Hambourg (Allemagne) : Une lettre et la recension d’un livre, par l’un des compas emprisonnés à la taule de Hostelglacis

de.indymedia.org / 1er février 2020

Contre l’isolement de nos prisonnier.e.s !

2 janvier 2020,
Chers ami.e.s et compagnon.ne.s de combat, je vous souhaite une bonne année.
J’espère que vous l’avez bien accueillie, comme je l’ai fait moi.

Ici, en prison, le rassemblement solidaire du soir du Nouvel an a été un grand sujet de conversation et a été bien accueilli. Même si je n’ai rien vu du rassemblement, je me suis glissé dans la nouvelle année en regardant de magnifiques feux d’artifice, en pensant à vous et en anticipant la joie de vous voir.

Je vous envoie une revue d’un bon roman graphique. En allemand le livre est paru chez Bahoe, en anglais je pense qu’il a été publié par AK Press [l’édition française de ce livre est : « Matricule 155 : Simon Radowitzky », de Agustin Comotto, Babelio, 2017 ; NdAtt.].

Alors, mes cher.e.s, je vous salue tou.te.s et j’espère vous revoir bientôt.
Liberté et bonheur !

………

Revue de « Matricule 155 : Simon Radowitzky »

Monument funéraire de Ramón Falcón. Cimitière de la Recoleta, Buenos Aires, en 2006

La littérature anarchiste en langue allemande est malheureusement assez limitée. Cela devient vite clair lorsque vous entrez dans une bibliothèque italienne, française ou espagnole. Une des conséquences de cette sélection limitée est une connaissance très incomplète de l’histoire anarchiste et révolutionnaire et donc un manque d’occasions et de débats pertinents, aussi pour les analyses et les luttes contemporaines. Par exemple, le sort de Sacco et Vanzetti et la solidarité mondiale avec eux sont connus par beaucoup de monde aussi dans l’espace germanophone. Même si c’est surtout dans une perspective très gauchiste, dans laquelle les deux migrants italiens assassinés par la justice américaine sont présentés comme des victimes innocentes et non pas comme les anarchistes révolutionnaires qu’ils étaient. En revanche, un autre chapitre de la solidarité internationale est largement méconnu, ici. Mais cela n’est pas seulement dû aux barrières linguistiques. La solidarité avec l’anarchiste Simón Radowitzky a elle aussi été très forte et dans des nombreux pays elle a été portée dans les rues. Cependant, dans son cas, ça n’a pas été possible de l’instrumentaliser comme une victime innocente de la justice. En 1909, à l’aide d’une bombe, il a assassiné Ramón Lorenzo Falcón, le tristement célèbre général qui avait réprimé dans le sang les grèves et les manifestations des travailleur.euse.s en Argentine.
A cause de son jeune âge, il n’a pas pu être exécuté, mais il a passé des nombreuses années en prison dans la Terre de Feu. Juif ayant survécu aux pogroms antisémites des Cosaques, dans l’Empire tsariste, il avait rejoint les anarchistes révolutionnaires et s’était enfui en Argentine après la révolution de 1905.
Son action et son emprisonnement ont poussé beaucoup de monde à lutter eux aussi contre le pouvoir. Par exemple, Severino di Giovanni et ses compagnon.ne.s d’armes ont mené de nombreuses attaques pour obtenir la libération de Radowitzky ; dans de nombreux autres endroits du monde aussi, les anarchistes ont fait parler la dynamite, en solidarité. Après une évasion spéctaculaire, mais malheureusement ratée, à travers les étendues sauvages de la Terre de Feu, Simón Radowitzky quitte le continent sud-américain et lutte contre le fascisme en Espagne. Il fini, comme tant de révolutionnaires, dans un camp de concentration français. Il meurt au Mexique en 1956.

Depuis quelques années, il existe un roman graphique assez intéressant sur sa vie. Désormais, le livre d’Augustín Comotto a été traduit de l’espagnol en anglais et en allemand. Ça fait plaisir de constater que non seulement il est très intéressant sur le plan artistique, mais qu’il est aussi précis en termes de contenu et d’histoire. L’auteur montre également une proximité avec le mouvement et l’idée anarchistes. Par exemple, l’anarchiste britannique Stuart Christie a écrit une préface pour le livre.
L’histoire de Simón Radowitzky est toujours d’actualité. À l’automne 2018, une anarchiste a été gravement blessée lorsqu’elle tentait de faire sauter la tombe de Falcón. Comme on le sait d’autres sources, son arrestation et celles d’autres personnes au cours de la vague répressive ont été mises à profit dans les médias, quelques semaines avant le sommet du G20 à Buenos Aires.

 

Note d’Attaque : pour en savoir plus sur Radowitsky et les milieux anarchistes de son époque, on pourra lire « De la Russie à l’Argentine. Parcours d’un anarchiste au début du XXe siècle »

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