Nouvelle parution : TAKAKIA #1 Rugissements contre la société techno-industrielle

reçu par mail / dimanche 7 janvier 2024

Une nouvelle revue vient de voir le jour. Voici l’annonce, le sommaire, un article et les modalités de contact. N’hésitez pas à nous contacter
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bonne lecture,
l’équipe de Takakia

TAKAKIA. Rugissements contre la société techno-industrielle

#1 (hiver 2023-204) – 74 pages – prix libre
takakia@riseup.net
takakia.blackblogs.org

Au milieu de la tempête Anthropocène. Les feuilles se déchirent et s’envolent à tout va. Les mots se déchainent, cherchent à valser une danse fougueuse, la folle avoine au rythme des bourrasques. Exprimer ce qui pousse, vit et meurt, un pic inaccessible. La sensation de l’insaisissable nous monte sur le dos, une approche furtive où les lettres se dissipent à chaque pas. Et pourtant cette tentative. Pour que les mots surgissent, font leur chemin dans les débats, inspirent un regard, soufflent du silence. Se transforment et deviennent courage pour affronter cette société mortifère qui, elle, peut être tout à fait cernée.
Une revue à son début. Des pas chassés qui laissent peut-être un arrière-goût de « pas assez ». Jamais complètes, ces pages nous hantent et ne nous lâchent plus.

SOMMAIRE

ARTICLES ET RECITS
Takakia. Résistance libre et sauvage
En temps d’écocide. Quelques interrogations contemporaines pour l’agir
anarchiste.
Zone blanche
De nouvelles technologies peuvent-elles sauver la planète ? Poser la
question au cachalot.
Hydrogène. Le cheval de Troie de la transition énergétique.
Vert ancien. Mousses, climat et le temps profond
Entrer en résistance
Marrichiweu. Les combats farouches des rebelles mapuche
Sur les traces de Leftraru. Récit de l’attaque contre l’héliport de
l’entreprise forestière Arauco
De l’autre côté de la nature

RUBRIQUES
Résistances hexagonales
Lure en résistance
Au commencement de tout béton, les gravières
Barrer la route au barrage
Pipistrelle contre tractopelle : l’A69 ne passera pas
Interview avec une pipistrelle de passage dans le Tarn
La relance de l’atome
Journée d’action contre l’agro-industrie
400.000 Volts au fond du Golfe de Gascogne ?
Alerte à la bombe, l’aéroport de Caen à l’arrêt
A Grenoble, le décalage du tout symbolique

Aguérissement
Se renforcer : conseils par temps froids

Mauvaises herbes
Cueillette hivérnale : racines de Pissenlit et de Bardane

Contes
Ainsi nous leur faisons la guerre. Épisode 1.

Recensions
L’homme-chevreuil : sept ans de vie sauvage
La tentation écofasciste : écologie et extrême droite
Le chant du cygne : saborder la société industrielle

Feuilleton
Le stagaire. Épisode 1.

ANNEXES
La Gazette. Dépêches de la résistance férale

 

Sur le plateau tibétain, au nord des géantes de l’Himalaya, une plante rare s’accroche aux falaises granitiques glacées, témoins robustes du Jurassique. Sur le toit de la planète, les pousses vertes de cette plante restent proches du sol, dépassant rarement l’épaisseur d’un doigt, et ses feuilles sont minuscules. Très rare, son vert vif et
éclatant n’a été observé que par peu d’humains. Le nom vernaculaire en japonais, nanjamonja-goke, reflète bien la résilience hors commune dont fait preuve cette plante : la « mousse impossible ». La mousse Takakia, est le plus vieux genre taxonomique de plantes connu. Elle a probablement 390 millions d’années, plus vieille que le supercontinent Pangée qui a commencé à se séparer il y a 200 millions d’années pour former les continents tels que nous les connaissons aujourd’hui. Si Takakia est particulièrement âgée, les mousses (« bryophytes ») sont parmi les plantes les plus vielles sur terre. Leur résilience, leur capacité d’adaptation et d’évolution sont tout simplement uniques, ce qui les rendent capables de prospérer presque partout : dans les déserts les plus secs comme dans les forêts luxuriantes, sur les collines de l’Antarctique balayées par les vents et
aux sommets des montagnes. Contrairement aux autres plantes, les mousses n’ont pas de véritables racines, elles s’accrochent à l’aide de fins cheveux à la surface. Elles
ne puisent pas de minéraux et ni de nutriments du sol, mais absorbent l’eau dans l’atmosphère qui en contient très peu. Sorties des mers et arrivées sur le sol, leur absorption du CO² et sa restitution en oxygène a rendu l’atmosphère adaptée aux évolutions du vivant tel que nous le connaissons aujourd’hui. Si des fossiles de plantes ont été retrouvés qui sont plus âgées que la mousse Takakia, sur l’échelle de millions d’années que parcourt l’évolution des plantes, il y a quand même lieu de la considérer comme faisant partie de ces pionnières du vivant. Elle pourrait bien être la plante avec la plus rapide capacité d’adaptation aux conditions climatiques, sans pour autant changer sa morphologie. Elle partage cette résilience avec les autres mousses, capables de survivre à des longues périodes de sécheresse, et même à un manque total d’eau, pendant des dizaines d’années. De même, elles ont une formidable capacité à développer d’importantes symbioses et coopérations avec d’autres plantes.
Dans le monde moderne, les mousses, pourtant si fondamentales pour le vivant, ont été relégués au décor. A proximité de la présence humaine, elles font souvent l’objet d’une impitoyable guerre chimique afin de les expulser du pavé et du béton, des cadres, des fenêtres et des seuils de portes. Est-ce que ce serait une coïncidence que dans les imaginaires de villes en décrépitude, dans des rêves de la chute de la société industrielle, les mousses – plantes porteuses de vie et résilientes face aux pires pollutions et radiations – sont parmi les premières à recouvrir les ruines des usines et des métropoles, des autoroutes et des déchetteries ? Dans la revanche de la nature, les mousses avancent. Et avec elles, la vie non-domptée, le sauvage, la farouche, le rudéral.
Chez nombre de peuples autochtones, les mousses ne font pas l’objet de la même déconsidération des humains ou du seul regard d’une minorité de scientifiques et de naturalistes comme dans la société industrielle. Elles font partie de nombreux mythes sur l’origine du monde et enseignent beaucoup sur le sol et l’eau, l’air et les nutriments à celles et ceux qui étaient attentifs aux murmures et aux rugissements de la nature. Une botaniste autochtone de la nation Pottawatomie explique justement que ce qui différencie le regard moderne des connaissances des peuples autochtones, c’est peut-être surtout cette question d’attention, d’être attentives à ce qu’une plante, une roche, un animal nous
raconte. « Les mousses », dit elle, « rendent le temps visible. Elles ont été les premières plantes à recouvrir la Terre. Je ne serai pas surprise qu’elles soient aussi les dernières. » Takakia a survécu à au moins quatre extinctions massives dela faune et de la flore, toutes dues à des changements climatiques. Ce n’est pas la première fois que les mousses voient les glaciers fondre. Mais aujourd’hui un défi autrement plus grand se dresse devant la mousse impossible. Elle a été capable de s’accommoder aux conditions les plus extrêmes sur la planète. Elle a été soulevée lors de l’ascension tectonique de l’Himalaya pendant la formation des continents. Désormais, sa résilience est mise à rude épreuve par la crise écologique totale qu’est la société industrielle. C’est ce que Takakia sur le plateau tibétain raconte aux humains qui sont allés la trouver : d’année en année, son combat se durcit, mais sa résistance ne faiblit pas. Elle recule, mais elle se bat, inlassablement. Takakia marque une ligne de démarcation : résistance et liberté ou soumission et agonie. Le souvenir des mousses qui ont verdi la planète et ont donné naissance à tout ce qui vit et croît à la sortie de chaque ère de cataclysmes n’a pas été effacé. Aasaakamek, celles qui couvrent la terre. Aujourd’hui, cette force viscérale vient nourrir le fabuleux rêve de les voir couvrir les ruines industrielles de l’Anthropocène. Chaque pousse de Takakia rappelle le défi actuel : œuvrer à la chute de la société industrielle ou périr avec elle ; résistance libre et sauvage ou soumission morbide.

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