Athènes (Grèce) : Communiqué des personnes touchées par l’opération répressive du 16 septembre

Enough is enough / lundi 21 septembre 2020

Mercredi 16 septembre 2020, il y a eu des descentes de police dans plusieurs appartements, à Berlin et à Athènes. L’accusation du Procureur général fédéral allemand auprès de la Cour fédérale de justice est « formation d’une organisation criminelle », selon l’article 129 du Code pénal allemand. À Athènes, à 6 heures du matin (7 heures selon l’heure allemande), des policiers grecs du service antiterroriste (D.A.E.E.B.) et un policier de la police criminelle fédérale allemande (BKA) ont pris d’assaut deux appartements, pour exécuter des mandats de perquisition contre trois personnes inculpées et au moins une autre.
Les inculpé.e.s, ainsi que les autres personnes présentes dans les appartements, ont été emmené.e.s par les flics au quartier général de la police d’Athènes, dans les bureaux de l’(anti)terrorisme, au 12ème étage.

Après dix heures d’attente, deux personnes ont été libérées et les trois autres ont été officiellement mises en état d’arrestation, pour une bombe aérosol au poivre qui a été trouvée dans l’appartement (sa possession est une violation de la loi grecque sur les armes) et pour deux couteaux de poche ; elles ont également été accusés du refus de donner leurs empreintes digitales. Après 6 heures supplémentaires, ils/elles ont été transféré.e.s dans les cellules du 7ème étage. Le lendemain matin, tou.te.s les trois ont été habillé.e.s comme dans un film, avec des gilets pare-balles (typiques lors d’une présentation par le service anti-terroriste), menotté.e.s et amenés au tribunal par une escorte lourdement armée. À la fin du spectacle, le tribunal a décidé de reporter le procès et de libérer les prisonnier.e.s.

Dans ce jeu kafkaïen, les médias allemands et grecs ont, comme prévu, rempli leurs rôles de larbins du système. Les attaques de l’État contre le mouvement anti-autoritaire ont toujours été suivis par les médias mainstream, afin que la souveraineté de l’information et la description de la situation soient du côté des flics et de l’État. Dans le cas présent, le peu d’informations que les flics ont diffusées a été agrémenté, dans des articles aux titres tapageurs, avec des déclarations et des affirmations fausses, dans le but de donner à un large public l’impression voulue.

La coopération entre les autorités allemandes et grecques n’est certainement pas une nouveauté. Nous trouvons que l’organisation commune des différentes autorités n’est pas surprenante, mais qu’elle vaut quand même la peine d’être mentionnée. Elles utilisent une procédure unique pour mettre en œuvre dans les deux pays les intérêts politiques des services de sécurité et de l’État.

Alors qu’en Allemagne il n’y a pratiquement pas de groupe nazi connu qui n’implique pas des flics, que les mouvements (de masse) de droite ont le vent en poupe, que les forces d’extrême droite ont réussi à faire évoluer les lignes du discours en leur faveur et que les tentatives d’assassinat de migrant.e.s sont devenues une pratique quotidienne de la part des fascistes, l’actuel gouvernement grec tente d’aligner les normes sociales sur celles des pays d’Europe occidentale. Ce « programme de modernisation » est appliqué avec des argumentions et des méthodes fascistes. Le ministre allemand de l’intérieur Seehofer parle de l’accueil des migrants de Moria avec la même attitude négative que son équivalent grec Chryssohoïdis et le patron de ce dernier, Kyriakos Mitsotákis. La CDU (qui, au niveau européen, est un parti frère du parti grec au pouvoir Néa Dimokratía) semble vouloir rivaliser avec ND dans son attitude anti-humanitaire. Les formes d’organisations qui se développent pour affronter tout cela doivent être tuées dans l’œuf par leurs pantins. L’intensification de la coopération avec la police allemande, qui s’exporte très bien, ne présente pas que des avantages pratiques. Dans les deux pays, les squats et les projets d’habitation collective font face à une grave menace de la part de l’État et du capital. Ainsi, les mesures prises à notre encontre ne visent qu’à donner un exemple à tou.te.s celles/ceux qui s’opposent à cette logique.

En Grèce aussi, l’application du paragraphe 187a/b du Code pénal (l’équivalent grec de l’article 129 allemand) est un outil très utilisé par les flics pour réprimer le mouvement anti-autoritaire. Les procédures sont similaires presque partout en Europe et au-delà. Des individus issus du mouvement sont identifiés, mis sous enquête et, par la suite, des amitiés personnelles et des références politiques sont présentées au public comme dangereuses. Il n’est pas rare que des personnes soient enfermées et torturées. Il faut souligner le rôle de l’État : celui qui châtie et qui en même temps défend les membres, léthargiques et adaptés, de cette société. L’isolement politique et personnel en tant qu’outil de maintien de l’ordre capitaliste est un autre exemple de la doctrine de l’État.

Ils ont le culot de poursuivre des personnes accusées d’avoir formé une organisation criminelle alors qu’ils cherchent à affirmer leurs intérêts capitalistes et patriarcaux avec les armes, d’une façon bien coordonnée, organisée au niveau international et avec tout leur pouvoir.

Seulement la solidarité, le fait d’être en réseau et la confrontation politique peuvent nous aider face à cette violence autoritaire. Dépasser les frontières des États, afin de renforcer l’organisation et la solidarité est une démarche qui va dans le bon sens.

Enfin et surtout, cette opération policière prouve que les ennemis de la liberté travaillent depuis longtemps en réseau au-delà des frontières qu’ils ont eux-mêmes définies. Les consortiums de sociétés opérant au niveau international, souvent originaires d’Allemagne, qui achètent des biens immobiliers et des entreprises à bas prix dans des villes en crise comme Athènes (aussi pour expulser des bâtiments squattés, afin que même la plus petite mette puisse encore être utilisé pour créer une goutte de profit) ne sont qu’un morceau de la grimace du capitalisme.
La seule réponse possible est la solidarité anti-nationale. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici. Non pas pour se laisser tenter par la richesse culturelle du « berceau de la démocratie », mais pour rechercher la lutte contre les origines et les effets du capitalisme, aussi là où la solidarité rend possible des luttes communes.

Les stratégies des appareils répressifs se limitent généralement à prendre pour cible quelques personnes seulement, mais, derrière, elles visent toujours un mouvement. Répondons donc ensemble aux attaques de l’État…

Nous sommes heureux.ses du grand nombre de messages et d’actions en solidarité !
Solidarité avec toutes les personnes touchées par la répression.

Chaque oppression n’est que du carburant en plus dans le feu de notre passion pour la liberté !
La lutte continue !

Les personnes touchées par les mesures répressives à Athènes, le 20 septembre 2020

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