Prison de Korydallos (Grèce) : Pendant une chasse aux sorcières, la fierté se cache en pleine ligne de tir

athens.indymedia.org / samedi 23 avril 2022

Depuis le premier jour de mon arrestation, j’ai consciemment choisi de garder une position cohérente et j’ai refusé de coopérer avec les autorités chargées des poursuites et des interrogatoires. Chaque fois que j’ai pris la parole, je l’ai fait pour revendiquer certaines responsabilités historiques et politiques. Des responsabilités vis-à-vis de mon parcours individuel et collectif, dans les actes de violence révolutionnaire, ainsi que vis-à-vis de deux de mes compas, avec lesquels, dès le tout premier instant, la police antiterroriste tente de donner un visage aux pièces perdues du puzzle de leur soi-disant démantèlement de l’organisation Action Anarchiste.

Dans cette affaire, au-delà de ce qui est objectivement vrai et de ce qui est un mensonge, le plus grand danger se cache dans les objectifs politiques de la police antiterroriste. Du coup, voilà les preuves choquantes aux mains de ce service, tristement célèbre pour ses mensonges systématiques : un appel téléphonique anonyme, ridicule, qui me désigne personnellement comme le responsable d’une série d’attaques incendiaires dans la région de Thessalonique (un appel dont je suppose que le numéro appelant ne sera pas communiqué, lors du procès, par les hackers de l’antiterrorisme), une surveillance de qualité et d’origine ambiguës, qui concerne ma vie personnelle quotidienne, mon arrestation, avec ma compagne Georgia Voulgari, dans la maison de Panos Kalaitzis, à l’occasion de laquelle j’avais en ma possession un ensemble d’objets, saisis, qui sont décrit comme un « arsenal », et deux déclarations politiques claires : la revendication commune, de ma part de de celle de ma compagne, d’un seul et unique incendie criminel, contre la « Fondation pour la réflexion nationale et religieuse », et ma revendication personnelle d’appartenance à l’organisation Action Anarchiste.

Du coup, je poserai mes propres questions, face aux mensonges d’une enquête et à une procédure qui a placé trois personnes en détention préventive simplement parce que les enqueteurs le souhaitaient ; comment ça se fait que les compas Voulgari et Kalaitzis sont désigné.e.s comme membres d’Action Anarchiste, sans qu’il y ait la moindre référence à elle/lui dans l’action de l’organisation ? Comment ça se fait qu’une action morcelée de violence révolutionnaire est incluse dans la stratégie d’une organisation qui a pour principe inviolable de revendiquer même ses erreurs ? Comment ça se fait qu’un ensemble d’objets sais est désigné comme l’arsenal d’Action Anarchiste ? Même si j’ai une estime et du respect sans réserve pour le tempérament politique de ma compagne, comment ça se fait qu’ils auraient prouvé la participation d’une jeune personne de 22 ans à une organisation active depuis 6 ans, à une époque où elle habitait dans une autre ville et elle allait encore au lycée ? Comment ça se fait que le compagnon Panos Kalaitzis est considéré comme étant membre d’Action Anarchiste, avec un dossier où son nom n’est jamais mentionné en lien avec aucune action, aucun repérage, aucune réunion commune, etc ? Les réponses à cet ensemble de questions rhétoriques peuvent être trouvées dans les objectifs stratégiques de la police antiterroriste, qui utilise des vies humaines pour ses revanches et ses jeux de pouvoir.

Depuis des décennies, la police antiterroriste essaye de dessiner un modèle « terroriste » toujours identique, en utilisant les parcours des personnes qui participent à des organisations révolutionnaires. Selon ce modèle, le « terroriste » est un sujet antisocial, isolé des processus sociaux, sans aucun contact avec les structures du mouvement, et toute sa vie quotidienne (ses relations, ses actions, ses mouvements) est liée à son Organisation. Depuis presque deux décennies, j’ai choisi d’être publiquement du côté de l’anarchisme. J’ai soutenu et j’ai participé à d’innombrables contextes sociaux qui allaient devenir des points de référence pour la lutte. Dans des squats et des espaces auto-organisés, dans des assemblées populaires et des dynamiques du mouvement, dans des événements, des manifestations, des conflits, des sabotages et des attaques. J’ai agi au sein du corps social et aussi à niveau clandestine. Par conséquent, sur la base du modus operandi de la police antiterroriste, nous devons soit supposer qu’Action Anarchiste est peut-être la plus grande organisation révolutionnaire, avec des milliers de membres et des planques dans tout le pays, sous couvert d’auto-organisation et de processus dont la dynamique dépasse même celle d’événements insurrectionnels historiques, soit que toute cette affaire est sans issue. Et pourtant, il y a une histoire de fond.

La police antiterroriste est en train d’essayer de répandre la peur et la terreur dans les groupes sociaux qui choisissent de lutter, dans le but d’isoler socialement et personnellement ceux/celles qui soutiennent les actes de violence révolutionnaire, sans parler des membres des organisations révolutionnaires. Quiconque les soutient et marche à leurs côtés, quiconque entretient avec elles/eux des relations de camaraderie, d’amitié, voire de coopération, pourra se retrouver accusé.e ou emprisonné.e, avec la moitié du code pénal sur son dos. Ils n’ont pas besoin de preuves ; le germe de la peur suffit au mouvement pour isoler ses parties radicales, sous prétexte de sécurité (personnelle ou collective). Les dernières dispositions antiterroristes, qui criminalisent même le soutien politique-moral-financier aux personne emprisonnées pour des actes de violence révolutionnaire, évoluent de toute façon dans le même sens.

Et pourtant, face à cette tentative d’isolement politique et social des intentions révolutionnaires du mouvement anarchiste, nous leur répondons de la meilleure façon, depuis le premier jour de notre arrestation, tout en traversant les chemins les plus dystopiques. Contre la soif de repentance, de déni, de coups de poignard dans le dos et de trahison des relations et des sentiments, qui a été montrée par l’appareil répressif, nous résistons avec décence et fermeté face à la profondeur de la répression, nous restons uni.e.s et solidaires, les un.e.s à côté des autres, même si nous défendons des parcours différents. Si le coût du respect de soi, pour la dignité humaine, indique le chemin de la prison, alors nous le défendons fièrement chaque jour. Parce que même à l’ère du narcissisme personnalisé, il y aura toujours des gens qui penseront à celui/celle qui se trouve à côté d’elles/d’eux. Nous ne négocions pas la solidarité.

Libération immédiate des compas Georgia Voulgari et Panos Kalaitzis
Soit on est avec la répression, soit avec la révolution.
Il n’y a pas de milieu

 

Thanos Hatziangelou
membre emprisonné d’Action Anarchiste
prison de Korydallos, aile D
17 avril 2022

Ce contenu a été publié dans International, Nique la justice, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.