Athènes (Grèce) : Incendie du poste de police d’Exarcheia

Dark Nights / samedi 12 février 2022

Nous revendiquons l’attaque incendiaire contre le poste de police d’Exarcheia, le 4 février 2022. L’attaque a été menée par un groupe de compas qui, doté.e.s des armes de la camaraderie et de l’organisation, ont défié l’État policier et ont réussi à démolir le mythe de toute-puissance que la police cultive systématiquement dans ce quartier. Nous avons attaqué le poste de garde et l’entrée de la station de police avec plus de 10 cocktails Molotov et les flics sont sortis dans une fuite désordonnée.

Quelques mots sur la situation générale

La gestion tragique de la pandémie, les changements radicaux qu’elle a entraîné et les évolutions de cette période sont révélateurs de ce qu’elle a apporté à la base de la société. Inflation, pauvreté, pénuries dans l’accès à l’énergie, décès quotidiens dus au Covid-19, qui ont déjà atteint les 24 000 mort.e.s : voilà les résultats de la gestion capitaliste, qui a pour le but la restauration de la rentabilité du capital.

En même temps, au contraire de ce que le gouvernement dit, la réduction indirecte des salaires et la dégradation toujours plus importante du Service sanitaire national enfoncent de plus en plus la base de la société dans la misère. D’autre part, le cynisme des gouvernants se reflète dans leurs déclarations, qui montrent leur niveau d’indifférence par rapport aux vies des pauvres.

Les récentes déclarations de Mitsotakis : « nous avons peut-être eu 16 000 morts, mais nous avons sauvé le tourisme », l’aveu de Plevris [Thános Plévris, ministre de la Santé ; NdAtt.] : « nous n’avons pas de communisme et tout ce qui est commandé est payé » et la réflexion de Skertzos que c’est un luxe de soutenir le Service sanitaire national ne laissent pas de place au doute.

Pendant que le ministre du Développement, Adonis Georgiades, annonce la fin de la pandémie, des patient.e.s continuent de mourir dans les lits et le personnel médical et infirmier, en sous-effectifs, s’écroule sous sa charge de travail.

Et bien entendu nous ne pouvons pas oublier les vraies victimes de la pandémie, celles/ceux qui sont tombés malades et sont mort.e.s dans des unités de soins intensifs ou ailleurs, ainsi que ceux/celles qui ont été obligé.e.s d’arrêter leurs traitements et leurs hospitalisations parce qu’ils étaient « de trop ».

Les mesures de protection inexistantes, sur les lieux de travail et dans les transports en commun, et la réduction des jours de quarantaine pour les malades (en faveur des bénéfices des patrons) ont été décisifs pour nous amener à un mois de janvier meurtrier, avec 2 710 mort.e.s.

La gestion répressive de la pandémie, dès le premier jour, nous a rapidement montré que le seul terrain d’investissement, pour l’État grec, est celui de la contre-insurrection préventive. Le recrutement de flics, l’achat sans regarder à la dépenses d’équipements et de véhicules, les frais incalculables en « équipement de défense » indignent la société, à cause de l’audace et de l’arrogance du pouvoir d’État.

Dans toute cette situation de pauvreté croissante et d’offre de main-d’œuvre bon marché, l’État grec contribue aux aspirations impérialistes de ses alliés, en réclamant des récompenses toujours plus grandes pour le capital national.

L’achat d’avions de chasse Rafale et les préparatifs pour l’envoi de troupes au Mali et au Sahel, en Afrique, pour supporter les troupes françaises, prouvent, en plus de la promotion géostratégique de l’État grec, que le gouvernement grec est prêt à s’engager dans un éventuel bain de sang au profit de l’UE et des alliés de l’OTAN.

Cependant, les victoires prometteuses, ces derniers mois, des travailleur.se.s de la livraison de nourriture via internet et chez l’armateur Cosco, à l’occasion de la mort de l’ouvrier Dimitris Dagklis, ainsi que la grève offensive à Kavala Oil, après des licenciements, avec la répression brutale de la part des flics, annoncent un avenir d’intense guerre de classe.

Du coup, dans un monde de crises continues et incessantes, les luttes qui sont en train d’éclater en Europe et en Amérique latine, jusqu’au soulèvement populaire armé au Kazakhstan, montrent la voie.

Il y a là un monde qui lutte, dans l’opposition fondamentale entre capital et monde du travail, contre l’exploitation de l’homme par l’homme, contre le fascisme, l’homophobie et le patriarcat.

Et si à certaines personnes ces luttes semblent lointaines, les luttes offensives pour la satisfaction de la demande du militant Dimitris Koufondinas, ainsi que les événements insurrectionnels de Néa Smýrni sont là pour leur prouver le contraire…

Pour Exarcheia…

L’écrasement de la résistance dans le quartier d’Exarcheia est un désir ardent, pour les autorités. La répression policière, le trafic de drogue et le capital sont les aspects principaux de l’attaque contre les parties les plus pauvres du quartier : les immigré.e.s, le mouvement révolutionnaire et les jeunes.

Il y a deux décennies, dans ce quartier ils ont déjà essayé de privatiser la colline Stréfi et de « réaménager » la place Exarcheia, cela avec des résultat peu positifs pour le gouvernement de l’époque. Les différentes résistances et mobilisations du mouvement et de la communauté locale avaient réussi à faire annuler les investissements et avaient obligé le gouvernement et le capital privé à une retraite désordonnée.

La tenue d’événements politiques, sociaux et culturels sur la colline et sur la place, le sabotage de machines appartenant aux entreprises privées qui ont investi la place Exarcheia, les attaques contre les dealers, les manifestations de masse organisées sur place et les attaques contre des cibles policières ont créé un environnement déstabilisant pour les investissements et favorable aux intérêts de la classe ouvrière et du mouvement subversif. Le repli de l’État et du capital et le terrain gagné par les forces sociales/de classe ont bâti les conditions pour que le quartier garde son caractère militant et de classe et qu’il devienne, quelques années plus tard, le point de référence du plus grand soulèvement de la Grèce de l’après-dictature.

Ce sont les résistances sociales et de classe qui, au fil du temps, ont déterminé le caractère du quartier, transformant Exarcheia en un point de référence pour le mouvement anarchiste et subversif.

Et, au fil du temps, l’État a utilisé ses tant utiles forces de réserve – les trafiquants de drogue – pour écraser la résistance et regagner l’hégémonie.

Depuis les années 90, dans ce quartier les trafiquants de drogue sont les gros bras de la police, car les transactions, le deal et l’échange d’informations sur le mouvement et les militant.e.s sont pour l’État un moyen stratégique de s’infiltrer dans ce secteur. En plus de cela, le commerce et la consommation de drogue ont été un facteur de pacification pour une grande partie des jeunes qui fréquentaient Exarcheia, en jouant un rôle en tant que condition addictive/répressive, qui va à l’encontre d’une perspective de politisation.

De plus, la transformation délibérée de ce secteur en un énorme marché de la drogue à ciel ouvert, devenu gigantesque pendant le gouvernement SYRIZA/ANEL, a été un autre aspect de la stratégie de l’État et du capital pour neutraliser les résistances qui s’y développent.

L’hégémonie de la mafia (l’État) dans le quartier et l’imposition de la peur ont façonné les relations sociales de sorte que, « comme prévu », la « demande » de plus de sécurité s’est développée, parmi une partie des habitant.e.s. L’État a réussi à réduire les caractéristiques progressistes et libertaires, un des traits du quartier et sa bannière le long des années qui ont suivi la fin de la dictature.

Le départ forcé d’habitant.e.s à cause de la violence indiscriminée et incontrôlée des guerres entre trafiquants de drogue, les portails en fer des immeubles d’habitation qui ont remplacé l’« ouverture » et la solidarité, la peur et la soumission aux plus forts, les viols qui ont eu lieu dans le secteur, combinés à l’indifférence générale d’une partie du mouvement face à ces phénomènes, ont laissé de l’espace à la répression et du terrain à la contre-insurrection.

En même temps, le capital investissait massivement dans le secteur, en prévision de son déclin, de façon que la « demande de plus de sécurité » puisse rencontrer la « nécessité du développement capitaliste ». La rhétorique utilisée par les capitalistes eux-mêmes, lorsqu’ils font référence à ce secteur, n’est pas fruit du hasard.

Prodea Investments, une société leader dans le domaine immobilier, déclare : « dans les dernières années, cependant, la dégradation du centre-ville a entraîné aussi le déclin de la colline Stréfi. L’abandon et l’indifférence ont transformé ce qui autrefois était un poumon vert en un endroit dangereux ».

Il est clair que, pour réussir, le développement capitaliste rapide de la zone doit mettre fin à la résistance et supprimer ceux/celles qui – malgré l’époque – continuent à lutter.

Les passages à tabac de militant.e.s, les arrestations pour des affiches, l’expulsion de squats, la transformation de ce quartier dans le secteur d’Athènes où la présence policière est la plus forte montrent que le capital ne « négocie » plus son hégémonie.

Des investissements dans le marché immobilier qui se chiffrent à de milliards d’euros, de la part de Chinois, d’Israéliens et autres ordures de l’élite locale et internationale, le prêt/financement de 730 millions d’euros de la part de la Banque européenne d’investissement, pour la construction de la ligne 4 du métro d’Athènes, la privatisation de la colline Stréfi par Prodea imposent l’écrasement de la résistance sociale et de classe, ainsi qu’une forte augmentation des loyers et des expulsions locatives.

Le massacre de classe qui se déroule dans le secteur d’Exarcheia, avec la tentative de le transformer en un environnement historiquement et politiquement déshumanisé, en un « parc d’attraction alternatif » dans lequel une idéologie « apolitique » déterminera les relations politico-sociales, voilà l’environnement que le capital recherche, afin d’obtenir une rentabilité sans résistance.

La fin du libre accès à l’Université polytechnique, la transformation de la place historique en un chantier, la tentative de destruction du monument au lycéen anarchiste A. Grigoropoulos pour construire des logements de luxe dans la rue Mesolonghiou, tout cela impose l’oubli à la place de la mémoire. Cela impose la démonstration de la domination policière et du pouvoir judiciaire, à la place de la projection de la pensée et de la perspective anti-autoritaire, vaincue.

Nous devons transformer, dans un avenir proche, notre quartier en poudrière, un environnement inhospitalier pour les investisseurs et leurs larbins. Nous devons renforcer les initiatives de lutte qui existent dans ce secteur et y transférer nos initiatives politiques. En même temps, nous devons reconnaître et nous opposer aux chois politiques assimilationnistes qui transforment Exarcheia en un quartier de divertissements, donnant ses caractéristiques politiques en otage à l’idéologie du profit et à la culture dominante.

Inspiré.e.s par les luttes des décennies précédentes, qui ont réussi à faire barrage aux plans du milieu des affaires visant à pacifier le quartier. Inspiré.e.s par la lutte contre l’État, contre les mafias de la drogue et contre le cannibalisme social, ainsi que par l’abnégation montrée par les compas qui affrontent un adversaire parfois impitoyable et incontrôlable, qui incarne les instincts autoritaires et patriarcaux les plus sauvages.

Reprenons le flambeau des hostilités contre les forces de police, qui ont eu lieu dans le secteur pendant les premiers mois qui ont suivi l’élection de Néa Dimokratía, inspiré.e.s par la rupture de la « zone rouge » en décembre 2020, lorsque des centaines de militant.e.s ont défié une répression extrême. Reprenons le fil des luttes à partir de la grande manifestation du 6 décembre 2021 et de la réoccupation du bâtiment Gini [un lieu squatté à l’intérieur de l’Université polytechnique ; NdAtt.].

Nous déclarons que nous considérons Exarcheia comme notre quartier et que nous sommes déterminé.e.s à ne pas l’abandonner aux flics, aux dealers et aux grands investisseurs, coûte que coûte.

 

P.S. Une fois de plus les journalistes se sont montrés dignes de saisir l’occasion de déformer les faits et indignes de servir la vérité. Ça aurait été intéressant qu’ils informent les téléspectateur.trice.s sur le nombre de forces de police et leur localisation autour du commissariat d’Exarcheia, lors de notre attaque, et de ce qu’elles n’ont pas fait.

P.S. Liberté pour le combattant Polykarpos Georgiadis.
Solidarité avec les compas qui sont poursuivi.e.s dans la même affaire (le procès aura lieu le 14/02).

Libération immédiate du compagnon Haris Mantzouridis.

Liberté pour le compagnon Mario Seisidis.

Mémoire révolutionnaire

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