Prison de Nauplie (Grèce) : Une liberté avec date d’expiration

Dark Nights / jeudi 2 mai 2024

En quittant le portail de la prison, chaque détenu promet solennellement de ne jamais revenir. Presque tous font ce vœu…

En revenant, le sentiment écrasant est que la prison attendait ton retour inévitable. En entrant dans les cellules de Nauplie, j’ai rencontré de nombreux visages familiers, connus à Grevena, à Korydallos, lors des transferts, dans des centres de détention. Maintenant, ils se fondent sans difficultés dans le décor désolant de la prison. Leurs histoires m’étaient familières. Ils avaient purgé leurs peines et « réglé » leurs dettes avec la société. Le capital et aussi les intérêts. Aucun sursis ne leur a été accordé, pas un seul jour ne leur a été épargné. Je me suis demandé pourquoi ils étaient restés en prison.

« Des permissions révoquées, des libertés conditionnelles suspendues, d’anciennes sentences oubliées… »

Des âmes oubliées habitent le système pénitentiaire. Ils sont les habitants permanents, avec quelques brefs répits, de l’enfermement.

Les chiens des médias, avec leurs costumes et leurs lourds maquillages, grognent pour qu’il y ait des peines plus sévères. L’écume à la bouche, ils dénoncent l’insuffisance des peines. Ils braillent « Prison à vie signifie toute la vie ».

Ils sont indifférents à la prédominance des condamnations à l’emprisonnement à perpétuité, en Grèce, imparties avec une facilité alarmante par le système judiciaire. Ils ne tiennent pas compte de l’absurdité de condamner des individus à 70, 80, 100 ans – un condamné nécessiterait deux vies pour purger des telles charges, qui se prolongent même au-delà de la mort !

Pourtant, ils se vantent de leur adhésion aux droits de l’être humain et aux valeurs européennes. Au moins, ici il n’y a pas de peine de mort. Pourtant, il y a bien…

Même s’ils ne soumettent pas le criminel aux flammes de la chaise électrique, leurs longues peines le corrodent avec l’acide du temps, abandonné dans des oubliettes en béton. Les aspirations permanentes du condamné, après le calvaire du procès, sont la sortie et la tant convoitée libération conditionnelle.

À chaque audience de demande de conditionnelle, ayant rempli toutes les conditions requises, il récupère son dossier, enfile ses habits les plus « élégants » et, avec une bonne dose d’espoir, rencontre ses juges.

« Refusé… Il ne fera pas un bon usage d’une libération conditionnelle. Refusé… Sa bonne conduite en prison est simplement une façade. »

Le condamné a accompli sa tâche et maintenant le verdict des juges prédira son destin. Souvent, ils ne rencontrent même pas le condamné, lors de ses appels. Son casier judiciaire suffit, alors qu’ils proclament ne pas juger son passé. Après tout, il a expié ses actions passées.

Les prisonniers ne sont pas sans faute, mais si le « remède » n’est rien d’autre qu’une incarcération prolongée, il faut se rappeler qu’une surdose de médicaments empoisonne qui la reçoit. Pour s’attaquer efficacement à ce problème, il faut identifier ses origines. Personne n’est criminel par essence. La prison reflète l’image de la société. Quand le condamné voit que l’éthique de l’État comprend la corruption, la fraude, les scandales, il imite ces traits.

En même temps, des décisions de justice ambiguës et les peines plus sévères dictées par la reforme du code pénal engendrent chez le prisonnier du ressentiment et de la ruse, pour sa survie. Marginalisé par la société et marqué par les stigmates de l’emprisonnement, il est contraint de perpétuer sa personnalité maligne. La prophétie des juges d’une « transformation simulée » se métamorphose en une prédiction auto-réalisatrice.

Sa liberté est soumise à une date d’expiration.

À l’extérieur de l’édifice de la prison, se profile la grande prison intangible… Par la crainte d’un emprisonnement authentique, la société s’enferme par elle-même. La peur, le défaitisme, l’apathie constituent ses barreaux… La conviction que le changement est inconcevable. Les individus persistent à flâner dans leurs espaces clos, à faire la navette entre chez eux et leur lieu de travail, à apaiser leur incarcération avec des délices illusoires et des marchandises convoitées. La misère croissante, matérielle et spirituelle, les oblige à baisser encore plus leur regard.

Pour leur libération, ils sont un arbitre plus sévère que le jury d’un tribunal. Leur essence même. Nous seuls devons choisir notre manière de vivre. Adopter les conditions d’un prisonnier satisfait ou opter pour les nécessités d’une libération véritable et de la dignité…

En vous souhaitant bonne chance…

Christos Tsakalos
prison de Nauplie

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