Vengeance pour Théo et tous les autres : Bataille à Bobigny, saccages à Grenoble et nouveau comico repeint à Nantes [Mise-à-jour, Dimanche 12 février]

Indymedia Grenoble / dimanche 12 février 2017

Ce samedi 11 février, un rassemblement « Justice pour Adama, justice pour Théo, justice pour toutes les victimes de la police » était appelé à 16h devant le palais de justice de Bobigny.
Sinistre lieu, que ce tribunal, où des condamnations tombent chaque semaine, créant des rancoeurs et de la tristesse chez beaucoup d’habitant-e-s de Seine-Saint-Denis… Parce que la « justice », on sait comment elle fonctionne, à protéger les riches, on dit parfois que c’est une justice à deux vitesses mais en réalité elle en a bien plus que ça, avec ses réflexes de classe dominante et son racisme institutionnalisé elle porte bien mal son nom [sic ! Elle le porte à la perfection, au moins qu’on veuille croire aux sornettes démocratiques;  NdAtt.].
Bref, je me doutais que le tribunal serait sous haute protection policière, vu qu’on serait beaucoup à s’y rassembler sans vraiment porter ce lieu dans notre coeur…

Arrivé-e-s en retard avec quelques potes, on est agréablement surpris-es en voyant des milliers de personnes (à vue de nez, quelque chose comme 4 000 ?) rassemblées dans le parc situé en contrebas du tribunal. Les flics dominent la scène de haut depuis la passerelle qui mène au tribunal. Il y en a aussi un paquet tout autour, ça pue la flicaille à plein nez. Mais on est aussi super nombreux-nombreuses, et il y a de tout ici [faut l’expliciter? NdAtt.], ça fait plaisir à voir, on voit bien que même s’il y a surtout des jeunes des quartiers du 93, il y a aussi des gens d’ailleurs et de toutes générations.

Quelques prises de parole ont lieu, mais vous m’excuserez je ne peux pas en dire grand-chose, j’ai pas trop écouté… Quelques personnes diffent des tracts, notamment pour la marche pour la justice et la dignité du 19 mars prochain [sic! NdAtt.], ou le tract « Solidarité avec Théo » écrit par des anarchistes du 93. Il y a aussi quelques communistes paumé-e-s du journal stal Le Bolchevik ou du Parti ouvrier indépendant démocratique. Des drapeaux de la Ligue des Droits de l’Homme, aussi, ainsi que quelques drapeaux anarchistes (noir et rose, noir et rouge).

Divers slogans sont entonnés par la foule (« Flics, violeurs, assassins« , « Justice pour Théo« , « Tout le monde déteste la police« , « Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on ne pardonne pas« ), et vers 16h50 des premières pierres sont lancées sur les flics. Puis un feu d’artifice, et une grande partie de la foule se dirige vers les bâtiments du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, puis vers la passerelle où les flics anti-émeute empêchent l’accès au tribunal. Le caillassage se fait plus intense, les flics ripostent à la lacrymo, puis des tags apparaissent sur les murs (« Vengeance« , « Flics, violeurs, assassins« , « Solidarité avec Théo« , « Flics, hors de nos vies. Révolution« , avec des symboles anarchistes, des codes postaux du 93, etc.). Les vitres des deux bâtiments du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis sont brisées, ainsi que leurs portes d’entrée. Les plus déters s’engouffrent sur la passerelle et tentent une charge vers les flics anti-émeute. En vain, les flics repoussent les émeutier-e-s à coups de lacrymo et de flashball (LBD40).

Noyé-e-s sous les lacrymos, l’ensemble des émeutier-e-s redescendent dans le parc. Les flics sont attaqués depuis d’autres endroits, et dans un coin de du parc, une camionnette de journalistes de RTL est attaquée. Ses fenêtres sont d’abord brisées, puis son capot tagué, avant que le véhicule soit tout simplement incendié, sous les acclamations de la foule.

Franchement, vu les déclarations de Théo et de ses soeurs, notamment à propos de ce rassemblement en particulier (deux soeurs de Théo disaient soutenir l’initiative du rassemblement mais souhaiter que ça se passe dans le calme), je ne savais pas trop comment l’ambiance allait être. Mais on peut difficilement empêcher la colère et le dégoût de s’exprimer. Et tous ces moments d’émeute se sont déroulés dans une ambiance géniale, avec beaucoup de bienveillance de part et d’autre : il y avait une solidarité réelle entre les personnes à fond dans l’émeute et celles venues en mode plus calme.

Le temps passant, l’ambiance émeutière est un peu retombée, alors certain-e-s ont commencé à sortir du parc pour voir ce qui se passait aux alentours. Et ça grouillait de flics anti-émeute. Des caillassages ont commencé à avoir lieu sur les flics postés de part et d’autre du parc. Les nombreux jets de grenades lacrymogènes ont fini par éparpiller le rassemblement en plusieurs parties, créant différents points de fixation et d’affrontement. De fait, ça a pété un peu partout autour du tribunal.

Aux alentours de 19h je crois, avec quelques potes on était du côté où des immeubles de bureaux ont été attaqués : des banques et assurances, notamment, avec portes vitrées pétées et ouvertes, casse de matos à l’intérieur, sous les acclamations de la foule là aussi. Des pubs et abribus sont pétés, des grandes poubelles incendiées et mises sur la route en guise de barricades. Un véhicule commercial est vite fait autoréduit de certains packs d’eau, de Coca et d’Orangina. Le partage est immédiat, dans la bonne humeur, là aussi.

Le temps passe et les flics anti-émeute se mettent en place à différents coins de rue. À chaque défilé de véhicules de police, ceux-ci sont copieusement caillassés, tandis qu’aucune voiture de particuliers n’est attaquée. Partout où j’étais, la casse était globalement très « ciblée » [sic!], par tout le monde, quelles que soient les étiquettes qu’on pourrait mettre sur les différent-e-s émeutier-e-s en présence.

On essaye d’attaquer une ligne de flics pour nous déplacer mais ceux-ci ripostent à coups de flashball et de lacrymo. Puis, l’arrivée de dizaines de fourgons de flics termine de disperser ce grand groupe de manifestant-e-s. Ça part alors dans plusieurs directions.

Du côté où je suis parti, une station essence BP a été attaquée, du matos de la station servant à ériger des barricades sur la route. Juste à côté, un magasin Speedy a été défoncé et en partie pillé. Plus loin, chaque véhicule de flics qui passait était attaqué à coups de pavasses. Puis sur les coups de 19h45, la dispersion était effective de ce côté-là. Ça a aussi été une petite aventure de rentrer en contournant les flics (qui étaient partout dans la ville), sachant que le terminus du métro et plusieurs arrêts de bus/tram étaient fermés, mais ça va on s’en est sorti-e-s.

Ailleurs, sur d’autres points autour du tribunal de Bobigny, ça a été la fête aussi, avec un centre commercial envahi, un Mc Do dévasté (sa caisse a été volée !), un Décathlon dépouillé, un Franprix pillé, une camionnette d’Europe 1 aux vitres pétées, des voitures renversées et/ou incendiées, des flics sous les caillasses, bref, même quand les flics sont en grand nombre, si on est nombreux-nombreuses et déters, on peut imposer un rapport de force conséquent.

Cette société est une injustice permanente. Notre révolte aussi est permanente. C’est logique qu’on l’exprime. Ce qui est étonnant, c’est qu’on ne soit pas plus nombreux-nombreuses à s’insurger. L’État, ses politiciens, ses flics, ses juges, les médias et les bourgeois-es en général se foutent de nos gueules en nous faisant croire qu’on peut protester calmement en dressant des listes de revendications. Mais on sait bien qu’ils veulent juste conserver leur pouvoir tranquillement, rien ne changera si on reste calmes. Et si tout niquer ne suffira pas à changer le monde, c’est déjà bon de constater que la colère est partagée dans différentes couches de la société, qu’on peut lutter ensemble, sans leader, sans chef, sans parti pour récupérer notre révolte.

Pour Théo, Adama, Zyed, Bouna, Lamine et tou-te-s les autres : rage et solidarité.

Un anarchiste du 93

 

NdAtt. : la gare routière, qui se situe entre le métro et les bâtiments du Département (et la passerelle menant au tribunal) en a eu elle aussi pour son compte. Il y a bien eu des voiture « de particuliers » incendiées et nous ne demanderons pas de comptes à ceux/celles qui l’ont fait. Par contre personne a été mis en danger par les émeutiers, contrairement à ce que disent des journaflics particulièrement maladroits.

 

[in English]

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Ça continue le soir (et arrestations)

Le Parisien / dimanche 12 février 2017

Trente-sept personnes ont été interpellées dans la soirée de samedi en Seine-Saint-Denis, selon une source policière, après les incidents qui ont ponctué une manifestation à Bobigny en soutien au jeune Théo, violemment interpellé à Aulnay-sous-Bois la semaine dernière.
Après la fin du rassemblement, des incidents isolés se sont poursuivis jusqu’à minuit environ, à Bobigny et dans les communes proches, a expliqué la source policière. Des véhicules et des poubelles ont notamment été incendiées et des commerces dégradés par des jets de pierre à Drancy, Noisy-le-Sec ou Bondy. Un policier a été « très légèrement blessé » au cours de ces incidents. […]

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Nantes, 11 février : révolte aux Dervallières, manifestation en ville. Le nouveau commissariat repeint

Indymedia Nantes / dimanche 12 février 2017

[…] Autour de 16H30, plus de 500 personnes convergent timidement aux abords de la préfecture. Pour rejoindre le point de rendez-vous, il faut oser se faufiler entre les différents dispositifs de contrôle et de surveillance qui jalonnent la ville. La gauche nantaise est aux abonnés absents. Dans la foule, presque exclusivement jeune, des bandes venues de plusieurs quartiers nantais côtoient les Kways noirs habitués des manifestations. On se murmure les événements de la veille. Au quartier des Dervallières, des barricades et des voitures ont été allumées au milieu de la nuit. Des affrontements ont eu lieu. Ni les médias, ni la police n’en parlent. Omerta sur la révolte.

Le cortège fini par s’engager sur le cours des 50 Otages, littéralement collé par des rangées de CRS et la BAC toujours aussi menaçante. Un hélicoptère ne tarde pas à faire son apparition. Encore. La manifestation a lieu au pas de course. Dans cette ambiance étouffante, qui tente d’anéantir la force déployée dans les cortèges de tête du printemps, et proscrit toute expression murale, un éclat de couleur. Le commissariat du Cours Olivier de Clisson, fermé depuis la grande manifestation anti-aéroport du 22 février 2014, et fraîchement rénové pour être ré-ouvert dans les prochains jours est recouvert de peinture sur plusieurs mètres. Acclamations.
Mais la BAC s’enfonce immédiatement et trop facilement dans le cortège. Une course poursuite a lieu dans les ruelles du quartier Feydeau. Deux personnes sont interpellées.
La course continue. Toujours plus rapide. Les CRS fatiguent. Certains se retrouvent au beau milieu des manifestants. D’autres deviennent nerveux.
La manifestation échoue place du Bouffay, toujours encerclée par la police. Le cortège se disperse dans le calme. L’envie n’est pas tarie, d’autres dates sont évoquées. Notamment la grande manifestation contre le FN qui aura lieu samedi 25 février prochain à Nantes.

Au même moment, gaz à Rouen, défilé à Rennes, blocage de la gare à Montpellier. Et Bobigny qui s’embrase. Soyons ingouvernables !

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Grenoble : et soudain, la manif s’égaya !

France Bleu Isère / Vendredi 10 février 2017

Deux cent personnes environ manifestaient vendredi soir à Grenoble en soutien à Théo, ce jeune de 22 ans victime d’une interpellation brutale en région parisienne. Des casseurs se sont introduits dans la déambulation. Plusieurs vitrines de commerces ont été brisées sur le cours Berriat. Ils étaient environ 200, plutôt jeunes, des militants syndicalistes, de parti politiques, comme de simples citoyens rassemblés ce vendredi place Notre-Dame à Grenoble. Tous sont venus exprimer leur soutien à Théo, ce jeune de 22 ans, victime d’une interpellation brutale il y a une semaine en région parisienne. […]

Dans la foule, les manifestants scandent « Justice nulle part, police partout« . […] Au fur et à mesure que la place se remplit, se font entendre les premières explosions de pétards, l’ambiance est tendue. Avant la déambulation, plusieurs personnes prennent la parole devant la foule. Les noms d’Adama Traoré, de Jean-Pierre Ferrara sont évoqués comme d’autres faits de bavures policières. Le cortège démarre, un passage par la place Victor-Hugo, et les deux cent personnes entament une remontée du cours Berriat. C’est là que quelques individus commencent les dégradations. Les vitrines et les distributeurs de plusieurs banques et assurances sont ciblées, la devanture d’une boutique d’article de fantaisie est aussi touchée. La manifestation s’essouffle arrivée dans le quartier Saint-Bruno. Les casseurs se dispersent croyant à l’arrivée de la BAC. Les policiers n’ont procédé à aucune interpellation.

NdAtt: dans des vidéos prises pendant l’attaque d’agences bancaires, on entend de grosses acclamations de la foule qui accompagnent les coups de marteau.

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