Berlin (Allemagne) : Acquittement au procès « Wir Haben eine Verabredung » !

Paris-Luttes.info / mercredi 17 juillet 2024

Le 15 juillet se tenait le dernier jour du procès dans l’affaire « Wir Haben eine Verabredung ». Selon l’accusation, durant la nuit du 16 février 2023, les prévenu-es auraient voulu incendier les câbles de l’entreprise ferroviaire allemande. Le parquet a plaidé l’acquittement à la fin de sa plaidoirie, par manque de preuves. Les avocat-es ont aussi plaidé pour l’acquittement, que le juge, après 15 minutes de réflexion, a prononcé !

Voici la déclaration que les deux accusé-es ont lue ensemble après les plaidoiries finales des avocat-es :

« Nous avons été arrêté-es il y a 17 mois. Pendant un jour et demi, avons été séparé-es dans le centre de détention de Tempelhofer Damm et avons été présenté-es à un magistrat. Nous avons ensuite dû nous présenter au poste environ 85 fois et griffonner notre signature sur un bout de papier pour prouver que nous n’allions pas nous soustraire à la procédure. Notre ADN a été prélevé, et recherché dans des bases de données. Pendant un total de 15 jours, nous avons été observé-es par des contrôleurs dans notre vie quotidienne, avec nos ami-es et compagnon-nes, et les entrées de nos maisons ont été filmées. Depuis quelques jours, nous sommes assis-es devant ce tribunal, où notre culpabilité est jugée.

Nous n’avons rien dit au moment de l’arrestation, et nous ne dirons rien aujourd’hui, sur les raisons pour lesquelles nous étions à l’endroit où nous avons été arrêté-es. Cet « espace vide » ne fait que souligner ce qui est également devenu clair au tribunal ces derniers jours : la police et la justice tâtonnent dans l’obscurité. La recherche de notre ADN dans les bases de données ne vous a rien donné. Vos observations ne semblent pas avoir abouti à des conclusions pertinentes. Il ne vous reste plus qu’une histoire sordide pour vous conformer à votre propre volonté de persécuter, et pour être en mesure de présenter les « succès » nécessaires.
L’ordre politique n’exige pas d’intégrité morale, mais seulement le respect des lois.

Le manque de motivation avec lequel l’enquête et l’audience principale ont été menées par l’instruction – presque à la limite du refus de travailler – que ce soit par incompétence ou par arrogance ; ainsi que l’étalage risible des « compétences » en matière criminelle de certains agents de la police fédérale, pourraient presque cacher le fait que nous sommes ici devant un exemple de justice de classe.

Quand nous parlons de justice de classe, nous pensons que nous sommes tout de même ici dans une position plutôt privilégiée. Mais en même temps, nous n’oublions pas de quel droit il s’agit ici.

Nous n’oublions pas les innombrables locataires qui sont condamné-es au sans-abrisme par les tribunaux allemands. Ni les milliers de personnes incarcérées dans les prisons allemandes, dont le seul crime est leur pauvreté ou leur origine.

Nous n’oublions pas que chaque auteur de violence en uniforme, et même le dernier membre du NSU [1] peut quitter une salle d’audience le sourire aux lèvres, alors que dans le même temps l’abolition de facto du droit d’asile maintient les continuités coloniales, et que les personnes ayant subi des violences sexuelles et racistes ne peuvent s’attendre qu’à de nouvelles violences face aux tribunaux allemands.

Nous n’oublions pas comment, dans ce soi-disant tournant historique, les lois et les autorités allemandes permettent la militarisation la plus massive de l’allemagne depuis la Réunification, et comment les entreprises d’armement allemandes profitent continuellement du génocide et de la guerre dans le monde entier.

Et nous n’oublierons jamais que ce sont des gens portant l’uniforme de la justice qui, à quelques mètres d’ici, ont laissé brûler Ferhat Mayouf dans une cellule de prison [2].

Ce procès n’est qu’une des nombreuses tentatives actuelles pour persécuter les individu.es et structures anarchistes et antifascistes ; les forcer à abandonner sous la pression de l’État, les occuper par la répression et la menace de punitions allant du désagréable au très sévère. Le soi-disant Centre modéré démocratique tente d’éliminer les éléments perturbateurs qui révèlent au grand jour son système (de valeurs) oppressif et non libre. Non pas pour la justice, mais pour garder leur conscience tranquille.

Cependant, on peut observer partout en Europe à quel point ce centre bourgeois est toujours proche d’avoir une sympathie assumée pour le renforcement du fascisme.

L’Histoire a prouvé que nos réponses à ces questions ne peuvent pas être fondées sur le droit civil et, par conséquent, il n’y a pas lieu d’en dire plus dans ce bâtiment.

Au lieu de cela, nous souhaitons terminer avec quelques mots sur la solidarité :

À aucun moment nous n’avons eu à endurer cette audience seul-es. Pour nous, cette solidarité est une expression de la puissance et de la beauté des idées révolutionnaires.

Le soutien que nous avons reçu dans cette salle, et qui nous a accompagné-es et soutenu-es pendant un an et demi n’est malheureusement pas toujours une évidence. En particulier, nous voulons remercier celleux qui nous ont accueilli-es devant le centre de détention après notre arrestation, celleux qui nous ont soutenu-es sans relâche pendant tous ces mois et ces personnes inconnues dont les salutations, de près ou de loin, ont rempli nos cœurs de joie.

Last but not least, merci à nos avocat-es, sur le soutien et l’engagement desquel-les nous avons toujours pu compter.

Quel que soit le verdict qui nous sera rendu ici, nous sommes certain-es que le besoin d’un monde de dignité, de liberté, d’autodétermination et de justice ne pourra pas être négocié dans une salle d’audience. Et nous quitterons cette salle avec la certitude que ni la sécurité de l’État, ni le ministère public, ni ce tribunal n’ont la moindre idée de ce que nous pensons, voulons ou faisons vraiment. Et cela, malgré toutes les adversités, reste un sentiment très satisfaisant. »

Source

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