Béthune (Pas-de-Calais) : Ils essayent de se faire la belle à l’ancienne

La Voix du Nord / samedi 24 juin 2017

Le 2 mai vers 3 h, une ronde de surveillants de la maison d’arrêt met fin à la tentative d’évasion de trois jeunes détenus.
Prévenus par le « voisin du dessous », qui a vu pendre une corde artisanale par sa fenêtre, les fonctionnaires découvrent que les occupants de la cellule 218, au deuxième étage, ont descellé plusieurs briques du mur extérieur à l’aide d’un pied de table en fer, creusant un trou «  grand comme un écran de télé  ». Le trio avait creusé un trou dans le mur et projetait de descendre à l’aide d’une corde de fortune dans la cour, dix mètres plus bas.
Le trio aurait prévu de descendre les dix mètres de façade en rappel à l’aide de draps coupés en lamelles et noués ensemble, sans trop savoir comment escalader ensuite le mur d’enceinte.

Vendredi devant le tribunal de Béthune, Henri D., 19 ans, incarcéré depuis août 2016, revendique avec aplomb être le « cerveau » de l’opération.
Sa motivation ? La veille, il s’est «  embrouillé  » avec les surveillants pour une histoire de tabac. Il refuse en revanche de préciser le rôle de ses acolytes. Son attitude goguenarde agace la présidente Virginie Vasseur : «  Changez de ton ou je vous fais évacuer !  » Un «  vous commencez à me saouler  » plus tard, c’est chose faite.
Le tribunal se retrouve face à Maurice G., 21 ans, et Jimmy L., 20 ans, beaucoup moins bravaches. Le second, guetteur de luxe – il confirme avoir aussi donné des coups dans le mur et aidé à dégager les gravats –, aurait confié à ses codétenus ses doutes de pouvoir atteindre le sol.
«  Il vous a vraiment prévenus ?  », s’enquiert la présidente. «  Oui mais on voulait sortir  », répond G. .Lui a déclaré lors de son audition qu’il voulait «  rejoindre sa copine  ». Tous deux parlent d’un «  geste regrettable  ».
Face à ce «  projet concerté  » et aux dégradations subies par la cellule, le procureur Franck Janeczek «  ne peut pas se montrer clément  » envers G. et L., «  deux prévenus ancrés dans leur délinquance  », ni envers D., dont «  le palmarès s’est étoffé de quatre peines d’emprisonnement  » en février et mars. Il requiert 10 mois ferme contre D. et G. et 8 mois contre L..
Au nom de leurs «  parcours difficiles  » – ballottés de familles d’accueil en foyers en passant par un internat belge «  à l’ancienne  » –, leur avocate Lucie Tellier demande des «  peines moins importantes  » pour G. et L. .
Le tribunal l’a entendue : Henri D., qui n’a pas d’avocat, écope de dix mois ferme ; G. et L., de six mois ferme.

On peut parler d’obstination.
Vendredi, le jugement de la tentative d’évasion du 2 mai prononcé, Maurice G; reste dans le box. Il doit répondre de nouvelles dégradations et d’outrages envers un surveillant.
Après quinze jours de quartier disciplinaire, G. intègre une autre cellule de la maison d’arrêt. Le 22 mai, un surveillant le voit creuser un trou dans le mur avec un pied de table. Le lendemain à 8 h 30, ses collègues sont accueillis fraîchement.
«  Je l’ai trouvé énervé, il n’appréciait pas qu’on vienne voir les dégâts, raconte l’un d’eux au tribunal. Il a dit : «Je vais en péter un». Au moins quatre ou cinq briques étaient endommagées et il avait tenté de s’évader quelques semaines plus tôt.  » Menottes, retour au mitard. «  Sur le chemin, il m’a menacé de me taper et a tenté de me mettre trois coups de boule  », reprend le surveillant, qui se constitue partie civile.
Son avocat Sébastien Habourdin demande 800 € au titre du préjudice moral et 600 € pour les frais de justice.
G. reconnaît les outrages mais pas les dégradations, bien que son codétenu confirme que la cellule était intacte avant son arrivée.
Le procureur Franck Janeczek a «  du mal à comprendre son comportement. Les détenus doivent respecter le règlement et les agents de la pénitentiaire. On peut se demander s’il ne cherchait pas à nouveau à s’évader  ». Il requiert 4 mois ferme.

Le tribunal le suit. Malgré l’appel à la clémence de son avocate Lucie Tellier, G. rempile donc pour 4 mois. Il devra verser 500 € au surveillant au titre du préjudice moral et 500 € de frais de justice. Le tribunal y a ajouté 127 € de frais de procédure.

Ce contenu a été publié dans Anticarcéral, Evasions, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.