Tout le monde aime Stockholm

Indymedia Grenoble / mardi 16 janvier 2018

Autant le dire tout de suite, je ne suis certainement pas en faveur d’une psychiatrisation des comportements, de la tendance à médicaliser et à voir comme maladie chaque personnalité. Chaque pas en avant de la science et de la médecine, c’est deux pas en arrière de nos individualités et de notre autonomie. Si j’utilise ici le parallèle avec le syndrome de Stockholm, ce n’est pas pour dire que tout ça est médical ou psychiatrique, mais parce que ça me semble compréhensible.

Rapidement, ce qu’on nomme « syndrome de Stockholm », c’est de l’empathie, de l’affection et jusqu’à même l’amour pour son geôlier. En 1973 à Stockholm, Jan Erik Olson enchaîne une deuxième action que je qualifierais subjectivement de chouette : après s’être évadé de prison, il braque une banque. Ne connaissant pas ses motifs, je n’en ferais pas un compagnon. Bref il prend des otages, ça dure 6 jours. Il obtiendra la libération de son compagnon de cellule. Par la suite, les otages refuseront de témoigner à charge, le défendront, et iront le voir en prison. Il y eut même une relation sentimentale entre Olson et une otage. Et de fait, à part pour qui veut tout médicaliser, tout analyser, in fine tout contrôler, rien de psychiatrique. Peut-être que les otages ont partagé les motivations d’Olson, qu’une certaine complicité est née, etc etc.


Et donc, parce que quand même tout le monde l’aime, crève Stockholm. Que ce soit individuellement ou en groupes. Parce que je pense que ce monde est comme un gigantesque syndrome de Stockholm, dans l’acceptation la plus dégueulasse du truc. Avant tout, n’étant pas donneur-euse de leçon, ni chevalier-e noir-e de l’anarchie, je précise que moi aussi, dans ma vie, j’ai souvent du mal à me défaire de personnes qui m’ont pourtant déchiré le cœur, et ont éparpillé les morceaux un peu partout, afin de s’assurer que je ne puisse jamais tout recoller. Mais face à l’ennemi, là c’est différent.

Qui ne connaît pas de prolos qui adorent leur patrons, ou qui leur trouvent des excuses ? Quel syndicaliste ne vous dira pas que sans patron, pas de travail (et ils ont raison ! sauf que le problème c’est le travail les gars ! – oui c’est rarement des filles). Tous et toute trouvent que même si parfois la police « abuse », en fait finalement ils font leur boulot, et puis des fois heureusement qu’ils sont là. La technologie annihile l’individu, détruit les individualités, arrive à ce truc incroyable qu’il faut s’enfermer pour communiquer ?! Oui mais quand même c’est utile… Les politiques bah euh franchement c’est nul quoi… ah oui sauf machin ou bidule. La loi nous opprime par essence même ? Oui mais là ils ont interdit les tests sur animaux, et ici ils ont égalisé les salaires alors quand même… L’armée c’est une bande de bourrins amoureux des flingues. Mais elle nous protège. Les chasseurs sérieusement… oui mais après tout ’font pas de mal, et il faut bien des volontaires pour réguler. Les religions, toutes les religions, oui oui toutes (chrétienne, musulmane, bouddhiste, rasta, marxiste, démocrate…) démolissent méthodiquement les consciences, certaines depuis 2000 ans. Mais liberté de pensée et d’expression quoi ! L’alcool a anéanti des populations entières, a crée tellement de merdes… mais c’est si chouette. Le patriarcat ? Oui mais (je n’ose même pas aller plus loin). Je pourrais certainement en écrire des pages. Pourrais-je ajouter que les regroupements permanents détruisent l’individualiste qui sommeille en toi ? Même si je ne peux pas l’ajouter, trop tard, c’est fait.

Donc oui, les esclaves de cette planète aiment leurs maîtres. Ou leur trouvent des excuses. Ils et elles polissent leurs chaînes. Parce que plus brillant, c’est quand même mieux. Et finalement après tout, que penser de ces révolutionnaires qui trouvent aussi des excuses aux esclaves qui en demandent toujours plus ? Non parce que si le prolétariat, ce spectre, avait la « mission » de tout défoncer, il faudra revoir la copie.

Une existence libre, sans autorité, sans domination, combien sont prêt-es à seulement l’imaginer ? On ne m’enlèvera donc pas l’idée que ce monde est rempli d’individus épris-es de leurs geôliers. Oui, certes l’environnement n’est pas vraiment à la conscience de son individualité, de son unicité, et à la liberté, mais c’est pas comme si ça faisait 2000 ans que l’humanité, cet autre spectre, accepte qu’une partie d’entre elle fouette l’autre partie… ! Et en redemande ! Alors pas question d’attendre quoi que ce soit pour agir, attaquer, assouvir mes passions et goûter, même si c’est du bout de mes lèvres gercées, au doux parfum de la liberté.

 

Ce contenu a été publié dans Réflexions et débats sur l'attaque et l'anarchisme. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.