Indymedia Nantes / lundi 11 mai 2015
Les détecteurs de radioactivité suivants ont été soufflés par un vent mauvais incendiaire : Brennilis et Belleville-sur-Loire.
« Au lendemain de l’accident, la seule chose à laquelle j’ai pensé a été de sauver des animaux. Maintenant, je ne peux plus arrêter. »
Naoto Matsumara (Metronews, 10 mars 2014)
Naoto Matsumara, Le Dernier Homme de Fukushima, est le promoteur et le héros utile de la survie en milieu contaminé.
Il y a quelques décennies, c’était la vache qui sauvait le prisonnier.
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Il y a deux raisons pour lesquelles ces détecteurs méritaient ce sort. La première est bien connue de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’industrie nucléaire, la seconde l’est bien moins.
La première raison est qu’ils ne tiennent pas la promesse de la transparence, mais la seconde est plus décisive : elle relève de ce que nous promet la transparence. Ce sont ces deux formes de mensonge que ces destructions livrent à la publicité.
Les nucléocrates comme les antinucléaires savent bien que « l’unité de mesure supportable » par l’homme varie selon les besoins du moment de l’industrie nucléaire. Les premiers parce qu’ils organisent le va-et-vient des doses administrées, leurs contestataires parce qu’ils dénoncent ce mensonge quantitatif.
Les habitants des environs de Fukushima – y compris les plus fragiles – sont légalement exposés aux doses naguère prévues pour les seuls travailleurs des centrales, les circonstances posent la norme. Les appareils de mesure installés par les autorités japonaises l’ont été de telle sorte qu’ils reflètent une quantité d’irradiation minorée, cela oriente les dissensions entre écolocrates et nucléocrates vers un devoir commun de transparence.
Le régime d’habituation est à l’œuvre depuis le début de l’histoire de la radioactivité industrielle et médicale. Les études effectuées depuis Hiroshima et Nagasaki partent du principe que l’homme s’adapte à la dose, c’est la définition même du sievert. L’OMS écrivait dès 1957 : « Cependant, du point de vue de la santé mentale, la solution la plus satisfaisante pour l’avenir des utilisations pacifiques de l’énergie atomique serait de voir monter une nouvelle génération qui aurait appris à s’accommoder de l’ignorance et de l’incertitude et qui, pour citer Joseph Addison le poète anglais du XVIIIe siècle, saurait « chevaucher l’ouragan et diriger la tempête ». » On sait lesquels font les fous.
Après l’effondrement des réacteurs de Fukushima, l’opacité idéologique était telle qu’elle avait laissé apparaître l’absence d’informations. Spontanément, quelques citoyens comblèrent cette lacune en organisant des campagnes de distribution de détecteurs de radioactivité individuels. Quelques mois plus tard, leur combat pour l’accès de tous à l’information s’institutionnalisa sous la forme du CRMS (Citizen’s radioactivity measuring station) avec l’adoubement de la CRIIRAD. Ce sont les mêmes intentions qui guidèrent les pionniers de la contre-mesure en France. Aujourd’hui, de la Biélorussie au Japon, les effets pervers de cette volonté de transparence qui complète celle des nucléaristes finissent de se révéler, le problème ne serait plus l’atome, mais la dose.
Venons-en à l’aspect qualitatif du mensonge. Nous sommes habitués et il s’agit de nous résigner plus encore. La France est constellée d’appareils de mesure de radioactivité non pas pour nous protéger – un thermomètre ne fait pas baisser la fièvre ni ne refroidit un corium – mais pour nous rendre ordinaire la présence même du nucléaire. Leur dispositif consacre une attente collective. Ils condensent la certitude d’une catastrophe à venir en maquillant celle qui est déjà là, en régime chronique, sinon aigu. L’IRSN, l’ACCRO et la CRIIRAD, chacun à sa sauce, préparent les citoyens à devenir acteurs de la catastrophe le moment venu. L’écologiste chevauchera l’ouragan pendant que l’État dirigera la tempête. L’autre solution est évidemment que l’industrie nucléaire cesse. C’est la seule façon de rendre réellement les détecteurs de radioactivité à leur inutilité.
Plus généralement, qu’il s’agisse de la gestion de l’argent en période de crise économique perpétuelle assumée ou d’autres formes de nuisances morbides comme les pesticides, les OGM, etc., les normes juridico-techniques, volontiers participatives, régulent l’attente de la catastrophe. Les chiffres et les codes désignant les seuils de la qualité de la vie traduisent la réalité de sa dégradation. Nous sommes sommés de nous contenter de ne pas être déjà demain quels que soient nos malheurs d’aujourd’hui.
On n’arrête pas plus l’émission de radioactivité d’une centrale nucléaire en pétant un compteur Geiger qu’on n’arrête le passage du temps en cassant sa montre ou une horloge. Mais contrairement au temps, la radioactivité est lourde de certitudes.
Fernandel, 10 mai 2015
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AFP / mardi 12 mai 2015
Incendies criminels de 3 stations de prélèvement d’air situés près de sites nucléaires
« Ce sont des actes de malveillance car le feu a pris par le bas », a indiqué mardi le directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à propos des sites de Brennilis (Finistère), Belleville-sur-Loire (Cher) et Salives (Côte d’Or).
Les faits se sont produits entre dimanche matin et lundi matin. Trois stations de prélèvement d’air situées non loin de sites nucléaires dans le Finistère, le Cher et en Côte-d’Or ont été incendiées, a confirmé mardi l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, propriétaire de ces matériels. « Ce sont des actes de malveillance car le feu a pris par le bas », a déclaré Jérôme Joly, directeur général adjoint de l’IRSN, en charge de la radioprotection. Dans l’une des trois stations, « un système de mise à feu très rudimentaire » a été retrouvé, a-t-il précisé.
Ces trois préleveurs d’air servent à analyser la radioactivité ambiante. « En l’état, des constatations sont menées pour voir si ces faits pourraient être liés les uns aux autres. A ce stade, il n’y a eu aucune revendication », a souligné une source proche du dossier. Trois enquêtes ont été ouvertes, a-t-elle ajouté. La radio RTL a révélé mardi que « trois incendies criminels » étaient intervenus sur des stations à Brennilis (Finistère), Neuvy-sur-Loire (Nièvre) et Salives (Côte-d’Or), ajoutant que « pour l’heure, les gendarmes ont retenu la piste d’une action coordonnée ».
Deux stations « détruites »
EDF a confirmé l’incendie de matériels de prélèvement de l’air atmosphérique sur deux stations situées « à proximité des sites nucléaires de Brennilis et Belleville-sur-Loire » (commune du Cher située juste en face de Neuvy-sur-Loire). Ces deux stations « sont détruites », a indiqué Jérôme Joly, qui « déplore ce genre d’acte qui limite la qualité de surveillance des exploitants nucléaires ».
Une troisième station, située près du site de production d’armes nucléaires de Valduc (commune de Salives) appartenant au CEA (Commissariat à l’énergie nucléaire) « a fait l’objet d’un départ de feu mais la tentative d’incendie a finalement échoué », a souligné Jérôme Joly. C’est là que le système de mise à feu a été retrouvé. « Le préleveur d’air est toujours opérationnel », a-t-il ajouté.
« Des enquêtes sont en cours »
Comme c’est le cas pour tous les incidents se déroulant à proximité de ses sites, EDF en a informé les pouvoirs publics et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et dans les deux cas, « des enquêtes sont en cours », a précisé un porte-parole du groupe. Les sinistres se sont produits « dans la nuit de dimanche à lundi » pour le site proche (environ 1,5 kilomètre) de la centrale nucléaire de Brennilis – à l’arrêt depuis 1985 et en cours de démantèlement – et « lundi tôt dans la matinée » pour celui des environs de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire (Cher), a précisé EDF.
Les préleveurs d’air de l’IRSN, qui sont installés sur des sites appartenant aux exploitants, pompent de l’air sur un filtre qui est relevé tous les jours. Il est ensuite envoyé à un laboratoire de l’IRSN qui se charge de l’analyser. « C’est la première fois que ce type de dégradation intervient sur des préleveurs d’air à ma connaissance », a souligné M. Joly, jugeant « stupide de s’attaquer à des moyens de surveillance ». Deux des stations étant détruites, « on va perdre une indépendance de la surveillance [sic!] pendant quelque temps », le temps de les remplacer, a-t-il relevé.