Thessalonique (Grèce) : Soutien aux deux compagnons, libérés sous caution

Firefund / sans date (mais autour du 7 juin 2020)

Soutien aux deux compagnons, libérés sous caution, accusés pour leur identité anarchiste et leur action présumée

Deux compagnons ont été arrêtés le 27 mai dernier, à Thessalonique, en Grèce. Ils sont accusés d’une tentative d’attaque à l’explosif, de possession d’explosifs, de violence contre des flics, de refus d’obtempérer et d’association de malfaiteurs, dans une affaire inventé de toutes pièces.
Ils ont été libérés le 1er juin, sous le conditions suivantes :

– pointer trois fois par mois dans un poste de police,
– interdiction de quitter le pays
– versement d’une caution de 10 000 euros chacun (soit un total de 20 000 euros), avant le 15 juin.

Afin d’assurer la couverture de la somme requise, de sorte que les compagnons ne soient pas renvoyés en détention préventive, nous utilisons tous les moyens disponibles pour le soutien financier. C’est pourquoi nous avons lancé cette campagne de levée de fonds.
La solidarité est notre arme contre les tactiques répressives de l’État.

***

Les déclarations des compagnons inculpés

1. Aux premières heures de mercredi 27 mai, j’ai été poursuivi et arrêté par des flics en civil et des agents de l’OPKE (les forces spéciales de police pour la prévention et la répression de la criminalité), dans le secteur de Kalamaria [ville de la banlieue sud-est de Thessalonique ; NdAtt.], à Thessalonique. J’ai été jeté par terre dans la route et les flics m’ont menotté. Pendant un long moment, plus de dix flics m’ont frappé à coups de pied et de poing. Seulement quand des riverain.e.s des immeubles voisins sont sorti.e.s, ils ont reçu l’ordre de s’arrêter et ont appelé une voiture banalisée pour me transférer au commissariat central. Au début, ils m’ont emmené au premier étage, puis au troisième. Ils ont continué à me déplacer dans différentes pièces/bureaux, au milieu d’humiliations, d’intimidations et de tabassages constants. Je me suis retrouvé dans le bureau du chef de cette opération, qui au début ne s’est pas occupé de moi, se concentrant sur ses collègues et en leur adressant ses félicitations pour le succès de l’opération.

Après, le jeu bien connu a commencé. Il est devenu le bon flic qui veut juste aider. Il m’a donné des « conseils », m’a encouragé à parler, à avouer les actions qu’on m’attribuait et à coopérer afin d’améliorer ma position. Il a également joué la carte du « compagnon mouchard » qui m’aurait balancé en échange d’un peu d’argent.

Face à leurs questions, je suis resté en silence, comme il faut, et je n’ai donné aucune information au-delà de celles écrites sur ma pièce d’identité, que de toute façon j’avais sur moi. Jusqu’à 9 heures du matin, on ne m’a pas annoncé ni le placement en garde à vue, ni le chef d’inculpation, dans l’attente qu’ils effectuent une perquisition dans une maison que je n’avais jamais déclarée, bien que, selon un dossier qu’ils avaient ouvert depuis un certain temps, je habiterais à Tsinari, dans un immeuble squatté à des fins d’habitation.
Lorsque nous sommes arrivés au bâtiment – le seul indice de l’endroit où j’habitais était une information anonyme – ils ont envahi les squats, l’un après l’autre. Les unités de l’OPKE, accompagnées de policiers en civil, ont défoncé portes et fenêtres, réveillé mes compas et exigé qu’ils/elles facilitent leur « travail ». Les compas ont eu des réflexes rapides et dès le premier instant, elles/ils ont été à mes côtés avec un mot, un toucher ou en disant simplement « force ». Il faut remarquer que pendant mes transferts d’un appartement à l’autre, ils m’ont fait porter une capuche noire afin que, d’une part, je ne puisse pas être reconnu par les autres compas qui s’étaient rassemblé.e.s en dehors du squat et, d’autre part, que je ne puisse pas avoir des contacts visuels avec les compas qui y vivent. Je suppose que le reste est déjà connu – l’enlèvement gratuit au commissariat pendant quelques heures des compas qui habitent dans le squat.

Puis, en retournant au comico, dans les mêmes bureaux qu’avant, j’ai vu le compagnon Ρ.Ζ. qui avait été arrêté et amené là quelques heures après moi. Ils nous ont laissés dans la même pièce pendant quelques secondes, puis ils nous ont séparés à nouveau, tout en nous remettant le dossier de l’affaire et en nous demandant de le signer. Tous les deux, nous avons refusé de signer leurs actes d’accusation inventés, ainsi que le processus de vérification des empreintes digitales et des photographies (une procédure qui, par le passé, a souvent conduit des anarchistes à des parodies de procès qui se fondaient sur des mélanges d’ADN et des empreintes digitales).

Douze heures après mon arrestation et après plusieurs « cris », on m’a permis de contacter mon avocat et on m’a mis les menottes à l’avant. Quand nous avons été amenés dans les cellules de garde à vue, ils ne nous ont pas permis d’être dans la même cellule, ni de rentrer en contact pendant les premières 24 heures, suite à des « ordres d’en haut ». Le deuxième jour de ma détention, lorsque j’ai été emmené chez un médecin pour faire enregistrer mes blessures, le médecin, censé agir de manière impartiale, n’a rien eu d’autre à dire aux flics de l’escorte que « ce genre de choses arrive lors d’une poursuite » et qu’ « il ne peut pas être sûr de ce qui a causé les blessures ».

2. Le 27 mai, à 8 heures du matin, j’ai été arrêté juste devant l’entrée de mon immeuble. Trois policiers en civil sont arrivés en courant de différentes directions, ne me laissant ni le temps ni l’espace pour réagir, et m’ont immobilisé.

Alors que j’étais immobilisé au sol, ils m’ont menotté, m’ont écrasé la tête avec leurs genoux et ont pris les clés de chez moi. Seulement quand mes cris ont fait réagir les passant.e.s et les riverain.e.s, ils ont arrêté de m’écraser avec leurs genoux et m’ont demandé d’arrêter de crier. En échange, ils ont promis de ne plus me toucher. Probablement, ils ont honte de leurs pratiques. Et ils ont raison.
Ensuite, ils m’ont emmené au commissariat principal de Thessalonique, dans une pièce au sous-sol, où j’étais complètement seul. Au bout d’une demi-heure environ, ils m’ont repris et m’ont annoncé que nous partons pour la perquisition de mon domicile. En présence d’un procureur, ils ont défoncé la porte de chez moi, après des moments tragiques : puisque ils n’étaient pas sûrs de l’étage ni de l’appartement, ils ont dérangé les voisin.e.s et ont créé des tensions. Une fois à l’intérieur de la maison, ils ont confisqué tous les appareils électroniques, ainsi qu’un ordinateur que j’utilise exclusivement pour mon travail. Parmi mes affaires personnelles, ils ont saisi aussi mes notes manuscrites, sans aucun rapport avec l’affaire, ainsi que des documents personnels et d’autres documents qui se trouvaient chez moi, comme des dossiers familiaux qui ne m’appartiennent pas. Ensuite, nous sommes retournés au commissariat avec les objets confisqués. Jusqu’à ce moment là, je n’avais aucune idée de ce qui s’était passé ou s’il y avait eu d’autres arrestations. Je n’ai eu aucun contact avec des avocats et je n’ai pas été autorisé à contacter des proches. Ils m’ont emmené dans le couloir et là j’ai vu mon compagnon D.S., qui avait été tabassé et menotté. Ils nous ont immédiatement séparés, de façon que nous n’avons eu aucun contact, et m’ont conduit dans une pièce vide, menottée, surveillé par un gardien.

Après plusieurs heures que j’étais attaché, j’ai commencé à protester bruyamment.

En réponse, j’ai reçu des menaces de la part des flics, puis, après que leurs vaines tentatives n’ont pas marché, ils ont envoyé un flic en civil pour me « rassurer ». Cet épisode a démontré l’essence de ma requête. La défaite et la futilité offrent de l’espace à l’ennemi.

Après cet incident, les procédures se sont déroulées sans problème. Deux flics en civil sont venus me montrer le dossier et j’ai refusé de signer quoi que ce soit sans la présence d’un avocat, à l’exception de la notification de mes droits. Après cela, ils ont commencé la procédure de signalisation. Tous les deux, nous l’avons refusée.

En fin d’après-midi, ils nous ont emmenés dans les cellules de garde à vue, nous ont menottés et nous ont placés dans une cellule ensemble. Au bout d’une demi-heure, les gardiens nous ont séparés à nouveau, en disant qu’ « ils avaient des ordres d’en haut ».

Le lendemain, on nous a présente devant le procureur pour l’interrogateur. On nous a informés des accusations et on nous a demandé si nous avions quelque chose à dire. Nous avons tous les deux demandé un délai. (Note : tout le long de l’arrestation et des procédures qui ont suivi, les policiers en civil ont soigneusement caché leur visage et leurs caractéristiques.)

 

Ce qui précède n’est pas raconté pour nous victimiser.

Il s’agit simplement d’un compte-rendu qui peut être pris en considération pour de futures actions répressives. Parce que le seul but de l’État est de réprimer.

Ce que chaque compa doit faire, c’est de ne pas avoir peur, ne pas être intimidé.e par le fait d’être visé.e, et continuer à lutter. Pour l’instant, nous n’avons rien à dire sur cette affaire, si ce n’est que nous nions leurs fausses accusations.

A propos du fait que nous sommes pris pour cible à cause de notre identité anarchiste, nous devons dire que malgré les mécanismes répressifs, l’apathie de la société et son abêtissement, nous continuerons à lutter pour un monde sans entraves ni flics, sans lois ni interdictions, sans oppression ni exploitation, sans humiliation ni manque de dignité.

Nous continuerons à lutter pour un monde d’égalité, de solidarité et de liberté.
Pour un monde sans domination.
Pour l’anarchie.
La solidarité l’emportera !

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