Berlin (Allemagne) : Contre la destruction de l’environnement, l’oppression et la guerre

Kontrapolis / vendredi 29 décembre 2023

Contre la destruction de l’environnement, l’oppression et la guerre – Du feu pour l’usine à béton de CEMEX

Inspiré.es par une série d’actions et de sabotages contre « le monde du béton », en France (2), en Belgique et en Suisse, aux premières heures du 27 décembre, nous avons rendu visite à l’usine à béton de CEMEX, sur le Schleusenufer, dans le quartier berlinois de Kreuzberg, et là-bas, avec le feu, nous avons retiré de la circulation plusieurs camions toupie et mis à l’arrêt le convoyeur, ainsi qu’un local technique.

Un champion parmi les destructeurs du climat

Le désert de béton et d’asphalte s’étend toujours plus. Rien qu’en Allemagne, ce sont 30 hectares de sol vivant qui sont ensevelis chaque jour sous le matériel de construction le plus demandé. Des routes, des places, des centres commerciaux, des complexes industriels et des maisons ; des parties énormes de la surface de la terre sont déjà cimentées et chaque année des projets d’infrastructures comme des barrages, des autoroutes, des ponts, des aéroports, etc. dévorent plusieurs milliards de tonnes de béton en plus.

Tout cela n’est pas sans conséquences. Le béton est considéré comme le destructeur du climat par excellence. Presque 10% du dioxyde de carbone que ce système rejette actuellement dans l’air provient de l’industrie du ciment. C’est presque trois fois celui émis par le trafic aérien. En même temps, la production de béton consomme d’énormes quantités de ressources. Le sable, en particulier, indispensable à sa production, est déjà rare aujourd’hui, c’est pourquoi partout dans le monde des littoraux et parfois des îles entières sont creusés. Avec des effets dévastateurs sur les écosystèmes environnants. De même, l’imperméabilisation des sols a des conséquences catastrophiques. Les espaces urbains se réchauffent toujours plus, alors que l’eau de pluie ne peut plus s’infiltrer dans la terre. Les nappes phréatiques ne se remplissent plus comme avant, ce qui, à long terme, entraînera une pénurie d’eau dans des nombreux endroits, ou l’a déjà fait. Les résultats sont d’une part l’aridité et la sécheresse, alors qu’ailleurs des fortes pluies, de plus en plus fréquentes, portent à des inondations et à l’érosion des sols. Bien pire encore, avec chaque mètre carré de béton en plus, des habitats et des sources de nourriture sont détruits. La perte de surfaces naturelles et le manque de végétation portent à une diminution de la biodiversité, ce qui a une influence sur des nombreuses populations d’animaux et de plantes et aura comme conséquence l’extinction de certaines espèces.

Dommage, le béton ne brûle pas

Le béton est devenu le symbole de toute une époque. Une époque où le capitalisme fête son expansion jusqu’aux derniers recoins de la planète et a coulé cette victoire dans le béton, sous forme de constructions monumentales dans les centres de pouvoir des métropoles. Par un réseau grandissant de routes, qui a d’abord ouvert la voie à l’exploitation et à l’utilisation des êtres humains et de la nature, le monstre du nom « civilisation » a bouffé le monde entier.

Mais, depuis toujours, il y a aussi de la résistance. Dans le sud du globe, où jusqu’à présent les répercussions du changement climatique se font sentir plus clairement et où la domination occidentale trouve son prolongement néocoloniale par l’exploitation des ressources et de la main-d’œuvre, il y a d’innombrables foyers de conflit. Des révoltes qui sont déclenchées par des menaces à l’existence, où des gens s’opposent par tous les moyens possibles à la destruction. Paradoxalement, de nos jours les origines de ces conflits sont souvent liées à l’ouverture de nouveaux marchés des technologies prétendument « vertes » et à la voracité en matières premières qui les accompagne. Si nous prenons pour cible ici les responsables de cette misère, nous le faisons aux côtés de tou.tes ceux/celles qui n’ont aucun autre choix. Car, pour beaucoup de monde, les seules alternatives à la résistance sont la fuite ou la mort.

C’est pourquoi il semble presque cynique que certaines parties du mouvement en défense du climat, dans ce pays, se distinguent surtout par leurs requêtes bien respectueuses au monde politique, celui qui nous a mis dans le pétrin et ne montre aucun intérêt à renoncer à ses privilèges. Ces activistes tombent dans le piège de vouloir plaire aux conceptions morales bourgeoises, avec leur profession de foi mensongère de renoncement à la violence. Cela n’a pas toujours été comme ça. Par exemple, pendant le mouvement anti-nucléaire des centaines de pylônes électriques ont été sciés, partout à travers l’Allemagne de l’Ouest, et les transports Castor [le combustible nucléaire usagé des centrales allemandes, qui a été portés à La Hague pour y être retraité et vitrifié, est ensuite baladé à nouveau à travers le continent, jusqu’à Gorleben, son lieux de stockage « définitif » ; NdAtt.] ont toujours été accompagnés par des sabotages de masse des infrastructures ferroviaires. Les protestations contre la nouvelle piste de décollage ouest de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main ou contre l’usine de retraitement des déchets nucléaires de Wackersdorf [deux importantes mobilisation écologistes des années 80 ; la première a été vaincue, tandis que la deuxième a atteint son but ; NdAtt.] étaient régulièrement accompagnées par des émeutes auxquelles participaient des milliers de personnes. Alors pourquoi maintenant, quand ils sont plus nécessaire que jamais, ces conflits sont-ils si conformistes et malléables ? Si nous voulons arrêter durablement la destruction de la terre par la machine industrielle, on ne pourra pas éviter la confrontation avec cette société qui est issue d’une exploitation impitoyable et a succombé à la foi aveugle dans le progrès. Dommage que le béton ne brûle pas.

Le sale business de l’or gris

Avec l’attaque à l’entreprise CEMEX, nous avons touché l’un des plus gros producteur de béton du monde. CEMEX Deutschland AG est rattachée à sa société mère CEMEX S.A.B. de C.V., dont le siège est à Mexique et qui dispose, dans le monde, de 64 cimenteries, de 1348 usines de béton prêt à l’emploi, de 246 carrières, de 269 centres de distribution et de 68 terminaux maritimes. L’entreprise participe à des projets d’infrastructures et de grandes constructions dans plus de 50 pays. C’est le cas de l’extension controversée de l’autoroute urbaine A100, à Berlin. Une tombe à 560 millions d’euros, que le gouvernement nous a refilé. CEMEX, avec la production et la livraison de 170 000 m³ de béton, est l’un des grands profiteurs de ce monstre, qui va maintenant ouvrir une tranchée au beau milieu de la ville et qui recrachera bientôt une avalanche de voitures près du parc de Treptow.

En plus de l’habituelle destruction de l’environnement, qui fait partie des activités quotidiennes de ce secteur industriel, CEMEX a une autre histoire à présenter, particulièrement sanglante, qui concerne le Proche Orient ; nous voulons la mentionner maintenant, alors qu’une guerre dévastatrice fait à nouveau rage à Gaza. En 2005, CEMEX a absorbé l’entreprise israélienne Readymix Industries, qui a fourni le béton pour le mur israélien et a participé à la construction de check-points militaires en Cisjordanie, comme ceux de Hawara et d’Azun-Atma. CEMEX gagne de l’argent avec la construction de colonies illégales et d’avant-postes en Cisjordanie et elle y exploite des cimenteries à Mevo Horon, Atarot et Mishor Edomim, ainsi qu’à Katzerin, sur le plateau du Golan. De cette façon, l’entreprise devient un larbin et un allié de la politique d’extrême droite de Netanyahou et de ses partisan.es clérical-fascistes dans les colonies de peuplement. Ces structures servent principalement un objectif : rendre impossible aux Palestinien.nes une existence digne dans cette région, par le biais de l’harcèlement, de la répression, de la violence et des expulsions, des choses que, dans les pires des cas, ils/elles payent de leur vie. Rien ne peut justifier la souffrance indescriptible que cette politique entraîne.

Cependant, nous nous garderons de vouloir comprendre cette guerre au Proche Orient selon un simple schéma en noir et blanc, entre le Bien et le Mal. Nous sommes dégoûté.es aussi bien par les bombardements atroces de l’armée israélienne contre la population civile de Gaza que par les massacres du Hamas. Même si cette lutte et le nombre des victimes sont très inégaux, il est affreux de vouloir faire les comptes pour comparer la souffrance des un.es avec la souffrance des autres. Au lieu de brandir « la seule opinion » correcte ou le seul drapeau qui serait exempt de contradictions, nous tournons notre regard vers ceux/celles qui tirent des profits économiques de cette politique de guerre et qui s’enrichissent avec le militarisme et l’oppression raciste. C’est aussi pour cela que nous avons attaqué CEMEX. Et nous le faisons avec la plus forte empathie pour la souffrance et la douleur des gens qui doivent vivre dans une guerre permanente et la militarisation croissante de cette région. Toujours du côté de ceux/celles qui combattent pour la liberté de tout le monde, partout. Au-delà de l’État, de la nation et de la religion, de leur frontières et armées meurtrières.

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