France : Une série d’attaques touche les réseaux de fibre optique

Libération / lundi 29 juillet 2024

A chaque jour, sa série de sabotages. Après l’action menée contre les lignes TGV de la SNCF vendredi, l’antenne relais incendiée près de Toulouse dimanche, c’est au tour des réseaux de fibre optique de faire l’objet d’actes de malveillance. Dans la nuit de dimanche à lundi 29 juillet, des infrastructures de SFR, Free et Bouygues ont fait l’objet de dégradations dans au moins huit départements. Libé fait le point sur ce que l’on sait de l’affaire et de ses conséquences pour les usagers.

Contactés par Libération, SFR, Free, Bouygues et Colt (opérateur britannique desservant 28 pays européens) confirment tous les trois être concernés. SFR précise que les faits se sont déroulés entre 1 heure et 3 heures du matin. «C’est notre réseau longue distance qui a été visé», souligne l’entreprise qui évoque des câbles sectionnés. «Concrètement, ce sont des énormes tuyaux dans lesquels passent énormément de fibres […] ça ne se coupe pas avec une simple paire de ciseaux», poursuit le groupe qui évoque un acte de «vandalisme». Enfouies au milieu de champs ou dissimulées derrière des grilles, ces installations sont souvent difficilement repérables. Auprès de Libé, le parquet d’Aix-en-Provence évoque ainsi un «sectionnement de lignes enterrées dans une zone boisée». Le parquet de Bar-le-Duc (Meuse) rapporte de son côté que «cinq câbles de fibre optique au niveau de quatre chambres (bouches d’égout)» à Contrisson ont été coupés. «Les bouches n’étaient pas verrouillées ; les plaques d’égout ont ensuite été jetées dans la Meuse», précise l’institution.

Free de son côté décrit un «incident réseau multi-opérateurs» et annonçait en début de soirée que le service avait été rétabli pour ses abonnés. L’opérateur fondé par Xavier Niel souligne que ces dégradations ont été repérées dans six départements : l’Aude, l’Hérault, la Marne, la Meuse, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. Du côté de SFR, on en évoque cinq : les Bouches-du-Rhône, la Drôme, l’Hérault, la Meuse et l’Oise. En de journée aussi, la filiale annonçait le rétablissement de la plupart de ses services. Le parquet de Paris, enfin, en mentionne quatre et cite des actes de malveillance relevés à Contrisson (Meuse), Capestan (Hérault), entre Catigny et Béhancourt (Oise) et entre Le Rove et l’Estaque (Bouches-du-Rhône).

Sur X, l’observatoire des coupures d’Internet NetBlocks confirme que «les données réseau montrent des perturbations chez plusieurs fournisseurs d’accès Internet en France». Le parquet d’Aix-en-Provence décrit lui «des perturbations conséquentes pour les usagers».

Auprès de Libé, SFR rassure toutefois sur l’ampleur de ces dernières pour ses clients. Sur l’ensemble des cinq départements où l’opérateur a constaté des dégradations, seuls 10 000 clients fixes et 20 antennes mobiles (sur les 27 000) sont impactés. La raison ? Si un câble est coupé, le réseau emprunte tout simplement un autre chemin. «Nous avons des solutions de redondance : quand la route qui va entre Lyon et Marseille est coupée, le réseau part sur une autre route», éclaire SFR.

Toutefois, comme le précise la filiale du groupe Altice, les fourreaux ayant été sectionnés contiennent également des fibres qu’elle vend à d’autres opérateurs, nationaux et internationaux. Tant et si bien que pour chacune de ces coupures «entre trois et huit opérateurs ont été impactés».

Alors que les épreuves de Jeux Olympiques de Paris se succèdent, les intentions derrière ces sabotages interrogent. Surtout, ils interviennent avec d’autres actes de sabotage. Dans la nuit précédant la cérémonie d’ouverture des Jeux, une antenne relais de téléphonie près de Toulouse avait été incendiée. A proximité, un tag «NO J.O.» avait notamment été retrouvé. Le même soir, des câbles de fibre optique garantissant la sécurité des conducteurs de la SNCF avaient été coupés et incendiés. Une source proche du dossier évoquait une opération «bien préparée» par une «même structure» que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin soupçonne lundi sur France 2 d’être «d’ultragauche». Au cours du week-end, un mystérieux message de soutien aux sabotages critiquant les JO avait été adressé à plusieurs médias. Pour chacune des affaires, l’enquête se poursuit.

Dans le cas des réseaux de fibre optique sabotés, le lien avec les JO ne semble toutefois pas être directement établi pour le moment. Auprès de Libé, le parquet de Bar-le-Duc (Meuse) rapporte que «un tag a été fait à la peinture orange directement sur le macadam ‘STOP CIGEO’, ‘KAMAKS LIBRES’». Le Cigéo, projet de stockage des déchets nucléaires, peut faire référence au projet consistant à enterrer 500 mètres sous terre des déchets radioactifs à Bure (Meuse). Un enfouissement faisant l’objet de contestations depuis deux décennies. «La CIC [cellule d’identification criminelle de la gendarmerie, ndlr] est sur place et a fait des prélèvements (morceaux de câbles, morceaux de cailloux avec de la peinture et prélèvements ADN sur grillage)», poursuit le parquet. Qui ajoute que «les investigations devront confirmer que le tag est concomitant aux dégradations». Les enquêteurs vont désormais consulter la vidéosurveillance présente aux alentours.

En fin de matinée, le parquet de Paris s’est finalement saisi de l’affaire. Une enquête a été ouverte pour «détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», «atteintes à un système de traitement automatisé de données en bande organisée» et «association de malfaiteurs en vue de commettre ces crimes et délits». «Les investigations sont confiées à la Sous-direction de l’anti-terrorisme (SDAT) et à la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)», ajoute le parquet.

Il y a deux ans, en avril 2022, une affaire similaire avait frappé les réseaux de SFR et Free. Une action coordonnée de vandalisme avait coupé l’accès à internet de Grenoble à Strasbourg, en passant par Reims et Gravelines. Les dégâts avaient été réparés après une journée de travail.

Mise à jour : à 19 heures, SFR annonce que ses services sont pour la plupart rétablis.

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Mise à jour du 31 juillet

BFM / mardi 30 juillet 2024

[…] De nombreux départements ont vu le réseau internet être fortement dégradé après le sectionnement de plusieurs câbles longue distance dédiés à la fibre optique, appartenant à SFR, mais mutualisés avec Bouygues Telecom et Free.

Si la situation est revenue à la normale après une journée intensive de réparations pour les opérateurs télécom, on connaît néanmoins l’ampleur des dégâts. Selon les informations de BFMTV, ce sont 195 relais qui ont été touchés par les huit dégradations qui ont eu lieu dans la nuit du 28 au 29 juillet.

Au moins 17 départements ont ainsi éprouvé des problèmes, allant de la coupure internet à une latence plus élevée que d’habitude, dont l’Oise, les Bouches-du-Rhône, la Meuse, la Drôme, l’Aude, l’Hérault, la Seine-et-Marne, l’Essonne, l’Ain, l’Allier, la Vendée, l’Ardèche, la Loire, la Creuse et le Lot-et-Garonne.

Si la plupart des abonnés n’ont plus de problème, il restait cette nuit trois dégradations en cours de rétablissement. […]

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