Italie : Un petite histoire non édifiante

Malacoda / mardi 27 juillet 2021

Les anarchistes lisent beaucoup et écrivent encore plus ; peut-être que c’est à cause d’un excès de culture livresque qu’on parle tout le temps, à tort e à travers, d’éthique, même lorsqu’on a du mal à la comprendre et on oublie de l’appliquer dans la vie de tous les jours. Et… quand on se rend compte de cet erreur, on écrit à nouveau des pages et des pages (il n’est pas clair si celles-ci sont destinées à une utilisation privée ou à un public sélectionné), remplies à craquer de rectifications qui sont encore plus bancales et hypocrites que les déclarations faites au tribunal, quand elles ne sont pas comiques à cause de leurs laborieuses contradictions.

Ça ne m’amuse pas de jouer les moralisateurs, enfermée dans ces quatre murs, mais, étant donné que certains silences risquent d’être remplis par les bavardages d’autres personnes, je pense qu’il faut faire face à un curieux phénomène d’inversion du sens et des référents du discours, quelque chose qui remonte à il y a deux ou trois ans et qui n’a jamais été clarifié.

A l’occasion de l’une des nombreuses procédures répressives contre des anarchistes, les inculpés, en taule depuis un mois, ont décidé, comme stratégie défensive, de faire des déclarations volontaires, qui ont été présentées au juge des libertés en février 2019.

Sans rentrer dans le fond des contenus, la première incohérence est que ce choix est caché aux compagnons, au mouvement (…cette entité mystérieuse, à laquelle nous tous faisons quand-même référence), ce qui fait que quelqu’un a donc affiché ses opinions politiques et « éthiques » (avec tous les guillemets nécessaires) à propos des pratiques d’attaques, des modalités de se relationner et des différents domaines d’intérêts des mouvements… seulement devant les juges.

Bizarre, n’est-ce pas ?

Dans ma croyance naïve en la droiture de ceux qui font partie de ce mouvement, j’ai grandi en entendant un refrain diffèrent, quelque chose de simple : qu’on discute entre nous, même de manière farouche, mais qu’on laisse l’escrime ou le couperet en dehors des tribunaux.

Au contraire, la morale de cette histoire est différente, plus dans l’air du temps.

Et une fois que les dégâts sont faits, si quelqu’un s’en aperçoit, on va essayer d’arranger ça, de manière différente selon l’interlocuteur à qui on a affaire.

J’ESPÈRE DE M’EN SORTIR

La boussole « éthique » dont on parle tant devint un poids inutile, quand on louvoie en essayant de se maintenir à flot.

L’« attitude prudente » à posteriori, « dans le but de ne pas empirer l’erreur en ajoutant des mots utiles à la répression », fonctionnelle au fait de ne pas discuter publiquement des arrangements successifs causés par le fait qu’on a choisi de dialoguer avec des représentants de la répression, a l’air particulièrement maladroite et grave. Le fait de ne pas vouloir étaler tout ça sur internet, quand on l’a déclaré au tribunal, est un renversement de valeurs évident.

Le fait qu’un tel louvoiement entre des accusations à récuser avec indignation et la défense de sa propre conscience immaculée soit appelé « cette ligne fluctuante entre le technique [dans le sens de « défense technique » ; NdAtt.] et le politique » ou encore affirmer que, dans le secret du confessionnal-tribunal, on n’aurait fait que des « déclarations de principe », tout en se libérant au passage d’un poids, ne fait que démontrer à quel point est vacillant, molle comme de la gélatine, le fondement sur lequel s’appuie l’action « politique » de certaines personnes.

LES HYPOCRISIES SUR LA SÉCURITÉ

En cette époque de police de la pensée, je crois que nous sommes tous (ce qui fréquentent les mouvements de lutte et, par conséquent, aussi les tribunaux) conscients du fait que le pouvoir nous fait payer nos idées et la solidarité entre compagnons avec des années de vie volée et que souvent les opérations policière ont lieu, plutôt qu’à partir de délit précis, à partir de l’examen que la police effectue des positions exprimées sur des journaux et des publications, à partir des expressions de solidarité, de la vivisection qu’ils opèrent de nos rapports humains.

Au vu de tout cela, on rappelle souvent qu’il faut faire attention, qu’il faut prendre en compte le sens de chaque phrase, de chaque slogan. Mais cela (que ce soit en public ou en privé) doit avoir lieu en positif, à l’avance, après avoir soupesé les contenus, et non après, par crainte d’une sanction. En cas contraire, l’éthique devient de la marchandise en vente, soldée car défectueuse.

SUR LE FOND

Face aux faits, la première chose à faire serait de… faire l’effort de les comprendre, avant de prendre position, cela non seulement dans le but de se défendre. Se presser à donner ses explications, suite à une lecture craintive des chefs d’inculpation ou bien au battage médiatique, est quelque chose qui dans le pire des cas produit des monstres et dans le meilleur des cas produit des hypocrisies déplaisantes et des simplifications qui font le jeu des inquisiteurs.

La responsabilité individuelle, le refus des structures hiérarchisées ainsi que le refus mener des actions indiscriminées sont des choses qui vont de soi, pour des anarchistes : je peux décider de les réaffirmer dans un tribunal ou pas, sur la base de plusieurs facteurs. Le problème de fond est la syntonie avec ses coïnculpés, la solidarité entre compagnons.

Le problème de fond est, surtout, la conscience que les juges jouent salement, nous non, ou du moins il ne faudrait pas, même pas par des mots ; des mots qui finissent seulement par salir qui les prononce de façon irréfléchie.

Anna
juin 2021

P.S. : Si cette petite histoire vous paraît trop cryptique, vous pouvez commencer la chasse au trésor pour trouver les différents arrangements, en demandant aux personnes concernées, qui souhaitaient un débat… privé.

 

Pour lui écrire :
Anna Beniamino
C.C. di Roma Rebibbia femminile
Via Bartolo Longo, 92
00156 – Roma (Italie)

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