Italie : Une contribution à l’occasion du début du procès Prometeo et des différentes procès qui auront lieu cet automne

Round Robin / mardi 27 octobre 2020

A l’aube du 21 mai 2019, les ROS [Raggruppamento Operativo Speciale des Carabinieri, qui s’occupe de criminalité organisée et de terrorisme ; NdAtt.] de Turin ont commencé la fantomatique opération Promoteao, en faisant irruption dans nos vies et nous kidnappant dans les taules de l’État, accusés d’attentat avec finalité de terrorisme.

Presque trois ans d’enquêtes, si on y inclut aussi les dix mois qui ont suivi les arrestations, pendant lesquels ils ont continué à chercher des preuves, en versant au dossier aussi des écoutes enregistrées lors de parloirs qu’on a eu avec nos familles, en taule. TROIS ans de filatures et d’espionnage de nos vies, de nos relations amicales et affectives. TROIS ans qu’ils ont passé à consolider l’image de notre personnalité comme si on était des monstres, pour nous porter au tribunal, afin de justifier des accusations qui se fondent sur bien peu de preuves liées aux délits qui nous sont contestés, c’est à dire l’envoi des colis piégé au directeur de l’époque de l’Administration pénitentiaire, Santi Consolo, ainsi qu’aux deux procureurs Roberto Sparagna et Antonio Rinaudo.

Quand on lit le dossier, il est évident que la quantité invraisemblable de matériel qu’ils ont collecté pour réaffirmer que nous sommes anarchistes, réfractaires à l’ordre établi, dépasse de loin les soi-disantes preuves liées aux faits. Des preuves qui, comme cela a déjà été expliqué ailleurs, se résumeraient à quelques images granuleuses d’une caméra de vidéosurveillance, par lesquelles les flics font l’hypothèse de l’achat de certains choses, sans que cet achat ne soit prouvé d’aucune façon ; il y a aussi quelques écoutes, parmi des nombreuses autres, que, selon les enquêteurs, montrent notre implication, sans considérer qu’il s’agit de dialogues complètement sortis de leur contexte et habilement reconstitués, avec cette malice et cette ruse par laquelle, depuis des années désormais, ils mettent en place des enquêtes de ce genre. Un ramassis un peu drôle d’éléments différents, dont on pourrait presque rire, si ce n’était que deux d’entre nous sont encore en taule et que l’enjeu est de quelques 20-30 ans de prison, si l’accusation tient lors du procès

Le message plus ou moins explicite que l’on a pu lire entre les lignes des différentes rejets des demandes de libération est : si ce n’est pas possible d’établir avec certitudes qui sont les responsables de ces colis-piégés, le fait qu’ils/elle sont anarchistes et qu’elle/ils n’ont jamais caché leur sympathie pour certaines pratiques suffit largement pour les mettre en relation avec ce délit.
Nous devons prendre en compte l’identité des victimes, dans cette procédure. Le chef des chefs de la police pénitentiaire et deux magistrats du tribunal de Turin. Trois hommes d’État, en fait, qui le représentent dans sa déclinaison punitive et contraignante la plus triviale, utilisée à l’encontre des personnes qui sont incapables de respecter les règles du jeu. Si l’on rentre dans les détails de ces personnages et des saletés dont ils se sont rendus responsables, les faits parlent d’eux-mêmes. Juste pour en citer quelques-uns : l’AP porte la responsabilité de rendre les taules des lieux de torture ; il suffit de se rappeler des 14 prisonniers morts pendant les révoltes de mars ou le massacre du 6 avril dernier dans la prison de Santa Maria Capua Vetere*. La normalité de ces lieux montre des dizaines de suicides chaque année, des passages à tabac et le harcèlement à l’encontre des détenus qui décident d’arracher des conditions plus « dignes ».
Antonio Rinaudo s’est engagé, ces dernières années, dans la répression féroce de la lutte contre le TAV, contre les expulsions locatives, contre les CRA et contre la gentrification du quartier Aurora, à Turin.
Roberto Sparagna est le bien connu architecte du méga-procès Scripta Manent, par lequel il voudrait enterrer sous des dizaines d’années de taule des compagnons et des compagnonnes considérés comme responsables de toute une liste d’actions directes qui ont dérangé le sommeil des patrons, ces derniers 20 ans. C’est à partir de leur condamnation en première instance qui sont issues d’autres opérations répressives, comme l’opération Prometeo ou la récente opération Bialystok (qui semblent presque des prolongations de Scripta Manent), pour essayer de laminer toute personne qui tente d’être complice de la « ligue des champions » de l’anarchie, comme Sparagna a défini les inculpés du méga-procès. Enfin, pour eux il y a des méchants qui s’aventurent au delà du limite de ce qui est acceptable en démocratie, et si quelqu’un ose se solidariser avec les méchants, il doit être réprimé lui aussi. Que cela serve d’avertissement pour tous et toutes. Au vu de la nature et de la taille des victimes, le message de la répression est encore plus évident : il faut donner une réponse, il fait forcement punir quelqu’un, indépendamment de son implication prouvée dans le délit, car cela a moins d’importance que le contexte. Et étant donné que [les trois inculpé.e.s de l’opération Prometo ; NdAtt.] sont anarchistes, solidaires avec les méchants, ils sont parfaits pour une punition exemplaire.

Il n’y avait pas besoin de l’espionnage obsessionnel et maniaque, duré trois ans, de nos existences, pour en tirer un résumé à porter devant le tribunal, c’est à dire que ce monde, comme il est, nous dégoûte et que nous ne voulons pas vivre une existence la tête baissée. Nous ne l’avons jamais caché.

Cette fois-ci aussi, ils ont utilisé l’approche répressif bien connu selon lequel, quand il y a une attaque conte les tentacules répressifs de l’État, ils enquêtent sur ceux qui défendent publiquement certaines pratiques et ceux qui se solidarisent avec les personnes qui en sont accusées. Dans un moment comme celui-ci, quand plus de 300 compagnons et compagnonnes passent en procès, il est d’autant plus important de souligner qu’il n’y a pas d’anarchistes gentils et d’anarchistes méchants, que nous ne tombons pas dans le piège de leurs divisions et que nous sommes solidaires de quiconque a à cœur la lutte contre l’État. Que l’accusation de « massacre », utilisée contre Alfredo et contre Juan (accusé d’une attaque contre le local de la Lega Nord) nous dégoûte et que c’est l’État celui qui accompli les plus grands massacres, avec sa démocratie imposée à coups de bombes et de barreaux, de barbelés et de frontières, de nucléaire et de pollution électromagnétique, de travail salarié, de terrorisme médiatique, de couvre-feu et d’indifférence. Et nous réaffirmons, surtout, que c’est l’État qui frappe de manière indiscriminée, dans le tas.

En ce moment, Natascia et Beppe sont encore enfermés, depuis presque un an et demi, dans l’attente d’un procès qui se fait attendre, après la pause de la Justice due à l’épidémie de Covid-19 et après le changement de compétence territoriale, de Milan à Gênes. Beppe est enfermé dans la sections pour « détenus protégés » de la prison de Pavie, c’est le procureur qui a demandé ce placement infamant, et pour Natascia la prison a récemment demandé, et le Juge d’instruction a ordonné, une censure stricte du courrier, avec une justification assez fantaisiste.

L’audience préliminaire a été fixée pour le 11 novembre, au tribunal de Gênes, et en cette occasion ils décideront le calendrier du procès.
Pendant ces semaines, d’autres procès s’ouvrent et se terminent, et nous devons réaffirmer notre proximité vis-à-vis des compagnonnes et des compagnons qui passent en procès pour les opérations Scripta Manent, Bialystock, Lince, Panico, Scintilla, Ritrovo, vis-à-vis de ceux qui sont inculpés pour la manifestation du Brennero et de ceux qui sont soumis à des mesures de contrôle judiciaire. Solidarité avec Juan, avec Carla et avec Vincenzo, dont l’Italie a demandé l’extradition pour ce qui s’est passé lors du G8 de 2001.
Solidarité avec Davide Delogu, qui n’a jamais arrêté de lutter, malgré les transferts, avec Mauro Busa, accusé d’avoir saboté un distributeur d’essence d’ENI et un local de Casapound, et avec tous et toutes les prisonnières qui passeront en procès pour pour s’être révoltées contre la normalité mortifère de la prison, pendant les premières semaines de mars.

Une accolade chaleureuse pour Natascia, en grève de la faim, et pour ceux qui font la grève de la gamelle, ces semaines-ci.

Robert

 

On rappelle les adresses des deux compas encore enfermé.e.s pour l’opération Prometeo :

Natascia Savio (elle lit et écrit le français)
C.C. San Lazzaro
Strada delle Novate, 65
29122 – Piacenza (Italie)

Giuseppe Bruna
C. C. di Pavia
Via Vigentina, 85
27100 – Pavia (Italie)

Pour leur soutien économique :

Carte Postepay evolution
titulaire : Vanessa Ferrara
n° 5333 1710 9103 5440
IBAN: IT89U3608105138251086351095

Carte Postepay evolution
titulaire : Ilaria Benedetta Pasini
n° 5333 1710 8931 9699
IBAN: IT43K3608105138213368613377

 

* Note d’Attaque : le 5 avril il y a une révolte, rapidement rentrée, dans la prison de Santa Maria Capua Vetere (près de Naples). Entre le 15 et le 16 avril, 300 matons supplémentaires, dont les GOM (les ERIS italiens), arrivent dans la taule pour une « perquisition extraordinaire » et commencent à tabasser systématiquement et à torturer tous prisonniers. Un d’eux meurt quelques jours plus tard, dans une cellule du mitard.

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