont, c’est-à-dire leurs corps et leur existence, comme une barricade contre l’impact de la violence que l’État déploie à leur encontre : l’isolement, la censure, la violence psychologique et physique. Ils défendent bec et ongles l’idée et la flamme qu’ils gardent vivante dans leurs cœurs assiégés.
Au vu de tout cela, quelle peut être la solidarité que nous désirons exprimer ? Pouvons-nous faire moins ?
Dans ce monde qui est une prison en plein air, la répression court vite et ne fait aucune concession : l’une des armes que nous pensons efficaces pour lui faire face est la conscience et la dignité de notre choix, l’attention à ne pas discréditer l’élan vital qui soutien le conflit, par le fait d’accepter les solutions expéditives que l’État, dans sa générosité habituelle, nous offre pour nous sortir des ennuis. L’acceptation de compromis est une habitude qui s’insinue lentement, lentement elle peut contaminer la vie toute entière. Pour nous, le sens d’une lutte, peu importe son objectif, est dans la totalité de son parcours.
Cette initiative est dédiée à toutes nos compagnonnes et compagnons anarchistes qui, avec lucidité et dignité, continuent à lutter contre cette société autoritaire, depuis les prisons où ils sont enfermés. Que leur courage et leur détermination inspirent nos parcours ici dehors.

Anarchistes

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