Italie : Sur la révolte dans la prison de Spini di Gardolo

Round Robin / mardi 22 janvier 2019

Voici deux textes à propos de la révolte dans la prison de Spini di Gardolo (prés de Trente, dans le nord-est d’Italie), distribués en ville et devant la prison lors des visites.

Que vive la révolte des détenus de Spini

Dans la nuit de vendredi 21 à samedi 22 décembre, un détenu, Sabri El Abidi, se suicide dans la prison de Spini di Gardolo. C’est le neuvième suicide depuis l’ouverture de la “prison modèle” (2011), le troisième en 2018. Fin novembre, un autre détenu s’était déjà suicidé. La semaine précédente, une tentative de suicide avait été évitée : une détenue avait été hospitalisée après avoir bu, comme forme de protestation, de l’eau de javel. La cause de cet énième suicide est toujours la même, bien connue : le manque de réponse à la demande de libération anticipée, de la part des Juges de l’application des peines (Rosa Liistro, Antonino Mazzi, Arnaldo Rubichi).

Trente, fin décembre « Solidarité avec les détenus en révolte ans la prison de Spini. Que vive la lutte pour la liberté »


Les journaux nous disent que le détenu avait promis à sa fille qu’ils auraient pu passer Noël ensemble. Les réponses négatives des JAP avaient déjà provoqué deux morts : en 2014, deux prisonniers s’étaient suicidés après l’énième refus face à leurs demandes de détention domiciliaire ou de mesures alternatives à l’emprisonnement. La dernière protestation contre le comportement des JAP remonte à la mi-septembre.
Samedi 23 au matin, après que la nouvelle de cette énième mort et de ce qui l’a provoqué ont circulé, 300 détenus (sur 350: pratiquent tout le monde, si on enlève la section féminine et les détenus “sous protection” [violeurs et balances sont normalement enfermés dans des sections séparées pour les protéger des représailles des autres prisonniers; NdAtt.]) se sont barricadés dans les sections, ont démoli du meublier, du matériel, des installations, des caméras. La cantine, la blanchisserie, les ateliers ont été endommagés, pendant que, devant les portails des sections, se déploient CRS et Carabinieri, présents aussi à l’extérieur de la prison pour empêcher l’accès à la taule aux parents des détenus, qui auraient du avoir des parloirs ce matin-là. Depuis l’intérieur on entend les cris “Assassins!”. Un maton est blessé et six autres sont amenés à l’hôpital pour intoxication. La révolte dure jusqu’à l’après-midi et gagne tous les trois étages de la prison, qui sera lourdement endommagée, avec une cinquantaine de cellules (cinq sections sur huit) qui sont désormais inutilisables. Un groupe de détenus a réussi à défoncer une porte et à sortir dans la cour : l’intervention des flics bloque celle qui aurait pu être une tentative d’évasion. Le commissaire en chef et le représentant du gouvernement arrivent à Spini, et le défilé des politiciens commence (depuis les représentants de la Lega Nord Fugatti et Bisesti, à Ghezzi, qui a encore l’indécence de de parler, dans son interview, de “prison modèle”, dommage juste pour les suicides, qui “commencent à être trop nombreux”, avec une “fréquence bien plus importante que la moyenne nationale”). Les revendications des détenus sont celles habituelles, que connaît par cœur n’importe qui a déjà eu affaire à la taule de Spini, et elles sont directement lies au dernier suicide: des délais plus courts pour effectuer les demandes aux JAP et pour ses réponses, la possibilité d’accès à des mesures alternatives à la prison pour ceux qui ont des condamnation qui ne dépassent pas les trois ans (la prétendue “loi vide-prison”) et les jours de libération anticipée pour bonne conduite, l’ouverture d’une permanence médicale en prison même la nuit et le week-end. Parce que dans ce cas, il n’y avait pas de médecin à la prison au moment du suicide, on a du attendre l’arrivée du Samu. S’il y avait eu un médecin sur place, peut-être que Sabri El Abidi aurait survécu.
Maintenant arrivent les déclarations des politicards, les communiqué des partis, les visites du Défenseur des droits des détenus, les commentaires de l’évêque (chrétiennement solidaire avec les détenus, mais aussi avec les matons, pourquoi pas?), les Unes des journaux. Les commissaire en chef Garramone, le représentant du gouvernement Lombardi et la directrice de la prison Gioieni ont du se plier et négocier avec les prisonniers; ils se sont “engagés”, face à ceux qu’ils enferment jour après jours, à convoquer un Comité pour la sécurité, afin de discuter des revendications de détenus. Une centaine de prisonniers a déjà été transféré ailleurs (et quatre-vingt autres transfert ont d’ores et déjà été annoncés), une trentaine sont accusés de lésions corporelles, saccage, même d’enlèvement (l’employée d’une coopérative était restée bloquée dans un des locaux barricadés). Après la révolte, les matons ont tabassé et placé à l’isolement plusieurs prisonniers. Habitués à toujours tenir le couteau par le manche, les valeureux hommes de l’Administration Pénitentiaire ont eu un petite retour de la violence et de la peur qu’ils dispensent chaque jour.

Le jour après le suicide et la révolte, le secrétaire régional du Syndicat National Autonome de Police Pénitentiaire (SINAPPE) a eu le culot de de déclarer que “les détenus ne sont pas sanctionnées de façon adéquate pour leurs comportements incorrects”. Une belle leçon pour ceux qui auraient quelques doutes sur l’humanité des matons. Les mêmes qui ont enlevé l’horloge de la salle des parloirs de Spini, il y a quelques semaines, pour pouvoir faire sortir les familles avant l’heure de fin du parloir. Plus tard, le SINAPPE demandera le retour aux cellules fermées 24 heures sur 24 (une demande permanente des syndicats des matons, ressortie à toute occasion). Pour sa part, le syndicat UILPA – Police pénitentiaire, dans une lettre touchante adressée au ministre de la Justice, après la révolte, dis des conneries à propos de “restituer de la dignité aux conditions de travail de la police pénitentiaire”. Quelle dignité peut-il avoir “le métier le plus infâme du monde”, il y a qu’eux pour le savoir. La dignité est quelque chose que quelqu’un qui enferme, tabasse, torture chaque jour ne peut pas connaitre. Mais à ce qu’il parait les bourreaux aiment donner des leçons de dignité et même la directrice de Spini, Francesca Gioieni, a le culot de fanfaronner devant les journalistes, quelques jours à peine après la mort de Sabri El Abidi et la révolte, à propos de son “engagement pour une digne décente et acceptable”. Comment cela puisse être acceptable de vivre enfermés, et même d’y trouver une quelconque dignité, elle est la seule à le savoir. La dignité des opprimés, comme il nous le montrent les détenus de Spini, se trouve seulement dans la révolte, dans la lutte pour la liberté.

Solidarité avec tous les prisonniers en lutte!
Feu à toutes les taules!

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Solidarité avec les détenus de Spini

Après presque un mois de la révolte qui a enflammé la prison de Spini suite à l’énième mort provoquée par les agissement des Juges de l’application des peines, il n’y a pas encore d’informations claires sur la situation à l’intérieur: la valse des nombres des transferts continue (100, 180, 50…), on parle de vrais transferts punitifs visant à envoyer à des centaines de kilomètres (en Emilia, mais aussi, il paraît, à Rome et à Reggio Calabria) les détenus considérés comme particulièrement actifs pendant la révolte; la poste en sortie continue à être bloquée; les syndicats de police pénitentiaire se plaignent (les pauvres!) du “manque de sections disciplinaires”, tandis que dedans on raconte que des nombreux détenus ont été tabassés et placés à l’isolement. On a pu savoir de la part de sa famille que Sabri El Abidi avait déjà protesté et accompli des acte d’automutilation, à cause du manque de réponse à sa demande de libération anticipée et que lors de sa mort il a fallu des heures avant l’intervention des secours.
Ces derniers jours, on a pu assister à l’usuelle défilée institutionnelle, avec la direction de la prison, des politicards, des administrateurs, des magistrats et des flics tous réunis dans un risible “comité pour l’ordre et la sécurité” destiné aux photographes, où jacasser des promesses vagues sur l’assistance médicale, l’éducation, le travail, une “task force”, des “bonnes pratiques” (des “bonnes pratiques”? Ils parlent peut-être des 9 morts depuis l’ouverture de la prison, des tabassages, de l’isolement, du courrier qui est jeté à la poubelle, des appels téléphoniques refusés…), de “qualité de la vie” (en prison?!).
A vrai dire, quelque chose d’intéressant en est sorti: le représentant du gouvernement Lombardi a du admettre que la révolte “a eu des échos en dehors de la prison” et a été “considérable pour l’ordre et la sécurité publiques”. Et, par conséquent, le Ministère de l’Intérieur s’en occupera aussi. A ce comité ont participé aussi les Juges de l’application des peines Arnaldo Rubichi et Antonio Mazzi. Ceux qui sont responsables de la mort de Sabri El Abidi, comme de celle de deux autres détenus, il y a deux ans (Giacino Verra et Riccardo Scalet). A propos de la santé en prison, il y aurait eu un contrôle de l’APSS, qui a inventé l’eau chaude : il n’y a pas de médecins la nuit, il en faudrait un. Celui qui n’était pas là la nuit du 21 décembre, celui qui est réclame par les détenus depuis des années, mais il a fallu brûler une prison pour que quelqu’un les écoute. Que s’en souviennent ceux qui soutiennent les “protestations civiles et pacifiques”. On parle aussi de “situation de très grave souffrance psychique” et la solution est de renforcer le rôle normalisateur de la psychiatrie, avec un psy disponible tous les jours, tandis que les psychotropes sont déjà distribués comme des bonbons, afin de de garder les détenus dûment “calmes”. Personne imagine que la souffrance peut être causé par le fait d’être privés de la liberté et soumis à la violence quotidienne de la prison et aux traitements inhumains des matons. Les dirigeants sanitaires locaux auraient rencontré, entre autres, Claudio Ramponi, responsable de la santé de la prison. Oui, précisément ce Claudio Ramponi qui, en tant que directeur sanitaire, avait refusé l’autopsie de Vargas Zsolt, mort à Spini en 2013, essayant de qualifier sa mort d’”arrêt cardiaque” (en réalité elle avait été provoquée par un mélange de gaz et de psychotropes délivrés par la prison), dans la tentative évidente de se dédouaner de toute responsabilité. A cette époque là non plus, il n’y avait pas de médecin la nuit et le week-end, à cette époque là aussi les secours arrivaient tard. On peut lui faire confiance.

La révolte des détenus de Spini a déchiré le mur du silence e de l’isolement sur lequel comptent matons et direction pour assurer la gestion de la prison. On a essayé de différents manières de renforcer la voix des prisonniers: rassemblements, diffusions de tracts, des tags qui ont scandalisé les journalistes (du type “que vive la lutte pour la liberté”… le mot interdit!), une petite manif qui a bloqué pendant un petit peu la routine consumériste du centre-ville, un samedi des fêtes. Une revendication anonyme publiée sur internet parle aussi de tags (“juges assassins, que vivent les révoltés de Spini”) et de vitres cassés à coups de caillasses, aux bureaux des JAP.
La révolte de Trente n’a pas été la seule: dans la prison d’Aoste, une quinzaine de détenus s’est barricadé dans une sections pour toute une journée, empêchant aux gardes d’intervenir. Dimanche 20 janvier il y [a eu] un rassemblement devant la prison de Turin, en solidarité avec les détenus de cette prison et avec les révoltés de Trente et d’Aoste.
On verra ce qui va se passer. Ce qui est sûr c’est que les détenus peuvent se faire entendre seulement avec des luttes dures, avec des révoltes ouvertes, faute de quoi leurs voix ne sortent pas des murs et leurs vies son condamnées à être broyées par la prison. C’est à nous tous, qui sommes libres, pour l’instant, de renforcer depuis l’extérieur leur protestations et faire le lien entre les différentes révoltes.

Anarchistes

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Trente : Que vivent les révoltés

Round Robin / vendredi 18 janvier 2019

La nuit du Nouvel An, profitant des bruits de fête, caillassage collectif des bureaux des Juges de l’application des peines de Trente, plusieurs vitres brisées. Posé le tag “Juges assassins, que vivent les révoltés de Spini”.

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