L’Anarchie en tribunal ?

NdAtt. : un texte paru sur Nihil, feuille anarchiste publiée en Sardaigne, vers la fin des années 1990, qui critique de façon pertinente les choix défensifs de certaines compas, lors du « Procès Marini ».

Jusqu’à présent, la plupart de procès intentés contre des compagnons a eu comme motivation des accusations bien déterminées : braquages, dégradations de bâtiments ou autre, occupations de squats, manifestations sauvages, résistance et outrage aux force de l’ordre, petits vols…
Les compagnons y ont fait face presque toujours en se mobilisant sur deux niveau, en quelque sorte complémentaires et en accord : d’un côté la dénonciation des objectifs et des méthodes de police, Carabinieri et juges ; d’autre côté le recours aux avocats pour qu’ils démontrent, d’un point de vue strictement technique, que les compagnons ne sont pas responsables des « délits » qui leurs sont attribués et que les « preuves » à leur encontre sont fausses et fabriquées à dessein. Parfois, on n’a pas hésité à faire recours à des procès non-contradictoires ou à des argumentations conciliantes et de type humanitaire, en s’appuyant par exemple sur le jeune âge des compagnons, sur les circonstances spécifiques et sur les atténuantes…
Même si, on en conviendra, une stratégie de ce type n’a pas empêché des lourdes condamnations, nous qui écrivons n’avons aucun reproche à faire à ceux qui la choisissent, l’ont choisie ou la choisiront.

Au delà de cela, il est néanmoins évident qu’une approche de ce type présente des  « limites » énormes, pour ne pas dire des énormes contradictions, si on l’applique à des procès comme celui en cours à Rome contre une cinquantaine de compagnons et compagnonnes.
Dans le cas de chef d’inculpations spécifiques, c’est à dire de délits spécifiques, l’issue du procès peut être déterminée, en plus ou moins large mésure, par cette forme de compromis qui est donné d’un côté par l’ouverture d’esprit du juge et de l’autre par le fait qu’il puisse remarquer de la bonne volonté ou de la prédisposition, de la part des inculpés, à la conservation de l’ordre constitué.
Un tel compromis ne saurait au contraire exister lors de procès plus clairement politiques, qui visent à éliminer l’ennemi de l’État-capital : le subversif, l’anarchiste en tant que tel et non pas en tant qu’auteur de tel ou tel autre délit précis.
Le but du pouvoir, dans un tel procès, est l’élimination directe de son ennemi déclaré, et, en perspective, aussi la réduction à néant des marges de « liberté » et d’action « au grand jour » dont disposent toutes les forces d’opposition révolutionnaire présentes dans le corps de la société.

Une attaque d’une telle ampleur exige une réponse qui est une contre-attaque, une contre-offensive qui soit la continuation de la guerre totale déclarée au système policier-judiciaire et politique-economique.
Une réponse qui va dans le sens de ces quelques considérations a déjà été exprimée par certains des inculpés, conscients du fait que face à une procédure pénale d’une telle étendue on ne peut pas avoir aucune attitude de docilité formelle et d’apaisement : cela reviendrait, sous prétexte d’une défense technique-juridique, à une attitude rusée et opportuniste de reconnaissance/respect formel de la légalité et de la loi.

Et quel sens pourrait-elle avoir notre lutte contre l’État, en tant qu’ANARCHISTES, si ce n’est pour reconnaître par la suite à ce dernier, d’une certaine façon, le droit de nous juger, par ailleurs avec notre consentement ?

Nous ne pouvons pas non plus partager des tours de passe-passe comme celui de laisser défendre l’anarchiste en tant que tel par son avocat, et de manière larmoyante et victimiste, tout en prétendant après-coup qu’il ne s’agit que de la stratégie défensive technique de l’avocat !
Il est clair que, si nous ne sommes capables de défendre par nous-mêmes NOTRE ANARCHISME et ses raisons, personne d’autre pourra jamais le faire, encore moins dans une salle de tribunal.

Cela ne signifie pas qu’on ne veuille pas se défendre. Cela signifie par contre que l’argument « tout le monde fait comme-ça » n’est pas acceptable ; nous ne sommes pas prêts à vendre dans une farce judiciaire celles qui sont nos raisons de vivre, donc notre ÊTRE DES ANARCHISTES REBELLES.
D’autre côté, le fait que l’avocat arrive à démontrer notre extranéité à un fait, à un événement bien précis, c’est une chose ; toute autre chose est le fait que l’avocat rende notre anarchisme attrayant et agréable pour les juges, en le stérilisant de ses moments subversifs et radicaux, afin d’éviter, de manière efficace ou pas, un plus ou mois long laps de temps à passer en taule.

Puisque la répression et la prison sont partie intégrante et permanente de l’État-capital, il faut les prendre en compte, conscients du prix à payer si quelque chose va de travers. Ce qui signifie que dans toute situation, en prison ou dehors, on tend vers la lutte, donc vers notre défense, puisque défense et lutte sont la même chose ; cela en nous appuyant exclusivement sur nos moyens et nos énergies.

Costantino et Pierleone

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