« Liberté pour tou-te-s, avec ou sans-papiers ! »

Du pain sur la planche, n° 6 / juin 2016

Bref retour sur une lutte contre la machine à expulser

Pour faire suite à quelques-unes des questions posées dans le texte sur la prison, il nous semblait intéressant d’illustrer ce que nous entendons par « luttes autonomes ». Les lignes qui suivent n’ont pas la prétention de dresser un tableau exhaustif de la lutte en question, mais d’en partager certaines facettes riches de possibilités.

Cette lutte contre la machine à expulser ne sortait pas de nulle part. Elle succédait à plusieurs années foisonnantes d’agitations contre les frontières, l’enfermement des personnes migrantes (et l’enfermement tout court) et était nourrie de réflexions et d’analyses sur les tentatives précédentes et leurs « limites ».

C’est au milieu de ce contexte particulier et au lendemain de la mort d’un détenu qu’intervient l’incendie du centre de rétention de Vincennes en juin 2008. Incendie qui entraîne une baisse conséquente du nombre de rafles et un souffle de liberté considérable. Beaucoup ont accueilli la nouvelle avec un large sourire. Dans les mois qui suivent d’autres centres de rétention sont secoués par des révoltes incendiaires, comme celui de Nantes et du Mesnil-Amelot (2008), celui de Bordeaux (2009) ou du Canet à Marseille (2011), sans compter les multiples protestations et évasions…

Cette succesion de révoltes à l’intérieur des CRA alimente des colères déjà vives… Des manifestations plus ou moins larges se dirigent régulièrement vers les centres de rétention pour visibiliser ces camps pour étranger-ères et gueuler un désir de liberté avec les personnes détenues, des réseaux d’alerte tentent de perturber voir d’empêcher les rafles, des interventions ont lieu dans les aéroports pour bloquer les « reconduites à la frontière » (en incitant les passagers à refuser d’embarquer par exemple), des « balades » ont lieu dans certains quartiers contre toutes les expulsions, ainsi que des tables de presse, diffusions itinérantes de tracts…

Durant cette même période est lancée une proposition qui rompt avec les logiques basées sur des revendications adressées à l’Etat (amélioration des conditions d’enfermement, régularisation totale ou partielle, fermeture des CRA…), ou axées sur un strict « soutien aux sans-papiers » (en lutte ou non) ; et sort radicalement des mécanismes de composition avec les charognes institutionelles de gauche. Il s’agit de semer des grains de sable dans la machine à expulser, à travers l’action directe et l’auto-organisation.

De nombreux textes publiés alors insistent sur le fait que l’État, à travers la Police aux Frontières (PAF), ne fait pas le sale boulot tout seul. Des rafles et arrestations dans la rue et les transports (avec le concours des entreprises comme la RATP) aux traquenards montés dans les administrations (comme l’OFII, les préfectures et Pôle Emploi) et les banques, des « zones d’attente » dans les aéroports aux centres de rétention (1), la machine à expulser des personnes considérées par l’État comme étant « indésirables » compte de multiples rouages. Elle nécessite toute une logistique, qui elle-même a besoin d’une longue liste de participants et de collaborateurs. Ceux-ci ont été disséqués et rendus publics. En prenant ainsi le problème, on cesse de le voir sous un angle unique (les CRA comme structures à part, les rafles comme arrestations spéciales, les frontières comme simples bordures extérieures…) et on élargit le spectre des interventions possibles. En effet, les acteurs de la détention et des déportations se trouvent un peu partout, et dans différents domaines de l’exploitation, du contrôle, de la domination et de l’enfermement. Autant de raisons de leur manifester notre hostilité…

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Pour en revenir à Vincennes, plusieurs personnes accusées de l’incendie de 2008 ont été jugées et condamnées en janvier 2010. Un mouvement de solidarité s’est déployé à cette occasion, s’inscrivant dans la continuité de cette proposition. Une solidarité qui s’est manifestée dans de nombreuses villes et de plein de manières différentes, des tags, affiches et banderoles posé-es dans la rue, des manifs, balades sauvages et occupations d’agences en plein jour aux attaques et sabotages nocturnes, toujours en ciblant quelques-uns des participants à l’enfermement, aux expulsions et à l’exploitation : des associations intervenant dans les CRA, des banques, des agences intérim, la Poste, les hôtels Ibis, la Croix-Rouge, Carlson Wagon-Lits, Air-France, Bouygues, la SNCF…et bien d’autres.

Aujourd’hui comme hier (et malgré les tentatives de l’État de briser individus et offensives) il y a toujours autant de sens à saboter les rouages de la machine à expulser, à entamer des parcours de lutte proposant l’auto-organisation et défendant une perspective claire et nette: la liberté pour toutes et tous.

 

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