Prison de Monza (Italie) : Une lettre de Manu

Round Robin / lundi 9 mars 2020

Note de Round Robin : Manu est sorti de prison le 6 mars, pour aller aux “arresti domiciliari” avec toutes les restrictions (enfermé chez lui, il peut avoir des contacts seulement avec les membres de sa famille qui vivent à la même adresse).

Chères compagnonnes et chers compagnons,
Maintenant que j’ai atteint une situation de détention qui me permet de récupérer l’intégralité de mes facultés physiques et psychiques, j’écris cette lettre afin de raconter mon arrestation et la situation que j’ai vécu en prison. Pour gagner cela, j’ai beaucoup combattu et lutté et j’ai « payé » chaque mot de cette lettre. Et j’en suis fier. Certaines de mes lettres ne sont jamais arrivées à destination. On à essayé de me mettre dans un certain régime de détention et de désagréger le cercle le plus intime de mes proches.

Lors de mon arrestation, j’ai été victime de violences psychologiques et de menaces, tant à mon encontre qu’à l’encontre de mes parents. On m’a provoqué des heures durant, dans une salle du commissariat du Brescia. Pendant les premiers mois de mon incarcération à Monza, en plus de la menace de me soumettre à des soins psy, à cause de mon lointain passé, j’ai été victime de menaces physiques, psychologiques et sexuelles de la part de certains détenus. Si cela n’a pas eu de graves conséquences, c’est seulement grâce à la capacité, que j’ai immédiatement trouvé, de réagir, de lutter, avec beaucoup d’energie, jusqu’à arriver, à la fin de l’été dernier, à renverser la situation dans ma section de taule, par ma participation à des formes embryonnaires de mobilisation, surtout à propos de la question sanitaire interne à la prison. Pendant des mois, j’ai fait face à des crises dues au manque de drogues, à des automutilations, au vomit et à la pisse de mes codétenus, cela à cause d’une utilisation abusive de médicaments psychotropes. Je ne vais pas entrer les détails, mais je peux vous assurer que la situation était vraiment tendue. Si je n’ai pas écrit auparavant à propos de ce qui se passait, c’était parce que je ne voulais pas que mes proches se préoccupent – mais aujourd’hui je sais que c’était une erreur, parce que cela nous fait plier face au chantage.
Le pire c’est que j’ai du lutter contre d’autres détenus. Le fait de voir à quel type de bassesses peuvent se plier des personnes appartements à ma classe sociale m’a causé beaucoup de chagrin. J’ai du affronter, jour après jours, des nazis, des extrémistes musulmans, des collaborateurs de justice, des violeurs et des pédophiles. Je viens de la rues. Ce n’est pas nouveau pour moi. Cela ne m’a pas étonné, mais blessé.

J’ai pu compter sur le soutien de quelques gars avec une éthique forte, qui auparavant étaient des adversaires potentiels, mais sont ensuite devenus des amis. J’ai gagné cette lutte petite et partielle grâce à la présence, dehors, de mes compagnonnes et de mes compagnons, de mes proches et des personnes solidaires, en suivant tous ensemble et fièrement l’idée dans laquelle ils croient et je crois.

Si je fais mentions de cela, ce n’est pas par « victimisme », ni pour demander de l’aide. Maintenant je vais très bien. Je n’ai jamais rien attendu de mon ennemi, comme je ne suis pas étonné par les comportements souvent indigne de la classe sociale à laquelle j’appartiens. Mais j’ai pu compter sur le respect des « vieux » taulards et donc, par conséquence, de la section toute entière.

Je suis fier d’être anarchiste. Fier d’avoir réussi à me débrouiller ici, d’avoir eu le courage et la force de lutter. Je revendique le fait d’avoir un cœur qui existe et bat seulement dans la solidarité et avec la solidarité envers les exploités et chaque individu en lutte. Et c’est justement cet élan de l’esprit qui est criminalisé et que l’on essaye de tuer. Se révolter contre ce monde de mort, de misère et d’oppression est quelque chose de beau et de nécessaire, quel qu’en soit le prix, quelle qu’en soient les difficultés et les erreurs. C’est notre cœur qui nous le dicte, parce qu’un abîme, éthique et pratique, nous sépare du pouvoir.

Et maintenant j’en viens au but. Après cet esquisse partiel de mon expériences, je veux dire deux choses, afin de contribuer à une réflexion commune avec les compagnonnes et les compagnons. Par mon arrestation et ma condamnation, avec la circonstance aggravante de « terrorisme », à cause de l’aide donné à Juan quand il était au vert, ils ont voulu créer un précédent. Le précédent de la criminalisation explicite de la solidarité. Grâce à une lois récente (du 1er mars 2018), ils peuvent en charger chaque « délit », de facto sans aucune preuve. Et cela ne vaut pas seulement vis-à-vis du milieu anarchiste, mais aussi de tout exploité qui lutte. Je me pencherai la-dessus avec une analyse plus approfondies, dans le futur. Grâce à ces circonstances aggravantes, les possibilités de perquisitions, d’enlèvements, d’intimidations ont été élargies, en frappant toute une série de liens affectifs, un peu au hasard. Face à tout ça, il est fondamental de réaffirmer haut et fort qu’ils ne nous font pas peur, parce que la solidarité est partie intégrante de nos cœurs, de notre action et du monde diffèrent que nous portons en nous. Quelque chose à lier en permanence à la nécessité de la révolte éthique et pratique contre ce monde vulgaire, fait d’exploitation et d’autorité et contre les privilèges qui le rendent possible. La Domination a peur des rapports directs entre les personnes, c’est à dire de l’entraide à partir d’en bas, et les combats continuellement à partir des lois « anti-insécurité » jusqu’à cet ensemble de normes bureaucratiques qui, de facto, empêchent toute forme d’autonomie agricole et alimentaire.

Pour cette raison (et pas que), face à la répression il faut une attitude d’autodéfense collective. Seulement un discours clair et en même temps multiple, ouvert aux nouveautés venants des différentes sensibilités, permet d’accumuler les forces et de renverser le discours de l’ennemi de classe.

Une accolade à toutes et à tous !

Prison de Monza, 6 février 2020
Manuel Oxoli

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