Grèce : Communiqué de l’anarchiste Giannis Michailidis

Le Monde Libertaire / lundi 11 octobre 2021

Communiqué de l’anarchiste Giannis Michailidis devant le tribunal suite aux arrestations à Agia Paraskevi (Extraits)

02.07.2021.
Une fois de plus je me retrouve devant un tribunal dont je n’accepte pas qu’il juge mes décisions et mes actes. J’ai déjà exposé mes positions sur l’État, le capital, l’ordre établi d’inégalité et d’esclavage et d’exploitation généralisée des personnes et de la nature, la transformation progressive de la planète en une immense prison pour tous les êtres vivants. Je me suis opposé aux lois qui sont le soutien d’un ordre étatique meurtrier, aussi bien dans les textes que dans les faits. J’ai tâché d’être cohérent avec ma position face à la loi et à l’ordre à chaque fois que j’ai été traîné sur le banc des accusés par les organes chargés de son application, en ne participant pas au processus hypocrite de chaque procès qui cherche toujours à valider le contrôle de l’État sur la vie et la liberté.

J’ai payé le prix de mes choix : près de 8 ans de ma vie dans les établissements pénitentiaires, qui sont le cœur du panoptique social, la peur pour discipliner la société et l’outil de reproduction du crime en termes d’intégration à l’économie obscure du capitalisme. Là où au nom de la loi, l’injustice généralisée règne. Là dans la zone grise où l’on brise les os et les esprits des personnes pour les jeter moralement et économiquement en mille morceaux et qu’elles n’aient pas d’autre choix que d’alimenter la monstrueuse machine pénitentiaire de leur désespoir. Fournissant ainsi le parfait alibi pour la prétendue nécessité de la loi et la construction de l’état de la société. Évidemment, les abus, s’ils sont révélés, sont qualifiés d’incidents isolés, alors que ce sont des éléments structurels du système et qu’ils se produisent sous le contrôle ou la supervision de divers fonctionnaires et serviteur de l’État, des corrompu.e.s et des gens qui les tolèrent passivement pour ne pas risquer leurs postes ou leurs carrières. Et tout ceci est arithmétique pour l’élite judiciaire : compter machinalement les jours, les mois et les années de prison sans avoir conscience de ce que leurs choix impliquent. Ou, pire encore, le temps passé en prison dépend la plupart du temps des pressions auxquelles est soumis le juge ou du bénéfice financier que la personne lui rapporte. Si elle a de quoi se payer un avocat de confiance avec de solides relations et suffisamment d’argent pour la caution, elle ne pourrira pas en prison comme les pauvres sans moyens financiers qui tombent entre ses griffes. Si vous êtes un policier et que vous tirez sur un enfant, votre condamnation à perpétuité sera cassée. Si vous êtes un gardien de prison et que vous tabassez un prisonnier, vous écoperez tout au plus de quelques mois de prison. Si vous êtes un anarchiste, un ennemi du régime, vous n’aurez pas un jour de liberté. Ce système profondément divisé en classes sociales et fondamentalement injuste, l’élite judiciaire aura l’audace de l’appeler Justice.

Je prends donc position contre la Justice autoproclamée et ses fonctionnaires, qui m’ont traité en ennemi. Jusqu’à ma précédente arrestation j’ai choisi de garder le silence sur les charges retenues contre moi, ce qui a eu pour conséquence de me condamner y compris pour des actes que je n’avais pas commis. … Néanmoins, même si je n’ai aucune envie de donner des explications à propos de mes actes, ma vie ou mes relations à une institution étatique, je me vois contraint, face à un État qui séquestre ma compagne en prison pour se venger et faire du chantage, à éclaircir quelle a été sa seule participation dans cette affaire…
Ce dont vous m’accusez est une insulte : une présumée organisation criminelle avec des rôles hiérarchiques, dont je serais même le chef, est contraire à mes valeurs, aux relations sociales anarchistes que je cherche à promouvoir et à ma façon d’agir en tant qu’être humain….
Quelques jours avant mon arrestation, j’avais repéré à certains indices que je pouvais être sous surveillance de la police et j’avais décidé d’y échapper en abandonnant mon refuge. C’est pourquoi j’ai volé le RAV 4 et fabriqué de fausses plaques d’immatriculation…

La prétendue résistance de notre part, appréhendés par surprise et en infériorité numérique est pour le moins ridicule. Tout ce qu’il y a à en retenir c’est la tendance de la police à gonfler les dossiers de faits inventés…

Quant à l’accusation d’évasion, je suis fier d’avoir rompu les liens de ma captivité de façon radicale. Je dois dire cependant que mon évasion, organisée en moins de 12 heures, était la réponse à une affaire imaginaire de grève carcérale, sans preuve ni témoin, qui aurait eu pour conséquence de mettre un terme à mes permissions, et rallonge mon séjour en prison d’un an, ce que je n’étais pas disposé à accepter passivement, d’où mon choix de vivre une vie de chasse poursuite plutôt que d’humiliation.

En ce qui concerne l’accusation d’organisation criminelle, je me suis déjà positionné. J’ajouterai qu’une organisation criminelle avec des rôles différenciés et une structure hiérarchique, c’est bel et bien le système politico-judiciaire qui torture et emprisonne des milliers de personnes pour imposer le monopole de la violence étatique.

Si on cherche un trafic d’armes lourdes, il suffit de se reporter au trafic transnational d’armes destiné au massacre de populations entières, dans lequel l’État grec est trempé jusqu’au cou. Autre exemple, les missiles de dernière génération vendus par la Grèce à l’Arabie Saoudite, un pays où violer des mineures est appelé mariage légal. Et qui s’est servi des missiles filés par l’État grec pour bombarder le pays le plus pauvre du monde, le Yémen, afin de détruire ses infrastructures et d’affamer des millions de personnes. Il va sans dire qu’aucun ministre ne sera traîné devant les tribunaux. Les assassinats de masse et le trafic international d’armes lourdes sont des activités parfaitement légitimes. Si, évidemment, le possède trous pistolets vieux de plusieurs décennies, on les appelle armes lourdes et cela me mène en prison ainsi que toute personne de mon entourage. Mais telle est l’essence des lois, protéger les puissant.e.s de la révolte de la base de la pyramide sociale.

Quant à l’accusation de vol, je la retourne à toute banque puisque leur existence est fondée sur l’accumulation de richesses et le creusement des inégalités sociales. La banque vole, moi j’ai redistribué la richesse.

Enfin, j’ai envie d’accuser de vol tout policier dont la profession est d’appréhender les gens, les torturer et les mener les fers aux pieds dans les cachots de l’État, où l’on détruit des vies entières. Pour les personnes [comme moi] qu’on accuse de ne pas accepter que la terre soit transformée par les États en un vaste abattoir, de chercher d’autres modes de vie hors captivité généralisée, il y a des moments dans la lutte comme celui-ci [devant le tribunal] où elles peuvent accuser en retour leurs persécuteurs et rompre l’image qu’ils projettent de la réalité, un monde à l’envers qui s’est imposé comme seule vérité.

 

Traduction de l’espagnol [Anarquia.info] :  Monica Jornet Groupe Gaston Couté

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