Prison de San Miguel (Chili) : Le vent porte des signaux positifs

Contra Info / mardi 17 août 2021

Le vent porte des signaux positifs. Quelques mots de la prisonnière anarchiste Mónica Caballero

Pendant que je met sur papier ces réflexions, à un an de l’enlèvement de Francisco et moi de la part l’État chilien, j’entends les voix des compas qui manifestent devant la prison. De l’autre côté des barreaux, des grillages et des murs, il y a des mains et des cœurs inquiets, qui agissent pour nous qui sommes dans les cages du capital. A cette occasion, non seulement leurs cris sont parvenus jusqu’à moi, mais j’ai également reçu un tract. Le vent m’a apporté un cadeau magnifique et inattendu ! De la belle propagande anarchiste !

Celles/ceux d’entre nous qui font ou ont fait des actions de propagande anti-autoritaire, ne mesurent souvent pas les conséquences que celles-ci peuvent avoir sur d’autres personnes. En principe, l’objectif de toute propagande est de faire passer un message qui, idéalement, incite ou inspire d’autres personnes à agir contre l’actuel système de terreur. Mais peut-être que la personne qui reçoit ce message n’agit pas, cela ne lui fait pas effet et elle reste un.e spectateur.trice passif.ve. Dans ce cas, il convient de se demander : peut-être que la propagande n’a pas été assez efficace ? Qu’est ce qui pousse un individu à affronter ce qui le domine ? De même : qu’est-ce qui pousse quelqu’un.e à vivre passivement dans un monde de misère et d’oppression ?

Je me suis posée ce genre de questions à de nombreuses reprises, parfois j’ai pensé avoir trouvé des réponses, mais avec le temps j’ai compris que la liberté individuelle, c’est-à-dire les décisions et les actions des autres, ne peut pas et ne doit pas être mesurée ni prévue. Pour parler de liberté individuelle, il faut en premier lieu avoir une connaissance de la réalité et des facteurs qui la créent ou la limitent. Pour décider il faut savoir et dans ce dernier cas la propagande est fondamentale.

Dans mon cas, ce qui m’a poussée à prendre la voie du conflit permanent a sans doute été la propagande (entre autres facteurs) faites par d’autres personnes. Ma compréhension politique auraient été très différente si je n’avais pas été la destinataire de plein de propagande. Je ne sais pas si ça a été un tract, un tag dans la rue, la revendication d’une action, etc. ou peut-être que ça a été l’ensemble des messages, des slogans, qui m’ont amené à remettre en question et à affronter l’hégémonie du pouvoir et la société qui le soutient et en a besoin.

Aujourd’hui, un simple morceau de papier a brisé toutes les mesures de sécurité de cette prison et a volé jusqu’à moi. Cette propagande prend un aspect encore plus important, en ce lieu ; elle m’a montré que peu importe à quel point le pouvoir nous emprisonne ou prétend nous emprisonner, nous qui luttons pour un monde où seules l’entraide et la solidarité régneront, nous ne serons jamais seul.e.s.

Il faut beaucoup de propagande, il faut beaucoup d’actions directes, si nous voulons porter des coups au capitalisme et aux relations qu’il génère, ainsi qu’à l’hégémonie imposée du pouvoir.

Je profite de l’occasion pour envoyer une accolade fraternelle à la famille Vergara Toledo. Luisa Toledo [militante révolutionnaire très connue au Chili (trois de ses enfants sont morts en luttant contre la dictature), décédée le 6 juillet ; NdAtt.] était une propagandiste qui a énormément contribué à la prolifération de plusieurs générations de jeunes combattant.e.s.

Mort à l’État et vive l’anarchie !

Mónica Caballero, prisonnière anarchiste
Prison de San Miguel
Juillet 2021

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