Prison de Pau : « La taule sous confinement » – une lettre de Damien

C’est presque un pléonasme !
Certains d’entre vous connaissent la taule, de plus en plus, imaginez-la sans aucune activité. Uniquement la cellule et 1h de promenade par jour.
Tout est fermé et le personnel est réduit. Nous n’avons pas de sport, plus d’école, plus de service social, plus d’infirmerie ni de parloirs.
Ce n’est pas aussi dur que le régime d’isolement DPS que j’ai pu vivre lorsque j’étais accusé de terrorisme, mais on s’en rapproche.
« La carcel dentro de la carcel », disait Xosé Tarrio.

Le temps est long, lorsque tu ne peux même plus aller à la bibliothèque pour te faire prêter un livre, lorsque la salle de muscu est fermée.
L’attitude des matons change aussi : ils portent des masques et nous évitent. Tout devient plus complexe pour la moindre petite demande. Des plus, les timbres se font une denrée rare car ils sont en rupture de stock. De toute façon, entre une lettre et sa réponse, j’ai compté 1 mois de délai, à cause des lettres qui s’empilent dans les centres de triage fermés.
Les parloirs sont fermés, donc il n’y a plus de shit qui rentre dans la prison. Personnellement je ne fume pas, cependant il faut comprendre les conséquences. La prison est une cocotte minute prête à exploser, tout le monde est sous tension, les uns car ils n’ont pas leur dose, les autres car toute l’économie underground est à l’arrêt. Ici la crise économique a déjà lieu, les prix s’envolent et « l’argent » en circulation disparaît (argent = shit et clopes).
Sans monnaie d’échange, dans un système capitaliste, aucune solidarité possible.
En ce moment nous n’avons ni café, ni cigarettes, ni assez à manger, ni le minimum d’hygiène.
Moi-même, je souffre énormément de la situation, car sans économie souterraine et solidarité interne, la solidarité des compas [dehors] n’est pas suffisante au minimum dont j’aurais besoin. D’autant plus que je suis en cellule avec un camarade sans papiers qui n’a rien ni personne et avec qui je partage tout, même mon avocat et mon domicile à l’extérieur.
D’un autre côté, il y a eu un effet bénéfique dont je n’ai pas profité. Toutes les petites peines à part moi sont sortis de la prison, leurs peines ont été annulées. Je suis l’exception car j’ai été incarcéré, il y a quelques années, sous des accusations de terrorisme et que je suis fiché au même titre que les jihadistes.

Je reviens de promenade, où j’ai eu l’occasion de parler de cette lettre ouverte, de nos discussions il est ressorti que j’avais omis de parler du matériel d’hygiène, qui ne nous est pas mis à disposition. Ils nous ont donné 20 centilitres d’eau de javel dilué à 2 % en début d’épidémie et basta. Lorsque l’on demande balais et serpillière pour nettoyer notre cellule, ça n’arrive jamais. Les produits d’entretiens dont la javel, coûtent cher et nous n’avons pas les moyens d’y avoir accès.
D’autres détenus ont mis l’accent sur le manque de matériel de protection fourni par l’État à la pénitentiaire et aux intervenants. En effets, seul celleux qui sortent et rentrent peuvent faire entrer le virus, or si ceux-ci ne sont pas équipés en matériel de protection, ils risquent de nous contaminer. Or, avec la surpopulation et la proximité carcérale, si le virus entre, quelles que soient les mesures prises, tout le monde sera infecté, sans exceptions, et seul les plus forts s’en sortiront.

Je profite de cette lettre pour remercier tous les compas solidaires, emmerder tous les trolls qui utilisent une accusation à tort (et ceci a été démontré) d’il y a quelques années pour discréditer mes faits et dires d’aujourd’hui.
Et j’en profite également pour demander [à qui voudrais entrer en contact avec moi] de m’envoyer une facture téléphonique, afin que j’ai l’autorisation de communiquer avec elleux par téléphone, car le courrier est trop long à s’acheminer.

Un merci particulier pour les compas de Bure pour leur magnifique carte, […] à tou(te)s celleux qui agissent dans la lumière ou dans l’ombre pour briser la société carcérale.

Damien
Maison d’arrêt de Pau
2 avril 2020

 

Note d’Attaque : le compagnon ajoute à un autre endroit que les matons justifient les rations de la gamelle de plus en plus petites avec les difficultés que la prison aurait à se faire livrer, à cause de la « pénurie »… Il dit également qu’il y a eu, dans les dernières semaines, des tentatives de blocage de la promenade, mais qu’elle ont rapidement échoué. 

Pour lui écrire :
Damien Camélio
n° d’écrou : 28499
Maison d’arrêt de Pau
14 bis, rue Viard
64000 – Pau

 

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