Espagne : Communiqué de la compagnonne Lisa en solidarité avec les compas en grève de la faim en Italie

Anarquia.info / dimanche 16 juin 2019

Barcelone, fin 2018 – début 2019

Cher.e.s compas,
Je tiens à envoyer un grand salut solidaire et rebelle aux compas anarchistes emprisonné.e.s qui sont actuellement en grève de la faim dans les prisons italiennes, ainsi qu’à tou.te.s celles/ceux qui sont poursuivi.e.s et aux solidaires dehors.

Il est évidemment nécessaire de lutter contre la prison, l’isolement et toutes les mesures de sécurité de plus en plus dures qui sont appliquées à tou.te.s les détenu.e.s supposé.e.s conflictuel.le.s, dangereux.ses ou socialement inadapté.e.s, particulièrement ceux/celles qui se battent.

Le contrôle (social, physique et psychologique), la punition et l’isolement sont les piliers fondamentaux du système carcéral, ici et dans le monde entier. Les règles du pouvoir sont très simples et quiconque les enfreint, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la prison, sera puni.e et isolé.e dans un environnement plus socialisé et plus calme….c’est à dire enfermé.e en prison, y compris dans des sections d’isolement, qui ne sont rien d’autre qu’une prison dans la prison. Parfois ce sont des sections à part, qui n’ont aucun contact avec les sections normales ; dans d’autres endroits il s’agit de cellules de punition qui se trouvent dans la section normale, et où les les prisonnier.e.s peuvent interagir, montrer leur solidarité, communiquer mais aussi menacer, ignorer ou stigmatiser les puni.e.s.

Dans l’État espagnol, il y a le système FIES (fichier interne de suivi spécial), un système qui contrôle, enregistre et conditionne l’enfermement des prisonnier.e.s politiques ou conflictuel.le.s. Le FIES III est conçu pour les prisonnier.e.s appartenant.e.s à des groupes armés, il e été pensé à l’origine pour ETA et d’autres groupes organisés, mais on y enferme aussi les anarchistes condamné.e.s, accusé.e.s ou sous enquête pour terrorisme.

Évidemment, l’application des normes du FIES, ainsi que la prison où on est envoyé.e, dépend beaucoup du degré de dangerosité que l’État nous attribue… cela peut être un isolement assez léger et similaire au régime fermé normal ou au contraire un isolement très dur et très strict.

En principe, on passe d’abord par le module d’isolement de Soto del Real (Madrid). Il y a 4 sections – 3 pour les hommes et une pour les femmes. La section des femmes a dix cellules et selon la classification de chacune des prisonnières, on va à la promenade ensemble ou séparément. La cour est minuscule, avec du filet métallique au-dessus. Il n’y a absolument rien d’autre qu’un évier de merde et des déchets.

Dans les cellules, le lit, l’armoire, la table et la douche sont fixés au sol. Seuls quelques effets personnels sont autorisés dans la cellule, notamment 2 livres maximum, qu’on ne peut changer qu’une fois par semaine.

On ne peut avoir d’objets « dangereux », comme des rasoirs, des coupe-ongles ou des pinces à épiler, que pendant une demi-heure au maximum (après ils sont repris). On peut cantiner une fois par jour, mais il a très peu de produits. Les formulaires et les lettres sont collectés une fois par jour, du coup si on veut consulter ou modifier quelque chose, on doit attendre le lendemain. La lumière peut être allumée ou éteinte de l’intérieur de la cellule, mais seulement si les maton.ne.s sont d’accord, autrement ils/elles l’allument ou l’éteignent de l’extérieur.

Le nombre de fouilles dépend des maton.ne.s : l’heure et la raison sont à leur discrétion, mais il y en a beaucoup, comme le sont les contrôles avec détecteur de métaux ou scanners à métaux, de fait chaque fois que l’on quitte la cellule.

La « chose positive », ici – surtout par rapport à l’isolement dans d’autres pays – est qu’ils ont tendance à être plus permissifs avec la communication, tant avec l’extérieur (appels quotidiens, parloirs, cabines téléphoniques aussi dans les sections FIES) qu’entre prisonnier.e.s (on peut parler des heures durant à travers les fenêtres, faire passer des lettres entre prisonnier.e.s…), du coup on ne vit pas son isolement de façon si strict que cela peut être le cas par exemple dans les pays nord-européens.

Mais s’ils veulent punir quelqu’un, ils peuvent le garder dans des modules d’isolement beaucoup plus durs, aménager des sections d’isolement total….

La nourriture passe par un trou à la hauteur de la taille et c’est seulement de là qu’on peut communiquer avec les maton.ne.s – ce qui n’est rien d’autre qu’une humiliation de plus, pour essayer de briser la force de la personne emprisonnée.

Après une période d’observation pendant lequel on est provisoirement isolé.e.s durant quelques mois, généralement on passe à des modules de premier degré, qui sont conçus pour y « vivre » pendant des années. Mais ils peuvent aussi maintenir les prisonnier.e.s particulièrement puni.e.s – généralement ceux accusé.e.s de terrorisme – dans un isolement total, sans aucun contact avec les autres prisonnier.e.s, ou appliquer des articles de sécurité maximale, dans le cas de personnes supposées être particulièrement dangereuses… comme toujours : punir ou prévenir…..

En Allemagne aussi il y a des sections d’isolement. À Cologne par exemple, mais seulement pour les hommes… cependant les femmes aussi peuvent se retrouver isolées dans ces sections ou isolées dans des sections de régime normal. Ensuite, il y a des cellules de punition extrêmes, appelées « bunker », où il est permis d’avoir seulement un vêtement fourni par la prison, où l’on passe 24 heures seul.e, sans fenêtres et sans le moindre contact avec l’extérieur… mais normalement on ne reste pas là plus de quelques jours ou au maximum quelques semaines. Malgré cela, la sensation d’injustice et d’impuissance qui y est vécue est énorme.

L’isolement laisse toujours de fortes séquelles, c’est quelque chose que celle/celui qui l’a vécu n’oubliera jamais, et la folie et la rage de l’avoir vécu ne font qu’augmenter. Il y a beaucoup de gens qui n’y survivent pas. Tout dépend de la force mentale (et physique) de chacun.e mais aussi beaucoup du soutien et de la solidarité de l’extérieur.

Sur le plan politique, il est plus qu’évident qu’on essaye de nous isoler, non seulement de la société extérieure, mais aussi des autres prisonnier.e.s avec lesquel.le.s on pourrait créer des complicités et de la conscience de lutte contre ce système de punition, de prison et d’autorité. Cependant, chaque geste de camaraderie et de solidarité vécu à l’intérieur ou venant de l’extérieur, toute détermination à s’opposer à leur isolement, ainsi qu’à l’ensemble de leur système d’oppression et de misère, prouvent qu’ils ne pourront jamais en finir avec nous, notre combat et notre passion pour la liberté totale.

FORCE, CHALEUR, AFFECTION ET SOLIDARITÉ POUR LES COMPAS EN GRÈVE DE LA FAIM EN ITALIE !
VOUS N’ÊTES PAS SEUL.E.S ! LA LUTTE CONTINUE !
CONTRE LES PUNITIONS, L’ISOLEMENT, LES PRISONS ET TOUTE FORME D’AUTORITÉ !
JUSQU’À CE QUE NOUS SOYONS TOU.TE.S LIBRES !

LISA
C.P Brians 1
juin 2019

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Pour écrire à Lisa :

Lisa Dorfer
C.P. Brians I
Carretera de Martorell a Capellades, km 23
08635 SANT ESTEVE SESROVIRES
ESPAGNE

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