Trieste (Italie) : Et ils vinrent placer des mouchards dans nos voitures

La Burjana / mercredi 2 août 2023

Samedi matin, un.e compa à nous a été réveillé.e par des voisins parce que quelqu’un avait cassé une vitre de sa voiture. Un vol bizarre : des CD gravés, l’adaptateur du GPL, un verre, un petit sac-cadeau avec des herbes du jardin et… une boisson à base de sureau faite maison (ça tombe bien, voir ci-dessous l’étiquette !). Toute ville est comme un village et des voisin.es avaient vu quatre hommes à l’allure discrète et tranquille entrer et sortir de cette voiture, la nuit d’avant, à 23h30, juste après qu’il y ait eu un bruit de vitres cassés : l’un entrait du côté passager et farfouillait, se penchant jusqu’au côté du conducteur, les trois autres restaient sous un lampadaire. Tellement insouciants des passants, qu’il semblait que c’était leur voiture. Qui sait si c’est eux ou leurs collègues qui ont ensuite laissé le petit papier de la police, trouvé sous l’essuie-glace, qui invitait à se présenter pour porter plainte

Alors qu’on nettoyait la voiture suite à ce vol, on a remarqué qu’une pièce sous le volant, près des pieds, n’était pas à sa place et en suivant un fil on a trouvé le mouchard.

Mais pourquoi il a été installé ? On ne le sait pas. Peut-être à cause de la solidarité démontrée aux personnes qui sont enfermées dans le CRA de Gradisca parce qu’elles n’ont pas les bons papiers ? Peut-être à cause du soutien démontré envers la bataille d’Alfredo Cospito contre le 41-bis ? Peut-être pour l’opposition au téléphérique, justement en ce moment d’accélération estivale, quand les techniciens se présentent aux portent avec les planimétries pour les expropriations ?

Le fait d’être sensibles, et non pas indifférents, à l’horreur des CRA, à l’atrocité du 41-bis et à la dévastation de l’environnement n’est pas, pour nous, une faute, c’est plutôt notre seule manière de vivre humainement, malgré l’atrophie que souvent nous ressentons autour de nous.

Ce qui est préoccupant, néanmoins, pour l’énième fois cette année, est la disproportion des actions de parquets et police. Cela semble la tentative non pas de réprimer des faits précis, mais de noyer ceux qui essayent de se maintenir à flot dans cette fange d’individualisme et de surveillance qui nous entoure.

Quelqu’un disait qu’une société injuste a toujours besoin de réprimer des criminels, pour se légitimer. Mais le seuil au delà duquel quelqu’un.e devient un.e criminel.le est déterminé par la société elle-même : dans les époques où la peur de réagir est la plus forte, le simple fait d’avoir certaines idées peut suffire. Nos pensées vont rapidement à Pérouse et Potenza, où, ces derniers mois, des enquêtes pour 270 bis (association terroriste) ont été ouvertes, pour avoir montré publiquement son soutien à la lutte entreprise par Alfredo Cospito contre le 41-bis (dans un cas, pour une banderole), ou à Bologne et Rovereto, où une enquête similaire a été ouverte et où une poubelle en flamme est considérée comme un « attentat ». Du coup, le seul remède qu’il nous semble nécessaire est celui qui existe déjà : réagir collectivement à la sensation intolérable d’avoir un camp pour personnes indésirables à Gradisca, à la pensée que pendant que nous regardons le ciel, quelqu’un suffoque sous la torture blanche, en 41-bis, à Tolmezzo [ville dans la région de Trieste ; NdAtt.], à l’imposition vorace et autoritaire d’une grande œuvre dans le bois de Bovedo. Réagir collectivement à la fermeture de structures médicale de proximité à Trieste, à l’expansion de l’entreprise SIOT [la société qui gère la portion italienne de l’oléoduc transalpin, qui transporte du pétrole du port de Trieste jusqu’en Allemagne, et qui veut aussi construire des centrales de cogénération à gaz ; NdAtt.]. Cela en les faisant passer pour des mesures pour réduire les émissions de CO2 et rendre plus efficace la production d’énergie (à base de méthane, très écolo!). L’habituelle opération pour augmenter ses profits et recevoir des aides publics, en élargissant un projet déjà dévastant comme l’oléoduc transalpin.

Résister face à la dévastation des territoires est le premier pas pour lutter pour la justice sociale et climatique. Le seul oléoduc que nous aimons, est celui qui pète !

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