extrait de La Bogue / jeudi 24 juin 2021
Selon la sale petite habitude qui s’est installée depuis quelques années, l’État et ses sbires ont monté une nouvelle opération avec les moyens de l’antiterrorisme et du renseignement pour procéder à de nombreuses interpellations et/ou perquisitions ce mardi 15 juin. Au bout de quelques jours, ce sont trois personnes qui sont mises en examen pour « association de malfaiteurs », et pour certaines, « destruction en bande organisée ». Un comité de soutien s’est créé officiellement ce samedi 19 juin. Il se réunira à nouveau ce samedi 26 au jardin d’Orsay à Limoges.
Cette opération a fait l’objet d’une publication sur la bogue, actualisée plusieurs fois au cours de la semaine. Les informations peuvent être retrouvées sur l’article en question : https://labogue.info/spip.php?article1040
Une semaine plus tard, on peut résumer les événements ainsi :
- Des perquisitions ont été menées mardi 15 juin dès 6h du matin dans au moins six lieux différents en Creuse et Haute-Vienne, avec l’intervention de plusieurs dizaines de policiers et gendarmes armés assistés du personnel et des moyens (y compris de surveillance) de la sous-direction de l’anti-terrorisme. On apprendra dans la journée que l’enquête est liée à des dégradations matérielles ne mettant pas en danger les vies humaines : l’incendie de véhicules d’Enedis en janvier 2020 et l’incendie d’antennes de télé, radio et téléphonie aux Cars (sud de Limoges) en janvier 2021.
- Six ou sept personnes ont été interpellées (la septième ayant peut-être « seulement » été convoquée pour audition dans la journée), et cinq autres perquisitionnées et entendues pendant l’intervention. Pour toutes, du matériel a été saisi : ordinateurs, téléphones portables, documents, objets personnels…
- Six personnes ont été placées en garde-à-vue mardi 15 juin, à Nieul, Saint-Junien, Bellac, Aixe-sur-Vienne et Limoges (gendarmerie et commissariat central).
- Trois personnes ont été libérées sans poursuites jeudi 17 juin.
- Les trois autres ont été présentées à une juge d’instruction au tribunal de Limoges vendredi 18 juin. Elle les a mis en examen : pour deux d’entre elles pour destructions en bande organisée par moyen dangereux (dont destruction de biens relevant d’ »intérêts fondamentaux de la nation ») ; et, pour la troisième, pour association de malfaiteurs en lien avec ladite bande organisée.
- Cette juge d’instruction a demandé un placement en détention provisoire pour les deux premières, et un contrôle judiciaire pour la troisième. Le juge des libertés a refusé, ce qui est assez rare, ces deux placements en détention provisoire demandés par la juge d’instruction et le procureur. Les deux personnes sont aussitôt sorties du tribunal, sous contrôle judiciaire, vendredi 18 juin. Cependant nous apprenons au moment de publier cet article que le parquet a fait appel de ces deux remises en liberté : cela signifie qu’une audience d’appel se tiendra bientôt sur cette question, dont l’issue sera peut-être une décision de placement en détention. Notons par ailleurs que les trois mis en examen ont interdiction de voir les autres mis en examen et/ou les autres gardé.e.s-à-vue.
- Les questions posées lors des auditions ont permis de commencer à comprendre le récit policier en cours de construction (après en avoir constaté les fuites dans les colonnes du Populaire et de la Montagne). Les personnes ont notamment été interrogées sur leur activités et liens sociaux au sein de collectifs ou d’associations limousins estimés semble-t-il trop contestataires : la Chorale des Résistances sociales, le Cercle Gramsci, La Bogue, et plusieurs autres associations ou collectifs.
- De très gros moyens de surveillance ont été utilisés depuis plusieurs mois. Après l’incendie des Cars, les téléspectateurs avaient été privés pendant plusieurs jours des doses quotidiennes d’Éric Zemmour et de Cyril Hanouna. L’heure était grave. La nation était touchée. La police a mis en place des filatures et des écoutes téléphoniques. Elle a mis des micros dans les maisons et dans les véhicules. Elle a installé des keyloggers sur les ordinateurs. Et relevé de l’ADN un peu partout.
- Des « trombinoscopes » ont été présentées aux gardé.e.s-à-vue. Les flics prétendent que les relevés d’ADN incriminent une ou deux personnes arrêtées. Et ils disent avoir un autre ADN, masculin, dont ils recherchent toujours activement le « propriétaire ».
- La présence dans sa bibliothèque de l’excellente Revue Z a été présentée à une des personnes interpellées comme un élément à charge. Motif : un des textes de revendications d’incendie serait inspiré d’une page de la revue !
- Le parquet et ses carpettes ont bien démontré une fois de plus leur paranoïa contre ce qu’ils appellent « l’ultragauche », leur empressement et leur grossièreté, prêts à tout confondre et tout mélanger dans un unique marécage séditieux.
Une opposition à cette opération s’est heureusement manifestée dès le départ et toute la semaine, notamment à Gentioux par une mobilisation sur les lieux de l’interpellation (30 personnes au moins pendant l’intervention), puis une assemblée d’une centaine de personnes le soir même ; des rendez-vous quotidiens devant l’hôtel de police de Limoges qui ont rassemblé de 30 à 80 personnes, et parfois subi une lourde pression policière (contrôle d’identité suivi d’une vérification au poste toute la nuit pour deux personnes, encerclement et menaces d’une trentaine de flics pour 30 personnes le lendemain…) ; un rendez-vous samedi 19 juin, place d’Aine, a permis de constituer un comité de soutien avec environ 80 personnes ; les échanges publics des proches et de leurs soutiens ont permis à tous de partager la dénonciation de cette opération, y compris dans son aspect politique et médiatique, et la détermination à ne pas se laisser intimider. […]