Italie : Une lettre de Divine sur son expulsion

Malacoda / mardi 15 juin 2021

Bonjour à tou.te.s.

Le matin du 15 juillet 2019, j’ai trouvé les flics chez moi ; ils m’ont demandé de les suivre pour aller signer une notification.

Une fois au commissariat, j’ai découvert que la notification concernait mon expulsion de l’Italie, prévue pour le lendemain ; ils m’ont donc embarqué en direction l’aéroport de Malpensa [près de Milan ; NdAtt.].

Évidemment, le jour même de ma rétention, il y a eu un procès moyenâgeux : tout était déjà décidé en avance.

Le lendemain, à l’aéroport, un flic m’a dit que mon expulsion avait été bloquée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), du coup au lieu de me relâcher et voilà, insatisfaits de la décision de la CEDH, ils ont décide de m’enfermer dans le CRA de Bari.

Jusqu’à là les flics avaient respecté les lois, mais dans le CRA de Bari les flics sont tout sauf « respectueux des lois ». Je voudrais souligner quelques éléments, par rapport au CRA :
1. il est interdit d’introduire des caméras ou autres à l’intérieur du CRA ;
2. les téléphones sont fournis par l’administration de la structure ;
3. quand tu rentres, tu es est fouillé comme à l’entrée en prison (la taule est décidément mieux), tes affaires personnelles sont gardés par les flics, si t’as de l’argent, celui-ci est compté et lui aussi « gardé » (ou plutôt empoché, étant donné qu’à ma sortie j’ai presque dû me faire tabasser pour l’avoir) ;
4. la structure est formée par des ailes (souvent tu es enfermé dans une aile avec tes compatriotes), j’étais dans une aile avec une majorité d’Albanais.
A l’intérieur de l’aile, l’air est écœurante (une mélange d’odeur d’urine et d’excréments), les toilettes sont en face des chambres, il y a en plus un salon avec une télé, où on mange, et une petite cour pour prendre de l’air.
– Les chambres sont constituées par des simples files de lits, où il n’y a même pas de draps.
– Les toilettes n’ont pas de WC et l’air y est irrespirable, avec des morceaux d’excréments et de l’urine collés depuis des décennies aux murs des toilettes et des douches (les douches sont à côté des latrines)
– Les lavabos sont eux aussi à côté des latrines (et eux aussi pleins d’excréments)
5. La nourriture est droguée avec des médicaments psychotropes tranquillisants.

Maintenant, presque deux ans après, il y a eu l’audience définitive de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a délégué au gouvernement italien la décision quant à mon expulsion ; celui-ci évidemment, m’a expulsé.

La liste est longue, mais les choses principales sont celles que je viens d’écrire. Je ne suis pas surpris par le traitement accordé aux sans-papiers. Je ne suis pas surpris par le fait qu’ils veuillent m’expulser, d’ailleurs l’État c’est l’État et, en tant que tel, il veut sauvegarder ses intérêts ! On sait comment l’État se comporte avec ses ennemis. Rien ne doit nous surprendre, mais, au contraire, cela doit nous préparer à donner un coup de poing plus fort, tout en essayant d’esquiver les coups. C’est nous qui devons les surprendre, pas l’inverse.

Divine

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