Paris : Récit policier de Sainte Marthe

Paris-Luttes.info / mercredi 1er septembre 2021

Beaucoup de choses se sont passées en 1 an autour de la lutte contre la gentrification dans le quartier de la place Sainte Marthe. A travers les différentes affaires judicières qui s´y sont déroulées, les flics ont produit des centaines de pages de dossier. Nous avons voulu vous partager une partie de leur piètre oeuvre mais qui permet néamoins de se faire une idée des différentes affaires qui se sont déroulées à Sainte Marthe !

Pour commencer et permettre d’avoir une meilleure compréhension chronologique des faits, voici un petit résumé réalisé par nos soins, des différentes affaires autour de la place Sainte Marthe qui viennent s’ajouter à la longue liste de mesures policières et judiciaires que nous avons connu ces derniers mois (amendes, contrôles d’identités, pressions psychologiques, violences physiques, présence policière continue, procès, expulsions, perquisitions, interdiction de se voir, interdiction de se rendre sur la place Sainte Marthe…) :

Septembre 2020, Camp Climat et ouverture du local du H !
5 personnes sont arrêtées en septembre 2020 devant le local du H quelques jours après son ouverture dont 3 passent en procès le 13 octobre 2021 (après plusieurs reports) pour violence en réunion contre PDAP. Les deux autres sont relaxées mais avec une interdiction du 10 ème arrondissement pendant plusieurs mois.

Novembre 2020, le local de l’Arche ( local loué par le petit Cambodge et inexploité depuis 5 ans) est ouvert !

Décembre 2020, la pression policière et médiatique est constante autour du local de l’Arche, les flics passent chaque jours intimider les occupant.es. Suite à des centaines de message haineux sur twitter par la fachosphère, le local de l’Arche est attaqué par quelques dégénérés et des occupant.es sont gazé.es.

Une personne est jugée en décembre 2021 au tribunal administratif de Paris en tant qu’occupant du local squatté du petit Cambodge et écope de 15000 euros d’amende. Le local est éxpulsé en Janvier 2021

Janvier 2021, 4 personnes sont arrêtées lors de la tentative d’ouverture d’un nouveau local nommé le Nord et écopent de 3 mois de prisons avec sursis et saisie du matériel qui était dans les lieux pour violation de domicile.

Janvier 2021, un nouvel appartement squatté nommé Le Chateau est évacué au bout de quelques jours par la police sans aucune procédure judiciaire. (personne ne se trouvait dans les lieux au moment de l’intervention de la police)

Mai 2021, 4 personnes sont interpellées pour violence contre PDAP lors de la soirée « Eat the Rich ». Leur procès sera début 2022 et iels sont interdit.es de se rendre sur la place Sainte Marthe d’ici là.

Juillet 2021, la juge rend sa décision concernant le local du H : deux mois de délai avant l’expulsion.

7 personnes passent en procès début 2022 pour « vol et dégradation en réunion et violation de domicile » suite à l’occupation du local de l’Arche avec un dossier de plus de 1000 pages ! Il faut noter que parmi les 7 personnes impliqué.es sur l’affaire du petit Cambodge, 3 ont étés perquisitionné.es dans leur domicile respectif à 6 heures du matin le même jour, 3 autres ont reçu des convocations à se rendre en GAV et la dernière a été arrêtée 1 mois plus tard avec un mandat de recherche.

Voici maintenant la version policière de cette année à Sainte Marthe !
Certaines précisions sont faites de notre part entre parenthèse. Tout ce qui est écrit en italique provient de dossiers réalisés par les flics.

Premier élément : « page de contexte » réalisé par un flic du 10e dans le dossier de l’affaire Eat The Rich (soirée non marchande organisée en Mai 2021 sur la place pour la réouverture des terrasses)

Ce secteur est délimité par le boulevard de la Villette, la rue Henri Feulard, la rue Sembre et Meuse, l’avenue Claude Vellefaux, et la rue Sainte Marthe (dans le 10 ème arrondissement de Paris)

Une délinquance spécifique
Ce secteur est l’objet de nombreuses actions par des groupes et associations politiques. Ces derniers souhaitent lutter contre la hausse du prix de l’immobilier dans ce quartier, qui amènerait à une « gentrification » du secteur.
Pour ce faire, de nombreuses occupations illicites de locaux commerciaux ou d’habitation sont à déplorer au cours de l’année 2020 et 2021.
Le 26 septembre 2020, la place Sainte Marthe avait été bloquée et occupée par des activistes liés aux associations « Youth For Climate » et « Extinction Rebellion »
(la présence de XR à Sainte Marthe est une invention policière, pour retrouver le texte d’appel au Camp Climat c’est ici )
Ces violations de domicile et dégradations de biens privés sont considérées commes des actions politique de la part de leurs auteurs.
Elles créent ainsi de nombreux troubles à l’ordre public.

De nombreuses doléances
Ces occupations illicites suscitent l’hostilité des différents propriétaires des lieux
(notamment la société immobilière de normandie, la SIN, propriétaire de 120 lots dans le quartier), ainsi que de nombreux dépôts de plainte.
Le propriétaire du restaurant « Le Petit Cambodge » a vu un de ses locaux commerciaux faire l’objet d’une occupation illicite le 17 novembre 2020. Cette occupation a bénéficié d’une très forte couverture médiatique
(Au sujet de cette occupation nommée L’Arche, voir : ici et ). Le 4 janvier 2021, le Tribunal Judiciaire de Paris a prononcé l’expulsion sans délai de ces occupants. De même, le 28 septembre 2020, un équipage BAC, étais pris à partie lors d’une reconnaissance sur une occupation illicite située au 18 rue Jean et Moinon (nommé Le H). Cette prise à partie amenait à l’interpellation et au déferrement de 5 individus auteurs et liés à la mouvance anti capitaliste. L’opération occasionnait la blessure de deux fonctionnaires de police. (Au sujet de cette opération, voir le communiqué ici)
Au mois de janvier 2021, 4 espaces étaient illégalement occupés, à proximité immédiate de la place Sainte Marthe ( Le H, l’Arche, Le nord et Le Chateau, ces deux derniers ont été éxpulsés sans procédure après quelques jours d’occupation).

Les difficultés rencontrées
Le secteur comprend plusieurs rues étroites, ce qui complique les possibilités d’intervenir. De même, le contexte médiatique autour des associations impliquées augmente la sensibilité de chaque intervention des services de police dans cet environnement
(A nuancer par l’énorme présence policière au moment de l’Arche dû à sa très forte médiatisation).
Enfin, ces individus sont extrèmement mobiles ciblant et investissant rapidement les potentiels locaux ou appartements en travaux et sans surveillance.
Ainsi, le 4 janvier 2021, 4 individus étaient interpellés rue Henri Feulard, en tentant d’investir un nouveau local commercial en travaux
(nommé Le Nord).
En l’absence de plainte immédiate de la part des propriétaires, le cadre légal ne permet pas l’intervention des forces de l’ordre en dehors de la flagrance, quand ces occupations ne tombent pas sous la qualification de violation de domicile.

Deuxième élément : PV d’un flic qui devait intervenir à Sainte Marthe pour mettre fin à la soirée « Eat the Rich ».

« Précisons que ce lieu est défavorablement connu de nos services pour être une Zone A Défendre (ZAD) d’un groupuscule « écolo ». Plusieurs interventions de police ont éte menées pour déloger ce groupe hostile ces derniers mois. Connaissant la difficulté de nos interventions sur ce secteur, demandons à notre station directrice plusieurs véhicules pour nous aider dans notre mission. » (Par rapport à la soirée « Eat the Rich » , voir : cet article et celui-ci)

Troisième élément : Assignation aux fins d’expulsion faite par la SIN concernant le local du H .

« Maitre *** , Huissier de justice s’est rendue sur place le 30 septembre 2020 afin de procéder à une sommation interpellative dans le but d’obtenir les identités des squatteurs.
L’huissier a pu renconter sur place une femme qui a refusé de décliner ses noms, prénoms et a déclaré être hébergé chez un ami dénommé « Enzo » qui lui aurait demandé de présenter une affiche revendicatrice « contre la transformation sociale, la réhabilitation du quartier Sainte Marthe du 10e arrondissement, et la hausse des prix des loyers commerciaux », si quelqu’un venait à sa rencontre, étant précisé que cette affiche était également exposée à la fenêtre du local. Un autre individu présent dans le local a refusé de répondre aux questions. L’huissier s’est alors retiré et a clôturé ses opérations.
La SOCIETE IMMOBILIERE DE NORMANDIE (SIN) a sollicité par requête du 7 octobre 2020, le président du Tribunal Judiciaire, afin de commettre tel Huissier de Justice qu’il lui plaira avec la mission de faire constater les conditions actuelles et précises de l’occupation du bien immobilier lui appartenant situé 18 rue Jean et Marie Moinon (75010)
L’huissier a sollicité le concours de la force publique et il lui a été répondu par la Préfecture de Police :

Maître,
Nous avons bien reçu votre demande d’assistance pour effectuer des constatations sur ordonnance au 18 rue Jean et Marie Moinon à Paris 10e. Vu le contexte et la sensibilité du dossier, nous avons rendu compte à monsieur le Commissaire Central du 10e arrondissement.
Nous vous invitons à procéder à une nouvelle tentative sur place.
Si vous étiez de nouveau confronté à de sérieuses difficultés, menaces, violences physiques etc, il vous est demandé de faire appel au « 17 » police secours.
Cordialement

Après s’être rendu vainement sur place à 9 reprises, l’huissier est parvenu à rencontrer sur place une personne qui a déclaré le 3 décembre 2020 :  » Je ne vis pas ici, le local en rez de chaussée où nous nous trouvons est un local pour des activités solidaires de distribution alimentaire ».

(On voit ici que le fait de parler le moins possible à l’huissier et de créer un contexte hostile à sa présence et à la présence de la police nous a permis de gagner plus de deux mois – entre le premier passage de l’huissier et la réalisation de sa « mission »)

Quatrième élément : Dossier concernant des dégradations et violation de domicile dans le local du Petit Cambodge :

LES FAITS

Le 14 novembre 2020, un témoin constatait qu’un groupe d’individus pénétrait dans un local sis 1 rue Jean et Marie Moinon (75010). Le locataire, directeur de la SAS LE PETIT CAMBODGE se rendait sur place et constatait que les serrures avaient été changées. Il déposait plainte le 17 novembre 2020. A la demande du Tribunal Judiciaire de Paris, un constat d’huissier était réalisé le 23 novembre 2020 et permettait de constater que le local était effectivement occupé.
Dans la nuit du 4 janvier 2021, des individus changeaient les serrures d’un appartement en rénovation sis 32 rue Sainte Marthe (75010) . Les ouvriers ne pouvaient plus accéder au logement. Nous intervenions en flagrant délit le 5 janvier 2021, les changements de serrures étaient constatés ainsi que des dégradations commises sur une installation électrique à l’extérieur du logement. A notre arrivée, le logement était vide de tout occupant. Ces derniers laissaient derrière eux quelques affaires, notamment un contrat ENGIE au nom d’*** et un feuillet de recommandé avec accusé de réception au nom de ***.
Rappelons que le 4 janvier est la date à laquelle le Tribunal Judiciaire de Paris rendait son jugement dans le cadre de l’affaire du Petit Cambodge, ordonnant l’expulsion des squatteurs.
Le même jour, 4 janvier 2021, plusieurs témoins signalaient un groupe d’indivius ayant forcé la porte d’un local sis 4 rue Henri Feulard à PARIS (75010), puis déchargaient des camions remplis de meubles et les entreposaient à la hâte dans le local. Un équipage BAC de notre arrondissement se transportait sur place et interpellait 4 individus se trouvant à l’intérieur. Au cours de leur garde à vue, les intéressés gardaient le silence. Ces derniers étaient déférés, une audiance était programmé en mars 2021. Ils font l’objet d’un contrôle judiciaire leur prescrivant de ne pas se rendre sur les 10e, 11e et 19e arrondissement de Paris.
Il apparaissaint que les trois procédures pouvaient être reliés au même groupe d’individus.

L’ENQUÊTE

Les investigations réalisées sur les réseaux sociaux nous permettaient de rapidement identifier des collectifs à la tête de ces opérations de squat, le majoritaire étant « Youth For Climate ». Le collectif militant choisissait en effet l’occupation illégale de bien privé comme moyen d’action idéologique contre « la gentrification du quartier », « la loi sécurité globale » ou encore « la protection du climat ». En effet, lancé en février 2019, Youth For Climate organisait initialement des marches hebdomadaires pour le climat avant de durcir fortement sa ligne en prônant des actions de lutte directe anticapitaliste.

La découverte d’une succession de tweets émis par la compte « Youth For Climate IDF« , mettait clairement en évidence que le groupe squattant le Petit Cambodge était également à l’origine des dégradations commises au 32 rue Sainte Marthe ainsi qu’au 4 rue Henri Feulard, les trois adresses étant par ailleurs situées à quelques centaines de mètres les unes des autres. Pressés par la décision d’expulsion rendue le 4 janvier 2021, ils déménagaient à la hâte le mobilier du squat du Petit Cambodge vers le 4 rue Henri Feulard et leurs effets personnels découverts lors de notre perquisition réalisée dans ce second local. Nous découvrions notamment des courriers destinés au Petit Cambodge dans le tiroir d’un meuble. Aussi, nous relevions la présence de tracts et de nombreuses affiches militantes communes à celles affichées sur la vitrine du Petit Cambodge


Il apparait que le collectif Youth For Climate et ses affiliés communiquaient via une adresse mail sécurisée, en l’adresse jmm18@protonmail.com. Une réquisition via la messagerie dédiée EUROPOL était adressé à l’entreprise suisse gestionnaire de la messagerie afin de connaître l’identité du créateur de l’adresse. De même des réquisitions INSTAGRAM étaient adressés au réseau social dans le but de connaître les identités des individus gérant les comptes des potentiels militants squatteurs. La société PROTONMAIL répondait à notre réquisition sans indiquer plus d’information qu’une adresse IP.

(la suite de l’enquête repose ensuite principalement sur l’étude de photographies ou des « stories » Instagram – même des photos avec les visages flouttés ont pu être exploitées grace aux vétements- ainsi que sur l’exploitation des lignes téléphoniques qui permet d’attester la présence de personnes soupconnées à forte proximité du local. 7 individus vont être interpellés suite à cette enquête dont 3 perquisitions. Il faut aussi noter que la police a besoin de trouver des « leaders », ici Youth For Climate, là ou il n’y a que des individus différents qui se réunissent autour de sensibilités communes)

La répression a joué son rôle, elle nous a fragilisé, divisé et apeuré. Malgré tout, les dynamiques de lutte et d’auto-organisation sont toujours en cours dans le quartier de la place Sainte Marthe. Nous pensons que parler et diffuser nos expériences face à la répression est un moyen d’y faire face collectivement. Libérons la parole et ne laissons pas la flicaille nous isoler ! Le local du H n’est pas expulsable avant fin septembre 2021 et de nombreux locaux sont encore vides à Sainte Marthe ! La lutte continue !

Pour être tenu.e au courant de ce qu’il se passe à Sainte Marthe, envoyez nous un mail à notre toute nouvelle adresse mail : jmm18@riseup.net. On vous rajoutera à notre liste mail !

Quelques révolté.es de la place Sainte Marthe

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