Italie : Rien ne sera plus comme avant, pour vous

Malacoda / jeudi 14 octobre 2021

« J’ai le plaisir de souligner que, dans tous les cas les plus graves, les institutions se sont démontrées soudées : magistrats, préfets et commissaires en chef de la police, ainsi que toutes les forces l’ordre, sont intervenus sans hésiter et ont rendu le visage de l’État encore plus déterminé face aux actes délictueux qui étaient en train de se passer ». Les mots par lesquels Alfonso Bonafede, ministre de la Justice de l’époque, a revendiqué devant le Parlement le massacre qui a eu lieu dans les prisons italiennes en mars 2020 peuvent, à vrai dire, être appliqués à tout ce qui s’est passé pendant ces deux dernières années.

Des millions de personnes ont enfin eu la possibilité d’observer le vrai visage de l’État. D’abord ils nous ont enfermés chez nous pendant trois mois, après ça a été le tour du couvre-feu nocturne, des confinements région par région, de l’ainsi-dit semi-confinement (quand on pouvait sortir de chez soi, en effet, mais seulement pour aller travailler). Finalement, on est arrivé à la tant désirée « reprise ».

La reprise économique coûte que coûte n’est certainement pas un « retour » de la liberté et du bonheur pour les individus, mais l’exigence d’une abnégation complète face aux nécessités du marché. Il y a un fil rouge qui relie des épisodes dramatiques comme le massacre du Mottarone*, les six morts par jour sur les lieux de travail, les agressions contre les travailleurs de la logistique en grève** et l’imposition du Pass sanitaire à tous les travailleurs*** : ce fil rouge s’appelle reprise de l’économie capitaliste. La seule chose qui leur intéresse est que l’économie ne s’arrête pas une fois de plus, qu’il n’y a pas de clusters/foyers dans les entreprises. La machine ne doit plus s’arrêter, qu’on coupe les freins, plutôt. La machine ne doit pas ralentir, qu’elle nous écrase, plutôt.

Il s’agit des mêmes gros patrons de la Confindustria [le Medef italien ; NdAtt.] qui, en février 2020, ont fait du lobbying pour garder ouvertes les usines, qui minimisaient la gravité du virus, qui, avec les maires démocrates [du Partito Democratico, de centre-gauche ; NdAtt.] de Milan et de Bergamo, disaient qu’on ne pouvait pas s’arrêter. Les mêmes qui, aujourd’hui, veulent nous imposer le Pass sanitaire. Quelle dignité ont ces messieurs, pour nous accuser d’être des irresponsables, pour nous dire, eux à nous, que nous sommes les « négationnistes » ?

Le Pass sanitaire n’a rien à voir avec l’urgence sanitaire. En réalité, il n’a rien à voir avec les vaccins non plus (quoi qu’on en pense de ces derniers). Ce n’est pas vrai que le Pass sanitaire sert à pousser de force la population vers la campagne vaccinale. C’est l’exacte contraire qui est vrai : celle-ci est un prétexte pour nous obliger à télécharger le Pass. L’objectif à peine voilé du gouvernement est d’exploiter la pandémie pour mettre en place une formé inédite de tournant autoritaire.

Ces dernières années, les patrons ont tout gagné : ils ont continué à produire, en nous imposant de rester chez nous quand on ne devait pas aller travailler pour eux ; ils ont obtenu le droit de virer librement leurs employés, en imposant Mario Draghi, le sinistre bureaucrate de la BCE et massacreur de la Grèce, comme chef du gouvernement ; ils sont en train de nous affamer par la hausse des factures et du prix du carburant, une façon indirecte de réduire nos salaires. Face à cette crise structurale, la seule réponse que l’État peut apporter est une recrudescence de la répression, le durcissement du contrôle social.

C’est à cela que sert le Pass sanitaire !

Le Pass sanitaire n’est pas une mesure temporaire : dans leurs projets c’est un instrument de contrôle qui a vocation à rester. Face à ce dispositif odieux, on ne peut pas se permettre des compromis, ni de voies médianes (comme la gratuité des tests). Le problème n’est pas d’obtenir le Pass tout en préservant notre pharaonique « liberté de choix ». Cet instrument de contrôle infâme doit être saboté par tous les moyens.

Ripostons à ce durcissement du contrôle en durcissant l’affrontement. Beaucoup de monde l’a compris, beaucoup de monde descend dans les rues, sans chefs ni bureaucrates collabos du régime. Nous ne savons pas comment cette lutte finira, mais nous savons que, pour des millions d’exploités, ce qui s’est passé ces deux dernières années a été une sorte de perte de l’innocence. Beaucoup d’entre eux ont vu le vrai visage de l’État. Les analystes au service du régime eux-mêmes sont préoccupés à cause de la perte de confiance dans les institutions étatiques, dans la politique, dans la police, dans les syndicats. Que ce fossé devienne impossible à combler, qu’à partir d’aujourd’hui ce soient eux qui se sentent sous siège. Que la méfiance se transforme en conflit.

Au début de la crise ils nous ont dit « rien ne sera plus comme avant ». C’est la seule chose sur laquelle ils ne nous ont pas menti. Pour vous, patrons et gouvernants, rien ne sera plus comme avant. Nous ne réclamons pas des droits, nous ardons d’anarchie.

A bientôt dans les rues.

 

Notes d’Attaque :
* Le 23 mai 2021, une cabine de la téléphérique touristique du Mont Mottarone est tombée, provoquant 14 morts. Depuis la réouverture de l’installation après le confinement, un mois plus tôt, la cabine roulait sans frein d’urgence, car les dirigeants, qui étaient à connaissance de ses problèmes, avaient choisi de la faire fonctionner quand-même.
** Parmi les exemples les plus dramatique il y a la mort d’Adil, le 18 juin 2021. Lors d’un piquet de grève des ouvriers de la logistique LIDL, à Novara, il a été renversé par un camion qui voulait forcer le blocage.
Le 11 juin, un groupe de jaunes et de vigiles a attaqué un piquet de grève devant l’entrepôt Fedex-TNT de Tavazzano, dans la région de Milan.
Fin mai, devant l’entrepôt d’une entreprise prestataire de Fedex-TNT, les grévistes avaient été tabassés à coups de bâtons par des vigiles. Cela était déjà arrivé à trois reprises, sur le même site, en juillet 2020.
*** Depuis le 15 octobre 2021, en Italie le Pass sanitaire est obligatoire pour accèdes à tous les lieux de travail. Des fortes oppositions sont en cours, par exemple celle des dockers de Trieste. Les patrons des ports, pour éviter leur blocage, proposent des tests gratuits aux travailleurs qui n’ont pas de Pass sanitaire.

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