Hamilton (Canada) – Leur projet doit être abandonné : dégradations du nouveau gazoduc d’Enbridge

North-Shore / vendredi 12 juin 2020

Lorsque une lune d’un jaune intense s’est levée, nous nous sommes enfoncé.e.s dans le marécage, au-delà des douces odeurs de lilas, de verdure et de terre. Bercé.e.s par le clair de lune et par la lumière de nos frontales se reflétant, dans l’obscurité environnante, sur les piquets clairs qui délimitent le nouveau projet de gazoduc d’Enbridge [grande entreprise canadienne spécialisée dans le transport de pétrole par oléoduc ; NdAtt.], à Flamborough. Un par un, nous avons enlevé près de 10 kilomètres de piquets, les jetant sur le côté pour qu’ils soient réabsorbes par la broussaille.

Des fougères hautes jusqu’aux épaules, des coléoptères géants, des coyotes hurlants et des grenouilles chantantes n’étaient que quelques-unes des merveilles que le marais avait à nous offrir, ce soir-là.

Séparé.e.s en petites équipes et armé.e.s de lampes frontales et de chaussures de randonnée, nous avons parcouru presque toute la longueur du gazoduc en projet, dans le but de faire perdre du temps et de l’argent à Enbridge et d’envoyer un message : Nous allons résister à la construction de ce gazoduc. Il ne sera pas construit.

Le tracé du gazoduc proposé par Enbridge s’étend entre Valens Road et l’est de la route 6, entre Safari Road et la rue Concession 8, au cœur du marais de Beverly, désigné comme zone humide provinciale de classe 1 et secteur significatif sur le plan environnemental. Leur projet est le gazoduc le plus court et le plus destructeur de ce qu’on appelle le sud de l’Ontario. Étant donné qu’il devrait traverser trois bassins versants, il faudra couper, drainer et détruire une bande de forêt et de marécage de 28 mètres de large, et creuser, avec pelleteuses et explosifs, une tranchée de 2,5 mètres.

En plus des impacts à u niveau local et des risques graves, cette nouvelle ligne est destinée à servir de solution de contournement aux moratoires qu’il y a aux États-Unis sur la fracturation hydraulique pour extraire du gaz de schiste. Les conséquences de la fracturation sont si importantes qu’il a été récemment déterminé que le gaz de schiste peut être autant ou plus destructeur pour notre environnement et notre atmosphère que la combustion du charbon. La fracturation hydraulique comporte l’injection d’eau à haute pression, de sable et de produits chimiques brevetés, pour fissurer la terre et libérer du gaz. Il a été démontré que ce processus perturbe les écosystèmes, provoque des tremblements de terre, détruit le substrat rocheux et empoisonne les eaux souterraines et de surface.

Le choix de résister à ce gazoduc est facile, même si les randonnées nocturnes dans des endroits sauvages ne le sont pas ; ce fut un plaisir de visiter cet endroit sauvage et semi-sauvage, sous le clair de lune. Tout le monde s’en est sorti sain et sauf, de bonne humeur, et après avoir retiré les piquets sur environ le 70 % du chantier.
Covids-19 ou pas, la résistance contre les pipelines à travers l’île de la Tortue [le nom donné au continent américain dans certaines des langues autochtones ; NdAtt.] est toujours nécessaire.

Les projets de pipelines sur l’île de la Tortue mettent en danger la vie des gens, des animaux et des oiseaux, et même celle des belles fougères hautes jusqu’aux épaules. La lutte pour la justice raciale nous a montré que nous pouvons – et que nous sommes prêt.e.s à – prendre des risques lorsque des vies sont en jeu. Il le faut.

Alors que l’État encourage les entreprises à construire et à achever leurs pipelines pendant qu’il nous garde confiné.e.s, alors que les entreprises continuent à construire des infrastructures et à porter des centaines de personnes et des virus potentiels dans des communautés indigènes isolées, alors que les fonctionnaires mettent en place une législation qui expropriera les terres des populations indigènes, ne respectera pas la souveraineté de la terre et enverra les défenseur.seuse.s de la terres en prison, nous devons résister.

Il est temps de passer de nouveau de la gestion de la crise du Covid-19 à la construction et à l’accroissement de la résistance. En particulier, les pipelines offrent de nombreuses possibilités de s’engager dans une résistance qui peut frapper même à distance : les entreprises, les sous-traitants, les équipements, les bureaux d’expertises – et bien sûr, les infrastructures de l’État.
En solidarité avec celles/ceux qui brûlent les équipements des pipelines et les postes de police,

Les bêtes de Beverly

 

Vers le milieu du XIXe siècle, une grande partie de la région autour du marais de Beverly et le marais lui-même ont été exploités et drainés pour en faire des terres agricoles. Le début de la destruction, de la part des humains, de cette région a changé l’habitat pour toujours, en poussant toute sorte de vie sauvage, y compris les ours noirs, à quitter la région. Vers 1910, après des décennies sans que les habitants n’aient plus vu aucun ours ni de signes d’ours, un ours est mystérieusement réapparu, rôdant dans le marais et les terres agricoles adjacentes. Cet ours – connu sous le nom de « Bête de Beverly » – a échappé aux chasseurs jusqu’à ce que soit décidée une chasse collective avec des hommes et des chiens, pour nettoyer le marais. L’histoire de sa mort n’a jamais été racontée.

Nous sommes les échos de cette bête, chassée et tuée par des petits hommes peureux. Par ceux qui n’ont pas su honorer et accueillir comme il fallait l’ours : comme une indication de la façon dont la terre devrait être : sauvage et libre.

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