Bar-le-Duc : Procès du 27 septembre 2021

Bure Bure Bure / mardi 12 octobre 2021

Le 21 août 2021, 4 cortèges ont convergé vers le dépôt de l’Andra à Gondrecourt-le-Chateau.

Ce jour-là, une personne a été arrêtée. Accusée à sa sortie de garde-à-vue de dégradation grave, de refus de signalétique et de refus de donner son ADN, elle a finalement été convoquée le 27 septembre devant la « justice ».

Dans la salle du tribunal de Bar-le-Duc, un nouveau box vitré pour les détenus vient d’être construit en-dessous du tableau montrant une armée en déroute, et c’est dans ce chaleureux décors que le.a copaine a été jugée.

3 heures auront été nécessaires au déroulement de ce procès, au cours desquelles le président a longuement procédé à la démonstration convaincante de son manque de charisme, pendant que la procureure étalait avec assurance son ignorance du code de procédure pénale.

L’avocate de la défense a cherché à démontrer que la garde-à-vue n’était pas légale, puisque la personne n’a pendant toute la procédure été suspectée que d’avoir commis des tags (qui ne sont pas des « dégradations graves »).

A la fin de la pièce, la personne est condamnée à 500 euros d’amende avec sursis pour … tag, à 3600 euros de dommages et intérêts et à 500 euros de frais de justice.

Comme toujours, la répréssion coûte cher ! Vous pouvez soutenir l’antirep en envoyant un don : https://www.helloasso.com/associations/cacendr/formulaires/2

 

Et voici, pour conclure, la déclaration de le.a copaine devant le tribunal :

« Je souhaite faire une déclaration et m’en tenir ensuite au silence

Le contexte, d’abord. Je vais essayer d’être bref. Mais je pense qu’il est important de comprendre comment on en est arrivé là.

Depuis de nombreuses années, des militants et militantes (et j’englobe à travers ce mot un ensemble hétérogène d’individus aux pratiques parfois très différentes) luttent à Bure et aux alentours contre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires piloté par l’ANDRA.

Si j’étais présent à cette manifestation du 21 août, c’est donc pour m’opposer, comme tant d’autres, au projet CIGEO. A ce titre, j’exprime toute ma solidarité aux autres militants et militantes présentes ce jour là, et ce quelque soit les méthodes de contestations qu’iels ont choisi d’adopter. Plus largement, j’exprime toute ma solidarité à toustes les militants et militantes qui ont lutté, luttent, et / ou continueront de lutter contre ce projet désastreux, et qui ont subie, subissent, et subiront sans doute encore l’extrême répression policière, judiciaire, et donc politique qui est devenu monnaie courante à Bure.

Je viens d’exprimer ma solidarité. D’un point de vue judiciaire, il me semble que cela ne me rend encore coupable de rien, de la même façon que je ne suis pas coupable d’être pour l’abolition de la police, des prisons, des frontières, ou encore de L’État.

Alors de quoi suis-je prétendument coupable ?

Il est écrit que j’aurais effectué des tags (ce que je vais bien sur contester) et que j’aurais refusé de me livrer à un fichage politique (ce que je ne vais pas nier).

Revenons à la manif donc. Quel était mon rôle dans cette manifestation ? Même si le titre de parfait petit taguer, pour reprendre les mots de la procureure, est assez élogieux, il se trouve que je n’étais pas venu pour taguer. D’ailleurs, ce jour là, je ne savais pas que des gens allaient effectuer des tags. C’était une surprise. Une bonne surprise, certes, mais une surprise quand même.

Je suis avant tout venu à cette manifestation pour marcher pour nos revendications et pour, si besoin, prendre soin des autres. C’est pour ca que dans mon sac et ma sacoche se trouvaient un certains nombres de compresses, bandes, rouleau de sparadrap, poches de froids, et autres composant que l’on utilise couramment pour effectuer ce que l’on appelle communément les gestes de premiers secours.

Car vous savez comme moi que lors d’une manifestation, un accident est vite arrivé : insolation, entorse, étranglement prolongé suite à une arrestation violente…

Heureusement, ce jour là, nous avons eu beaucoup de la chance. Les gendarmes ont arrêté de m’étrangler avant qu’un (énième) drame n’arrive. Ils ont même fini par me donner ma ventoline. Après 20 minutes de crises d’asthme, certes, mais bon, mieux vaut tard que trop tard.

L’avantage de tout ca, c’est que ca te fait vachement relativiser la suite.

Par exemple, tu trouves ca cocasse, et même presque drôle, lorsque des gendarmes ouvrent ton sac et en sortent une bombe de peinture que tu n’as jamais vu de ta vie.

La question, c’est donc : comment cette bombe de peinture est arrivée là ? Deux solution. Soit quelqu’un quelqu’une m’a fait une petite blague dont je me serais fort bien passé. Soit des gendarmes ont décidé de la placer discrètement dans mon sac alors que j’étais en train de suffoquer. Histoire de pouvoir justifier mon interpellation a posteriori. Quelle prévoyance !

Vous vous doutez bien qu’il y a une hypothèse que je trouve plus crédible que l’autre.

Bref. Examinons maintenant le second délit dont on m’accuse : le refus de signalétique et de prélèvement ADN.

N’ayant pas commis le délit dont on m’accuse et qui a servi à justifier ma garde à vue, il m’a semblé tout à fait logique de refuser purement et simplement que l’on prélève mes empruntes et mon ADN. D’autant qu’à ce moment là, je me rappelle j’ai comme l’impression qu’on essaye un peu de me pieger.

Alors oui. J’ai refusé de me livrer à un fichage politique. Puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Ce fichage est l’un des nombreux outils de la répression policière, judiciaire, et étatique dont les militants et militantes, particulièrement à Bure, mais aussi ailleurs, font les frais. Cette répression n’a qu’un but : étouffer la contestation en s’attaquant directement aux individus jusque dans leurs chaires, afin de les briser, et de briser les liens qui nous unissent.

Je ne crois pas à ce procès. Depuis le début, on se fou un peu de savoir si je suis coupable ou non. J’ai juste été arrêté, comme n’importe qui aurait pu être arrêté à des fins de répression politique. Ici, ma parole ne vaut rien face à ce gendarme qui prétend m’avoir vu tagué – pardon, qui prétend m’avoir vu le bras levé, bombe de peinture à la main, devant un mur tagué. Ma parole ne vaut que pour celleux qui, dans cette salle, sont venus me soutenir comme je serais venu les soutenir s’iels étaient à ma place.

Je voulais finir avec une citation de Brecht, mais celle que j’avais choisi au début aurait pu être interprétée comme une menace ou une incitation à l’émeute*. Heureusement, il y en a une autre que j’aime beaucoup

« Nos défaites, voyez-vous,
Ne prouvent rien, sinon
Que nous sommes trop peu nombreux
À lutter contre l’infamie » »

 

*Dans la première version, la citation était la suivante : « Quand […] une injustice est commise, il faut une émeute // Et si il n’y a pas d’émeute, il vaut mieux que la ville s’effondre // Dans les flammes, avant la nuit »

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