Italie : Réflexions de Juan Sorroche

Il Rovescio / dimanche 2 juin 2024

RÉFLEXION SUR LE CONTEXTE GÉNÉRAL DES CAUSES DE LA LUTTE.
À PROPOS DE MES CONDAMNATIONS ET DES CHARGES DES PROCÈS ET DU LIEN ENTRE LES PRATIQUES D’ACTION DE LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE NON-SYSTÉMIQUES ET “MON” SENS DE LA VISION ANARCHISTE

“(…) La réalité est précisément cette chose complexe qui ne peut être réduite aux conclusions d’un procès. Cela sera toujours arbitraire et sera basé non pas sur la preuve mais sur la force, non pas sur la logique mais sur la domination. Un raisonnement difficile ? Peut-être, mais un raisonnement qui, une fois fait, ne s’oublie jamais”.

[Publié sous le titre Noterelle su Sacco e Vanzetti. In margine a un convegno di studi, in “Anarchismo” n° 63, juillet 1989, pp. 36/40]

Alfredo Maria Bonanno, A mano armata, Pensiero e azione, Anarchismo Editions.

En souvenir, un salut chaleureux et à bientôt camarade Alfredo !

NOTE :

Afin de faciliter la rédaction du texte, j’ai choisi d’utiliser principalement le masculin comme désinence de genre. Conscient de l’importance de rejeter et de s’opposer aux préjugés sexistes (quels qu’ils soient), je compte sur la compréhension de ceux qui me liront pour que personne ne se sente discriminé.

Prémisse :

Bonjour à tous, camarades

Je suis Juan Sorroche, prisonnier anarchiste arrêté le 22 mai 2019, et j’écris depuis la section AS2 [1] de la prison de Terni où je suis détenu depuis cinq ans.

Après ma lourde condamnation le 26 janvier 2024 à Rome dans le procès de cassation pour l’action contre la Lega Nord, parti qui a fait et fait toujours partie du gouvernement de l’État italien, un parti fortement raciste, misogyne et xénophobe, en tant que prisonnier anarchiste je voudrais clarifier aux camarades, aux révolutionnaires, aux exclus et aux opprimés le nœud des causes de la lutte pour laquelle je suis ici en prison aujourd’hui en tant que prisonnier anarchiste.

En première instance, bien que le procureur ait abandonné l’accusation de “massacre politique” (art.285 code pénal), j’ai été condamné à 28 ans de prison plus trois ans de mise à l’épreuve. En appel, après l’avoir réduite presque de moitié, ils m’ont condamné à 14 ans et 7 mois. La Cour de cassation, il y a quelques jours, m’a condamné définitivement à 14 ans et 7 mois, une peine significative et exemplaire pour l’attentat.

En premier lieu, je tiens à dire que je suis entré en prison en ayant déjà accumulé environ 8 ans pour mes parcours de luttes en Italie, c’est pourquoi j’ai fui en cavale en 2016 pour continuer à vivre-lutter. De ces 8 ans, 4 ans sont pour le “grand procès NO TAV” [2] devenu définitif. Puis les 4 autres années sont des procès divers liés aux luttes anti-prison et anti-CPR (sorte de CRA Centre de Retention Administrative), anti-fascistes et anti-démocratiques, aux luttes contre les technologies, les OGM, “environnementalistes”, auxquels j’ai participé en essayant toujours d’inclure l’aspect anti-étatique et anti-capitaliste de l’anarchisme dans le Trentin comme dans diverses situations italiennes. Cela incluait la vallée de Susa, une route que j’avais empruntée les années précédentes dans la lutte NO TAV contre l’un des projets du capital et de l’État et le tentacule dévastateur du train à grande vitesse. J’ai été arrêté parmi beaucoup d’autres pour les journées de lutte et les affrontements violents du 3 juillet 2011. Lors du procès et pendant mon emprisonnement à l’époque, j’ai revendiquée par une déclaration personnelle ces journées de lutte et les voies de l’opposition au TGV et plus généralement l’aspect anti-étatique et anticapitaliste. J’ai refusé la défense dans le “grand procès NOTAV”, me positionnant de manière anti-juridique en essayant de me battre aussi en tribunal en refusant le procès, estimant que je n’avais pas à me “défendre” dans ce théâtre judiciaire, et pour cela j’ai été condamné à 4 ans et 6 mois. Et j’assume ces décisions la tête haute.

En mai 2019, après 2 ans et demi de cavale j’ai été arrêté avec un autre camarade. Il était accusé, avec une autre camarade, de complicité de fuite, et puis le camarade a été condamné pour complicité à un an et demi, une peine aussi importante et exemplaire que toutes celles vues depuis des années, et qui nous a prévenus de la nouvelle teneur des procès à venir.

Lorsque j’ai été arrêté, j’ai progressivement pris connaissance d’une série d’enquêtes et de procès dans lesquels j’étais accusé de plusieurs attentats à la bombe (avec intention terroriste) en Italie :

– les engins au siège de la Lega Nord à Trévise pour l’attentat du 12/08/2018, concernant les deux engins explosifs, l’un explosé et l’autre plein de clous découvert par les démineurs sous forme de piège pour attirer les membres du bâtiment et les forces de l’ordre ; ces deux engins ont été placés au siège de la Lega Nord à Trévise et ont été revendiqués avec l’affirmation : ” frappons-les chez eux!!!! : (…) pour attaquer de manière spécifique le racisme et l’exploitation. Frapper l’État, le capital et ses responsables. L’action directe permet de comprendre pourquoi et comment.

Pour une solidarité internationaliste, rebelle et Anarchiste !

Solidarité avec tou-te-s les prisonnier-e-s (…). Et à tou-te-s les rebelles reclu-se-s dans les prisons du monde entier !

Cellule Haris Hatzimihelakis/Internationale Noire 1881/2018″.

– la bombe au tribunal de surveillance de Trente en 2014. Condamné en premier instance à 3 ans et 2 mois, puis acquitté en appel, bientôt en cassation. Révendiqué anonymement : en solidarité et pour donner une voix aux prisonniers qui luttent avec dignité dans toutes les prisons et aux camarades anarchistes qui étaient en isolement dans l’AS2 en Italie et d’autres prisonniers anarchistes dans le monde entier.

– En ce qui concerne le dispositif contre le POL GAI (école de police) revendiqué par la cellule H, je cite quelques esquisses de la revendication publiée :

“(…) en tant que cellule H (C.A.A.) proche de l’Internationale Noire et nous nous joignons à l’appel à l’action pour un DECEMBRE NOIR.

Nous avons attaqué l’un des bras armés de l’État. Des flics de toute l’Italie et d’autres États sont formés dans cette “école”. C’est un petit signal contre la guerre.

Nous sommes solidaires de toutes les personnes qui luttent contre tous les États et le capital.

Nos pensées vont aux nombreux camarades réprimés, emprisonnés, torturés ou assassinés dans le présent et dans le passé.

En solidarité avec tous les prisonniers qui luttent”. Ceci dans le cadre de la campagne lancée par les prisonniers anarchistes en Grèce pour un Décembre Noir, un appel international dans le contexte de l’anarchisme d’action en 2015.

Un procès que j’entamerai prochainement.

À ce jour, j’ai accumulé 23 ans de prison.

Des actions que je partage car pour moi elles font partie de l’histoire de notre mouvement de lutte dans l’anarchisme d’action révolutionnaire non-systémique et de la lutte pour la liberté de tous les opprimés dans le monde. Au-delà de ma responsabilité ou non dans ces faits. Et je suis déterminé à aller de l’avant dans mon être anarchiste pour vivre-lutter dans le cadre de mes possibilités limitées en tant que prisonnier.

– Causes générales de la lutte et le lien entre les pratiques d’actions de lutte révolutionnaire non-systémiques –

“(…) notre éthique n’a rien à voir avec la morale de cette société fondée sur la domination. Mais nous ne pouvons pas laisser nos ennemis parler en notre nom et donc, en fait, parler pour nous. Nous devons plutôt entraver, miner, subvertir le récit du pouvoir, en nous efforçant de le renverser en un discours qui nous soit propre et qui ne perde jamais de vue ce qui nous est cher”.

La solidarité et son fantôme, “les jours et les nuits”

“C’est toujours le présent qui porte un regard transformateur sur le passé. Le passé n’est pas immobile dans un coffre-fort, il est toujours là à la disposition des nouvelles générations, et cela a été dit par un grand intellectuel juif qui était Walter Benjamin, ce sont les luttes du présent qui réactivent les étincelles d’espoir du passé, parce que le passé, dans ses tentatives d’émancipation, d’égalité, d’utopie, est resté inachevé, mais cet inachevé n’est pas enterré pour toujours, il peut être réactivé aujourd’hui. (…)”.

le passé inachevé et le courage nécessaire (extrait d’un discours prononcé sur une place de Trente en février 2024 en solidarité avec le peuple palestinien)

Je considère qu’il est nécessaire de prendre position et de clarifier le sens des causes de la lutte dans l’anarchisme et qui m’ont amené ici en prison pour essayer de renverser la description des autorités et de la transformer en notre propre discours de lutte, étant donné les nombreuses fois où il a été interprété et falsifié par le pouvoir d’État avec tant de rôles dogmatiques qui m’ont été imposés en forçant et en encadrant des rôles, des hiérarchies et des idéologies que je n’ai jamais assumés. Tout comme la signification du partage des pratiques d’action de lutte révolutionnaire dont on m’accuse encore aujourd’hui, et pour lesquelles j’ai déjà été condamné à une peine exemplaire.

Je ne regrette pas d’être un individualiste anarchiste, au contraire, j’en suis fier. Et cela, je le répète, que je sois responsable ou non de ces faits, je continue à partager les actions de la lutte anarchiste contre le capital et tous les états racistes, impérialistes et colonialistes comme l’Italie, ou l’Espagne où je suis né. Je ferai un discours sur les causes générales de “ma” lutte dans l’anarchisme en Italie. Une lutte qui est aussi pour la liberté de tous les opprimés, dont je fais partie. Parce que l’anarchisme d’action et l’anarchisme de « project insurrectionnel » est le mouvement-galaxie dans lequel je suis depuis 25 ans. Dans l’anarchisme d’action, nous avons, que nous le voulions ou non, “politiquement” – socialement nos propres espaces, temps et méthodes créés au cours des années et des années avec notre lutte, la lutte de 150 ans d’histoire anarchiste, ainsi que ses différentes perspectives. J’ai toujours fait attention, j’ai “étudié” en tant qu’autodidacte, ce n’est qu’en prison, à l’âge de 46 ans, que j’ai obtenu mon diplôme de collège, et je dois dire que depuis que j’ai commencé à lire, il y a vingt ans, avec le temps, je me suis rendu compte que je l’ai fait, au début, instinctivement, comme un instrument de prise de conscience de l’homme en révolte ; c’est dire l’importance dans l’anarchisme des théories, des livres, de nos revues, comme instruments de relations et de connaissances expérimentales qui accompagnent la perspective afin de savoir comment diriger l’action.

Je crois qu’il est fondamental de comprendre les méthodologies des expériences passées de l’anarchisme et des expériences révolutionnaires ou des luttes de tous les temps contre toutes les formes d’autorité.

C’est pourquoi, outre ma curiosité naturelle pour toutes les choses de l’univers, j’essaie toujours d’être attentif en reliant les racines fondamentales de notre passée de lutte dans l’anarchisme. Ce qui a toujours été, il faut le dire, une lutte parmi les parias des parias, le lumpen ouvrier, et ce qui est pour moi l’essence de l’anarchisme révolutionnaire non systémique et hérétique. Je crois que les méthodologies de révolte et révolutionnaires du passé sont essentielles à connaître, comme nos racines, afin de grandir et de nous développer dans la praxis aujourd’hui, dans le présent, d’essayer de les faire évoluer continuellement pour le meilleur ainsi que d’essayer à nouveau avec nos possibilités dans l’anarchisme libertaire, une lutte qui est, toujours, contre tout oppresseur autoritaire.

L’État et la répression nous signalent souvent directement, lorsqu’ils nous condamnent de manière exemplaire, que ces actions et en général les actions d’attaque avec leurs causes de lutte restent qualitativement émoussées si elles ne sont pas accompagnées d’une projection et de perspectives libertaires dans la lutte aux côtés des exploités et des forces réelles conséquentes qui doivent être créées.

Mais ce n’est pas toujours lutter côte à côte avec les exploités au sens traditionnel, c’est-à-dire dans le même espace-temps, ce n’est pas seulement se regrouper en s’homogénéisant dans un seul front, mais c’est aussi savoir créer soi-même la lutte avec nos espaces-temps, et dans nos espaces-temps, et aussi savoir respecter les autres espaces-temps dans leurs différentes diversités d’opprimés en lutte contre tous les autoritarismes.

Ce dont nous devons être conscients, c’est que les différentes luttes sont déjà intrinsèquement liées aux différentes luttes anti-autoritaires, qu’elles sont interconnectées à nos besoins communs d’opprimés, d’exclus, et que nous devons apprendre à regarder avec d’autres lentilles, qui ne sont pas les mêmes que celles de cette civilisation. Une vision de conscience claire parce que l’interconnexion réside dans la nature même d’être opprimés et exclus.

Mais attention, je n’oublie pas mes contradictions et mes imperfections. N’oublions pas nos contradictions liées à nos privilèges d’hommes hétérosexuels occidentaux, blancs et cis : l’hétérosexualité n’est pas une faute en soi, mais elle l’est quand c’est la seule voie imposée par l’éducation étatique dès l’enfance qui nous impose ce binaire à sens unique sans nous laisser le libre choix. Tout cela est imposé par la structure familiale, patriarcale, chrétienne, ici en Occident. Et je crois que c’est le premier maillon de la chaîne des privilèges et des oppressions, la base qui maintient la civilisation hiérarchique-étatique en Occident.

Tout comme nous ne devons pas oublier nos oppressions diverses et variées, de genre, de racialisation, de lieu de naissance et de la classe sociale qui en découle. Dans l’économie capitaliste, prêtons une attention particulière à l’intrinsèque travail non-salarié esclavagiste et autoritaire dans la famille, imposés pendant des siècles aux femmes ou à d’autres individualités qui ne correspondent pas aux normes de la société. Ces derniers, en général femmes, plus encore si elles sont immigrées, lesbiennes, trans, ainsi que les homosexuels etc. etc.

Ces personnes devraient être observées, acceptées, confrontées et traitées comme telles dans nos diverses oppressions et privilèges. Je dis “devraient” car il s’agit d’une autocritique, du peu d’attention et de soin que j’ai accordé et que j’accorde encore à ce sujet.

Il est donc urgent de savoir comment créer la non-dualité de la lutte, c’est-à-dire savoir comment créer de soi-même lutte intrinsèquement au soin solidaire de sensibilité, qui est courage et un autre type de paradigme de concevoir la lutte et la sensibilité et la force.

C’est ce que j’appelle conceptuellement :

Mes deux piliers fondamentaux de l’anarchisme qui sont les deux dragons de l’anarchie.

Il s’agit d’une image figurative pour simplifier et essayer de communiquer et d’expliquer des concepts très complexes de la lutte et qui représentent pour moi l’intérieur-extérieur de l’individualité avec l’intérieur-extérieur du collectif dans la lutte anarchiste.

– Le premier dragon a deux visages et est comme le yin et le yang.

Le yin est la destruction fondamentale de cette colonne portante que sont nos privilèges, enracinés en nous, différents et divers.

Le yang est l’aspect créatif et doit être accompagné par la création continue de nous-mêmes avec l’auto-éducation qui est le développement du Moi individuel en l’accompagnant vers l’Être anarchique comme ouverture à la cosmo-vision à l’autre, et à tout ce qui nous entoure en général ; nous, en tant qu’individualité, en sommes une partie inséparable.

Il s’agit donc d’une prise de conscience claire, d’une tension permanente vers la libération. C’est une révolution interne de l’être, et pour moi personnellement, c’est la libération en tant que pratique d’auto-éducation mystico-spirituelle continue.

– L’autre dragon est l’organisation individuelle et collective de l’attaque externe de la structure systémique et oppressive et qui produit les différentes morales sociales et matérielles en tant qu’organisation sociale et destruction de cette civilisation autoritaire et donc la lutte conséquente pour s’organiser pour l’attaque de tout pouvoir hiérarchique et autoritaire.

Ces deux dragons généraux sont en même temps yin-yang et doivent toujours marcher main dans la main avec leur parcours organique d’ensemble dans la perspective d’une libération totale.

Je crois que ce chemin avec les deux dragons est un chemin constant dans toute notre vie de relations de l’ensemble et doit être constamment équilibré et rééquilibré. Il s’agit d’une perspective articulée et organique, de sorte que si nous en isolons ou en supprimons une partie, cette partie est destinée à dépérir parce qu’elle vit une vie aliénée et une vie illusoire, puisqu’elle ne reçoit pas la sève du reste de la plante, c’est-à-dire de tous ces autres facteurs fondamentaux du vivre-lutter.

Et c’est pourquoi j’ai souvent remarqué que, dans la répression d’État, l’État veut manifestement effacer le contexte social et “politique”, couper la sève et naturaliser dans les opprimés qui luttent l’isolement et la fragmentation en nous aliénant. Nous dépolitiser, nous dénaturaliser du contexte social naturel des actions, des luttes, et des parcours des camarades en nous aliénant de nos propres contextes et donc en nous déconnectant conceptuellement aussi des luttes des opprimés dont nous faisons naturellement partie.

Et qu’il est juste de ne pas oublier que ces actions ne sont pas des discours mais des expressions concrètes de pratiques de solidarité de l’anarchisme pour tous les opprimés, les derniers.

L’État est conscient qu’il y a toujours eu cette possibilité incontrôlable de contagion. Il frappe donc en réprimant les rebelles et les révolutionnaires pour prévenir et minimiser ces possibilités incontrôlables.

Sachant, l’État, qu’aujourd’hui en Italie nous n’avons pas de forces révolutionnaires matérielles réelles contre un État infiniment plus puissant. Mais il sait que les objectifs, les nôtres, sont idéologiquement justes, parce qu’ils essaient de créer cette possibilité incontrôlable et contagieuse. Mais les possibilités incontrôlables doivent être créées en attaquant et en combattant concrètement à la racine la violence systémique exercée depuis des siècles et des siècles par les États racistes-colonialistes et capitalistes.

Dans les faits, la direction est la bonne.

Mais nous devons aussi être sincères avec nous-mêmes et conscients que la volonté, les passions de cœur, les idéologies utopiques sont nécessaires et fondamentales. Mais fondamentales et manquantes sont les créations méthodologiques et matérielles, les préparations de praxis des forces objectives et qualitatives réelles, en tant que minorité révolutionnaire anarchiste, pour pouvoir donner une impulsion aux luttes libertaires, être conscients que ces différents aspects sont inséparables les uns des autres. Et c’est la nécessité d’imbriquer l’ensemble des pratiques de lutte, tracts, journaux, occupations, guérilla urbaine et partisane, ainsi que de continuer à affiner les capacités d’analyse et matérielles. C’est ainsi qu’il faut encore et toujours lutter et lutter pour que la disproportion soit renversée par la gymnastique révolutionnaire.

En outre, la propagande de la praxis montre et avertit, dit à tous les opprimés que le temps d’agir est maintenant. Et que la tâche de chaque individualité est de se battre et se battre pour éradiquer précisément ce que nous avons sous les yeux aujourd’hui : les massacres, les génocides des opprimés aux mains du capitalisme et de tout État qui est raciste, impérialiste et colonialiste par nature.

C’est pourquoi, aujourd’hui, la solidarité ne peut qu’aller à la résistance des Palestiniens opprimés qui résistent au colonialisme occidental par la guérilla armée depuis 75 ans.

Car depuis le 7 octobre jusqu’à aujourd’hui, 30 000 personnes ont été tuées sous les bombes en Palestine, dont une majorité de civils, de nombreux enfants massacrés. Sans parler du génocide perpétré par l’Etat israélo-sioniste depuis 75 ans. Avec la complicité du colonialisme capitaliste des États-Unis et des États d’Europe occidentale comme l’Italie. Il s’agit là de racisme d’État systémique.

Tout comme les massacres systémiques constants, intrinsèquement naturalisés à nos yeux, que nous voyons tous les jours en Méditerranée. Ou en Libye avec les grands camps de concentration, comme sur l’île de Lesbos en Grèce, ou en Italie, en France, en Angleterre, en Espagne, et ce pour l’exploitation esclavagiste capitaliste de la main-d’œuvre immigrée dans les campagnes comme dans toutes les villes de l’Occident et dans l’ensemble du monde globalisé capitaliste.

Il s’agit des mêmes corps militaires qui m’ont arrêté, qui me retiennent prisonnier et qui servent à consolider cet État-raciste pour maintenir inchangé leur pouvoir d’exploiteurs. Ils veulent effacer d’un seul coup les niveaux très élevés de racisme social qui existaient lorsque ces actions révolutionnaires ont été menées, comme nous le voyons aujourd’hui en Italie et dans le monde entier, et que tous les États et le capitalisme ont fomenté pendant des décennies. Comme c’est le cas aujourd’hui dans toute la société italienne en la faisant passer pour quelque chose qui est dépourvu de violence, une simple opinion… les États et le capitalisme ont toujours voulu passer sous silence ces questions fondamentales et fomenter la fragmentation, l’isolement, l’aliénation avec l’outil très utile de la guerre et du racisme qu’est la lutte entre nous pauvres et opprimés : diviser pour mieux régner.

Tout cela, nous, Occidentaux, devrons l’étudier, le connaître, parce que nous sommes complices de l’Occident avec ses mouvements coloniaux européens, porteurs de l’inspiration du concept d’extermination et d’élimination des peuples indigènes dans le monde, mes ancêtres espagnols, où je suis né, en savent quelque chose, et nous devrions avoir honte de ce qu’est l’État espagnol.

C’est pourquoi nous devons utiliser les privilèges que nous avons acquis par le génocide et le sang des peuples indigènes exterminés au fil des siècles pour tenter de lutter et lutter contre nos États occidentaux, avec force, contre les idéologies racistes, filles de tous les États, du capitalisme, de l’impérialisme et de tous nos mouvements coloniaux qui ont des racines profondes dans l’Europe occidentale et étatique.

C’est pourquoi, hier comme aujourd’hui, nous devons lutter contre le nettoyage ethnique des opprimés en Palestine en luttant contre nos États occidentaux, ainsi nous luttons contre l’État colonialiste d’Israël dont l’idéologie est le sionisme, qui est intrinsèquement raciste.

Et donc :

“Nous ne pouvons pas parler aujourd’hui de ce qui se passe en Israël et en Palestine sans parler du sionisme, et ce n’est pas un hasard si Israël et ses partisans ont déployé tant d’efforts, dans ce pays comme dans d’autres, pour assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme, de sorte que vous serez réduits au silence. Néanmoins, c’est la seule manière correcte de représenter cette histoire”.

Mais attention, car cette histoire est aussi celle de la lutte et de la résistance des Palestiniens opprimés, et elle doit avant tout être la nôtre, celle des exclus qui luttent dans le monde entier.

“C’est pourquoi nous devons aller aux racines des violences qui découlent d’idéologies précises, d’idéologies racistes, et qui découlent des États-nations occidentaux, du capitalisme, d’où découle également l’idéologie sioniste, à la base de laquelle se trouve l’élimination des indigènes”.

Voici le nœud, le cœur, les causes de la lutte pour laquelle je suis en prison aujourd’hui.

La lutte pour la destruction de tout État, du capitalisme, avec son cortège de guerres, de génocides, de racismes, de sexismes, de patriarcats, d’apartheid, de toutes les prisons, de toutes les cages et de toutes les frontières, ainsi que de toutes les hiérarchies et de tous les autoritarismes, de toutes les couleurs et de tous les types. C’est-à-dire pour l’Anarchie.

Le lien spécifique du prisonnier anarchiste pour essayer de contribuer et de formuler des analyses et des méthodologies en lutte avec la relation des causes de la lutte générale.

“A ce jour, la guerre contre l’ennemi intérieur s’est irrémédiablement superposée à la guerre contre l’ennemi extérieur, dans un même mouvement pour l’accumulation de domination politique, économique et culturelle qui se fait principalement au détriment des populations et des opposants.

Dans ce contexte, la fusion des parquets anti-mafia et anti-terroriste (2015) a généré une machine surpuissante qui se nourrit d’elle-même avec toujours plus d’enquêtes et de moyens à sa disposition pour surveiller de plus en plus de personnes ou faire croire qu’elle le fait, dans le but d’installer la peur et de faire le vide autour de ceux qui sont les plus directement ciblés.

Contre toute distinction entre coupables et innocents, pur arbitraire de l’inquisition démocratique, soutenir les raisons de la révolte et les identités attaquées relève de l’autodéfense collective. Les instruments répressifs de plus en plus durs utilisés à l’encontre de certaines catégories de personnes sont appelés à se développer. L’extension du régime 41bis, l’histoire récente de l’instrument répressif du 270 (association subversive), l’inculpation de Zac [3] pour 270 quinquies (auto-formation), le paquet sécurité, le décret Caivano [4], l’extension de la surveillance et de l’emprisonnement à tous les niveaux, en sont des exemples. Dans ce sillage, les syndicats autogérés sont accusés d’association de malfaiteurs, la lutte des chômeurs organisés devient de l’extorsion, les affrontements de rue sont sanctionnés par la circonstance aggravante camorristique, les publications ou banderoles sont censurées avec l’accusation d’incitation au crime ou d’apologie du terrorisme. Même l’extension des mesures préventives [5] et du dispositif de “surveillance spéciale” – historiquement utilisées pour punir les pauvres, les brigands et les antifascistes – est l’une des nombreuses conséquences de la fusion des appareils antimafia et antiterroristes et de la nécessité de mettre sur un pied d’égalité l’arsenal de guerre contre la criminalité organisée (médiatique, juridique, linguistique) et les dissidents […].

Ce système est historiquement l’expression d’une culture de la suspicion profondément enracinée et de la tendance, depuis la colonisation du Sud de l’Italie, à transformer la question sociale, les idéaux et les luttes en problèmes judiciaro-criminels”.

– Naples, extrait d’un texte diffusé lors de la grève générale du 23 février –

– Surveillance sociale et surveillance spéciale –

Ainsi, comme l’ont parfaitement analysé les camarades napolitains, je crois que c’est le cas de ma condamnation spécifique pour la Ligue du Nord. Il en va de même pour le “nouveau” procès que je suis sur le point de subir pour 280 (attentat terroriste) à Brescia.

Ainsi, ces procès et ces condamnations ne nous affectent pas seulement en tant qu’individus spécifiques, mais surtout en tant que dynamique tactique et stratégique de l’État italien, complice des guerres coloniales en général et spécifiquement de celle d’Israël en ce moment de l’histoire, avec la patrouille stratégique du navire de guerre dans la mer Rouge et la vente massive d’armes à Israël pour le défendre, ainsi que la complicité dans la répression et l’emprisonnement, sur ordre d’Israël en Italie, de trois Palestiniens avec l’utilisation du 270. L’un d’entre eux est enfermé dans cette section de l’AS2 à Terni. Je leur adresse toute ma solidarité.

C’est dans ce cadre que rentrent ces instruments de répression générale avec les ordres pas si voilés de la puissante machine de la Direction Nationale Anti-Terrorisme Anti-Mafia avec des sentences exemplaires en ce moment historique pour l’ennemi de l’intérieur.

Et en particulier pour les bombes au siège de la Ligue du Nord à Trévise. Avec une disproportion de la peine par rapport aux faits et au crime, une peine sans précédent dans les dernières décennies de l’histoire du mouvement anarchiste, avec l’augmentation de la répression et le changement d’interprétation des lois existantes. Comme la loi sur les “massacres politiques”. Comme, pour la première fois, le massacre a été retenu dans la condamnation d’Anna Beniamino et d’Alfredo Cospito, compagnons anarchistes. Je leur adresse toute ma solidarité et mon estime. Disproportionné est un euphémisme.

Il en est de même pour le nouveau procès de la bombe contre le POL GAI (école de police) avec l’adresse et les ordres de la D.N.A.A. pas si voilée derrière la magistrature de Brescia. Un procès qui s’ouvrira prochainement.

Mais je ne veux pas m’attarder uniquement sur le plan de l’analyse technique des procès, cela sera fait, s’ils le voudront, par d’autres camarades et mieux que moi, ou de la répression comme guigne. Je voudrais plutôt faire ressortir le contexte de lutte de cette action spécifiquement à POL GAI dont je suis accusé. Au-delà de ma responsabilité ou non dans ces faits.

Contexte de cette action, qui pourtant est une méthode utilisée dans l’anarchisme depuis longtemps, et qui dans ce cas précis était la campagne de Décembre Noir lancée par des prisonniers anarchistes en Grèce et avec une réponse internationaliste dans tout le monde de l’anarchisme d’action en 2015.

Et que je voudrais rappeler qui avait :

‘En tant que fil conducteur de l’anarchisme et de l’action directe et avait été en mesure d’unir des camarades de Grèce, d’Italie, de Colombie, d’Espagne, de Suisse, de Hollande, du Royaume-Uni, d’Allemagne, du Mexique, du Chili, d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Canada, des États-Unis, de l’Uruguay, d’Australie, du Pérou, de l’Équateur et de Belgique à travers de nombreuses actions à multiples facettes. Textes de camarades emprisonnés, actions de contre-information et de propagande, banderoles dans les ailes des prisons, manifs militantes et affrontements avec la police, incendies, bombes et vandalisme contre des cibles ennemies, initiatives dans les squats et les centres sociaux, publication d’ouvrages anarchistes décrivant des expériences insurrectionnelles et d’action directe, manuels et analyses théoriques de différentes visions, tous ont contribué à leur manière unique à un front polymorphe de lutte organisée de manière informelle qui internationalise les expériences et passe à l’attaque.

Nikos Romanos, “I attack, therefore I am”.

Et c’est en fait le contexte réel qui a été une contribution de l’anarchisme d’action vivant et qualitatif. Au-delà de ce que dira et dit le pouvoir judiciaire de Brescia, qui veut seulement décontextualiser et dépolitiser cet ensemble d’actions de lutte légales et illégales et qui n’ont aucune importance hiérarchique pour ceux qui ont contribué à l’appel de Décembre noir et que l’action à POL GAI à Brescia en fait partie. C’est ainsi.

Tout comme on veut décontextualiser et dépolitiser mon anarchisme, étant donné les nombreuses fois où la magistrature l’a interprété et falsifié dans les différentes enquêtes et instances judiciaires, comme la “nouvelle” enquête et le procès de Brescia, avec les nombreux rôles dogmatiques qu’elle m’a attribués, parce que, premièrement, je ne suis pas un anarcho-insurrectionnaliste, comme ils le répètent constamment, et je rejette cette figure et ce concept parce qu’ils sont imposés par les différents parquets dans différents procès comme faisant partie d’une catégorie à généraliser et à unifier à volonté pour mieux orienter les enquêtes de la magistrature et de la D.D.N.A.A. Je suis un anarchiste individualiste, et ce ne seront certainement pas les parquets à me catégoriser dans une étiquette stigmatisée pour leur propre bénéfice.

Et c’est ce qu’ils ont fait encore et encore, en interprétant à leur plaisir les différents numéros de la revue apériodique “Beznachalie” qu’ils ont pris comme preuve, ils font cela en continuation, en interprétant et en déformant les textes.

Il s’agit d’ailleurs d’un apériodique public, et non clandestin, occulte ou louche, comme ils veulent le faire croire pour créer un climat de suspicion, et que j’ai toujours revendiqué avec fierté comme faisant partie de mes propres idées et comme un moyen de propagande libre et autoproduit. C’est ainsi que j’ai écrit publiquement dans l’apériodique n° 9, partageant frontalement la méthode et la campagne de Décembre Noir en 2016.

Un appel qui est toujours une méthode-outil valide, une méthode qualitative, et qui fait partie de l’ensemble du mouvement d’action anarchiste.

Précisément, il s’agit d’une méthode d’articulation de tous ceux du mouvement Anarchiste qui la partagent, pas un label ou un acronyme, comme la magistrature et la D.N.A.A. veulent le faire passer, en m’adossant des rôles et des hiérarchies dogmatiques jamais partagées.

Ces réflexions partent toujours de l’autocritique. Je veux ainsi dire clairement et fermement ce que je pense et ce dont je suis convaincu, mais, honnêtement, je ne suis pas intéressé à affirmer nécessairement mes propres raisons.

Mais je crois qu’en lançant des discussions, des propositions et des appels, spécifiques ou généraux et qui devraient déboucher sur des actions multiformes, il s’agit de discussions, de propositions et d’appels vivants, et il est important d’en discuter entre camarades. Il faut donc se rappeler que tous les camarades qui se reconnaissent sont du même bord, donc pas des ennemis, sinon à quoi bon discuter ou faire des choses ensemble ?

JE crois que lorsqu’il a été décidé d’avoir des discussions, des propositions et des appels, il serait très opportun et conseillé de nous dire clairement ce que nous voulons obtenir de ces discussions, propositions et appels, et les raisons pour lesquelles nous prenons en charge l’articulation de manière informelle dans l’anarchisme d’action. Tout comme je crois aussi que pour commencer les discussions et les propositions, il serait bon d’être clair en perspective, ce qui signifie simplement penser d’abord aux différentes problèmes que nous pouvons trouver, ou à beaucoup d’autres choses qui pourraient être utiles, ou sur quoi et quelles actions nous ne sommes pas d’accord.

Ou pourquoi : “si les camarades ne devaient être défendus que dans les limites du mouvement anarchiste international, en ne faisant de la propagande que sur les motivations des anarchistes et en n’acceptant que les forces étrangères désireuses de rester dans les limites de ces motivations” (Alfredo Maria Bonanno).

Je pense qu’il faut d’abord procéder ainsi par souci de logique, et que l’on évitera bien d’autres problèmes inutiles. Ensuite, je crois qu’en dehors de ce que souligne Bonanno, qui pour moi est bien en général, pour les camarades anarchistes et en particulier si l’on n’est pas d’accord avec les actions ou les propositions d’actions qui ont conduit les camarades en prison. Cependant, si l’on est politiquement d’accord avec les luttes et les actions dont ils sont accusés, je crois que l’on devrait rappeler les causes pour lesquelles les camarades sont en prison ; certainement si l’on est d’accord. En outre, je crois que c’est nous, anarchistes, qui devons tenir fermement notre boussole et nos projets anarchistes de praxis et le gouvernail droit de l’action directe et de la rupture contre toute autorité et ne pas nous laisser porter par les différentes vagues. Ceci étant clair, il est évident que les réformistes joueront les réformistes et que le monde de la presse et du show-business fera de nous un spectacle sensationnel et grossier, et nous occultera probablement de manière spectaculaire, même lorsque nous serons sur toutes les télévisions du monde ; c’est cela le spectacle, c’est cela la fiction, c’est cela l’illusion. Mais est-ce que nous, anarchistes, devrions nous soucier de cela ? Pas si notre projectualité anarchiste et révolutionnaire nous est claire et que nous la poursuivons, parce que les forces réelles sont tout à fait différentes. Sinon, comment pensons-nous nous situer dans une révolte plus large ou dans une insurrection et dans la révolution ?

Il faudrait donc s’interroger et s’interroger sur ces propositions, mais d’abord entre camarades :

“si les anarchistes font tout ce qu’ils peuvent pour élargir leur propagande, pour impliquer le peuple, pour se faire entendre du plus grand nombre, comment alors, lorsque l’occasion se présente, ne pas accepter la collaboration de forces politiques et intellectuelles dont on sait très bien où elles veulent aller ?

Comment sortir du dilemme ? De façon simple, en partant toujours de la thèse que pour nous le fait technique est secondaire, et que si des camarades sont accusés, emprisonnés et dans certaines occasions, même exécutés, cela arrive seulement et parce qu’ils sont anarchistes, indépendamment du fait objectif qui constitue élément de débat du procès mais qui pour nous, révolutionnaires, n’a qu’un intérêt marginal. Nous ne devons jamais perdre ce point comme élément central de la campagne de défense politique” (Bonanno).

Mais en même temps, nous devons avoir notre autonomie au sein de l’anarchisme pour ne pas subordonner nos perceptions à une structure centralisée. En assumant les propositions et les appels, comme méthode et donc aussi comme l’espace-temps, c’est ainsi que nous soutenons tout ce qui est développement d’initiatives individuelles et de divers collectifs et groupes, afin que la créativité individuelle et collective des camarades puisse se développer de manière inventive et informelle. Ce faisant, on n’est pas soumis à une quelconque volonté d’une tendance politique. Et la tentative de créer des bases, en tant que camarades, avec une coexistence saine entre les diversités de l’anarchisme d’action et d’essayer d’avoir un approfondissement entre les différentes perspectives dans l’anarchisme. En s’efforçant et en reconnaissant la contribution sincère de toutes les différentes visions de la lutte. Tel devrait être pour moi l’objectif.

Aux camarades, je dis que c’est une méthode d’articulation qui aurait l’intention de créer des relations de lutte pour être capable de reproduire des outils méthodologiques de manière réfléchie et de suivre les luttes de manière constante et assidue. Et n’abandonnez pas les chemins et les situations auxquels même d’immenses vendettas sont promises en paroles, et je dis en paroles par expérience parce que ces promesses, vendettas et chemins tombent presque tous dans le vide après le moment d’excitation momentanée, et lorsqu’une certaine période de temps s’écoule, alors malheureusement viennent d’autres promesses et appels momentanés de “mode” et d’excitation. Et le chemin précédent tombe dans le silence absolu avec ses promesses et ses vengeances. Et attention, je fais mon autocritique. Et nous suivons continuellement, de-ci de-là, les luttes du moment d’urgence, sans véritable continuité.

Je pense qu’il suffirait d’avoir l’intelligence d’inclure celles qui ont commencé et de les relier par un fil conducteur aux causes générales de la lutte et aux luttes de nécessité qui viennent s’ajouter dans l’instant, pour éviter une déperdition d’énergie et aussi pour la perspective et la continuité. Comme c’est le cas, par exemple, avec le silence assourdissant depuis quelques mois en ce qui concerne le parcours et la question de la rétrogradation d’Alfredo du 41bis, contre le 41bis et l’abolition de la prison à vie, parce qu’il y a une autre nouvelle urgence. Et attention, je ne dis pas que ces nouvelles urgences ne sont pas à suivre, ou qu’il n’est pas bon de s’engager, au contraire. Mais… je crois que nous devrions rechercher de manière réfléchie les bons outils méthodologiques, tels que les méthodes utilisées dans les luttes mentionnées, afin que ces caractéristiques puissent émerger lorsque nous décidons de toutes les campagnes d’action autonome. Et il serait bon que cela ne soit plus basé sur les urgences des grèves de la faim des prisonniers, mais sur les luttes et les questions qui sont nées et ont été décidées collectivement pour utiliser ces méthodes. De cette façon, nous aurions la possibilité de les développer en suivant nos propres rythmes et non les rythmes de l’urgence et donc des circonstances et le rythme que nous donne l’État, et ainsi essayer d’intensifier le conflit avec un fil conducteur et une perspective.

Cela c’est pour moi d’essayer en pratique de lancer des perspectives d’action dans le concret, ouvertes et multiformes pour tous les anarchistes d’action et les opprimés qui veulent lutter, d’essayer de s’articuler et de s’organiser de manière informelle avec d’autres anarchistes et non-anarchistes.

Je crois que laisser l’espace ouvert aux actions multiformes et à toutes ces différentes individualités anarchistes devrait empêcher qu’ils deviennent la “propriété privée” d’une tendance anarchiste spécifique, ou une pratique anarchiste spécifique exclusive de telle ou telle tendance. Au contraire, elles devraient devenir des méthodologies et des outils pour tous les camarades qui veulent transformer l’anarchisme d’action en une véritable contre-action contre le système.

Et ces méthodes ont été utilisées dans la grève d’Alfredo, pour la fermeture de la section de l’AS2 à L’Aquila [6], ou pour l’appel à un Décembre Noir. Cet outil méthodologique était en fait un lien de communication entre les différentes pratiques anarchistes locales et internationalistes. C’est cela qu’il faut analyser et savoir réutiliser… toutes les pratiques : analyser-essayer-savoir-reutiliser en fonction de leurs qualités et de leur utilité. De plus, on a réussi à l’étendre à des composants non anarchistes. Et cela, de mon point de vue, c’est positif.

Pour moi, il s’agit donc de créer ces outils méthodologiques relationnels. Et en pratique, dans les luttes mentionnées, il y a eu, à chaque fois différemment, la coexistence créative de camarades d’origines et de conceptions idéologiques différentes et donc, en fait, le dépassement dialectique des tendances. Comme le dépassement de l’enlisement dans la seule théorie et de l’impasse sclérosante de la course constante derrière les émergences. Mais, camarades, nous devons en fait essayer de surmonter et de créer des dynamiques différentes et inverses à la “culture” et à l’environnement qu’il y a dans l’anarchisme, comme l’enracinement de ghettos et de différentes paroisses idéologiques avec l’environnement raréfié, parce que rien de positif ne sort de cette façon. Telle est ma volonté. Et je crois que ce devrait être la volonté des camarades qui veulent lutter dans l’action anarchiste en tant que minorité anarchiste et révolutionnaire non systémique, qui ne veulent pas s’enfermer dans le dogmatisme, et qui essaient de changer et de créer un nouveau paradigme à partir de la base.

Tout comme je crois qu’il est important de changer l’approche de la destruction de la distinction entre légal et illégal en tant que conception hiérarchique de ce que l’on fait ou de ce que les autres font. De manière à ne pas juger ou protéger a posteriori telle ou telle forme d’action. Et donc la réalisation pratique d’une perception naissante pour que les hiérarchies des moyens de lutte soient éliminées, mais par la praxis, l’action, dans la diversité de l’anarchisme. Pour que chaque individualité puisse être dans la diversité, une partie de la totalité de l’anarchisme d’action. Et non la polarisation continue de l’anarchisme d’action.

J’aime cet outil méthodologique parce que, en plus d’être utile et qualitatif, dans la pratique il a des caractéristiques d’ouverture et d’inclusion, il n’est pas pour une tendance exclusive de l’anarchisme, qu’elle soit nouvelle ou ancienne, au contraire, il le laisse ouvert à ceux qui ont choisi d’assumer la complexité de tels appels et propositions afin que chacun puisse agir selon les conditions qu’il veut et de la façon dont chaque individualité et collectivité choisit de le faire. Pour moi, c’est cela l’informalité. Pour moi, c’est la base de l’horizontalité de l’anarchisme. Et cela n’est pas synonyme de ne pas avoir de discussions animées ou de ne pas critiquer de manière constructive, même de manière virulente. Il faut aussi être conscient qu’on ne peut pas tout homogénéiser, il faut aussi choisir avec qui, pourquoi et comment : “parce qu’un mouvement, même révolutionnaire, a ses propres besoins de développement, certaines divergences d’opinion, certaines réserves légitimes, qui ne peuvent pas être mises de côté d’un seul coup” (A.M.B.).

Et nous savons comment le faire, comme nous l’avons expérimenté dans diverses luttes spécifiques, ou générales comme l’était l’appel d’Alfredo. Pour L’Aquila, pour la fermeture de la section de l’AS2 et pour Décembre noir.

Bien que dans la diversité des contextes et des objectifs spécifiques, c’est la même méthode qui a été utilisée en Grèce, celle d’une poignée de prisonniers soutenus par une assemblée de camarades qui a conduit à l’abolition des prisons spéciales, à la réduction de la loi contre la « dissimulation du visage »” lors des manif et à la loi sur l’ADN. Ce n’est pas rien. Pourtant, certains camarades n’ont pas manqué de souligner les limites, toujours présentes aujourd’hui, de cette méthode. Je crois qu’il faut affiner la méthode : pas les limites. Et sortir de l’urgence habituelle, et être capable de reproduire différents outils méthodologiques de manière réfléchie.

Je crois que c’est encore une bonne direction méthodologique à articuler, et nous l’avons fait plus d’une fois de manière pragmatique dans une coexistence créative de camarades avec des origines et des positions idéologiques différentes et avec des conceptions différentes de l’anarchisme de praxis. Et le résultat, dans le positif comme dans le négatif, qu’on le veuille ou non, est le résultat de tous ces anarchistes qui ont voulu lutter ensemble dans la diversité pour créer cela. Mais attention, ce sont les forces réelles que nous avons pu créer et mettre en œuvre, ni plus ni moins. Et je crois que c’est à partir d’elles qu’il faut repartir, les analyser, les affiner, et enfin les reproduire méthodologiquement pour les augmenter qualitativement.

En tant que prisonnier :

“Dans les heures interminables de la dimension morte et désolée de la prison, nous essayons souvent d’analyser les données qui concernent les réalités extérieures, malgré le peu de stimuli qui nous parviennent. Observer, analyser, utiliser et surveiller les événements qui se déroulent dans une dimension spatio-temporelle parallèle est une condition qui ne doit pas être traitée de manière circonscrite, mais plutôt avec des efforts constants pour se connecter avec des camarades hors des murs qui mènent leurs propres luttes contre l’autorité”.

Nikos Romanos, “J’attaque donc je suis”

C’est pourquoi, en tant que prisonnier anarchiste, avec mes limites, je continue à lutter – vivre par la pensée et l’action. En étant conscient que mes analyses et mes observations sont toujours filtrées par le trou de la serrure de la cellule de prison et qu’elles peuvent facilement être induites en erreur par les limitations imposées par l’isolement carcéral.

Mais cela ne veut pas dire que nous cessons d’essayer de faire des analyses ou de nous efforcer de nous connecter à nos camarades et aux différentes luttes. Mais sans une continuité d’échange réciproque, d’approfondissement entre l’extérieur-intérieur et l’intérieur-extérieur, les débats relationnels de fait stagnent et les camarades restent en dehors des chemins et des discussions, et les liens et les connexions avec les camarades intérieur-extérieur et extérieur-intérieur ne parviennent pas à contribuer et à formuler des méthodologies. Je crois que ces outils méthodologiques de connexion avec les camarades sont nécessaires.

Solidarité avec les prisonniers palestiniens emprisonnés par les États bellicistes d’Israël et la complicité de l’Italie.

Solidarité avec la résistance des Palestiniens opprimés qui résistent au colonialisme d’Israël et de l’Occident par la guérilla armée depuis 75 ans.

Solidarité avec ceux qui luttent contre le racisme, le colonialisme, l’apartheid et la guerre qui commence ici.

Solidarité avec les antifascistes en Hongrie.

Solidarité avec mes camarades jugés pour la manif au Brenner.

Solidarité avec nos camarades Monica Caballero, Francisco Solar et Marcelo Villarroel.

Solidarité avec Juan Aliste, Joaquin Garcia et Juan Flores.

Solidarité avec les camarades emprisonnés au Chili, en Grèce, en Russie, en Biélorussie et en Ukraine, solidarité révolutionnaire !

Solidarité avec les prisonniers Mapuche !

Déclassification d’Alfredo Cospito du 41bis

Solidarité avec Alfredo et Anna.

Contre le 41bis qui anéantit les prisonniers enfermés.

Solidarité internationale avec les prisonniers de la lutte sociale dans le monde entier.

“Nous devons lutter et lutter pour que la disproportion soit écrasée”

pour la propagation des pratiques de solidarité révolutionnaire !

Et, quelle que soit la voie empruntée, toujours avec le cœur et pour l’anarchie !

18/03/2024
Prison de Terni AS2
Juan Sorroche

 

1 Alta Sicurezza, Haute Sécurité, régime spécial de détention pour les détenus considérés particulièrement dangereux, il y a des différentes groupes selon le type de crime : mafia, drogue, terrorisme. L’Alta Sicurezza est quand même un régime moins restrictif du 41 bis. [NdT]

2 Procès à 53 camarades pour les deux journées de révolte contre le TAV en Val di Susa du 27 juin et 3 juillet 2011. [NdT]

3 Camarade de Naples accusé d’avoir attaqué le Consulat grec en 2021, dans le contexte de la campagne de solidarité avec le prisonnier révolutionnaire Dimitris Koufontinas, à l’époque en grève de la faim. Après un an de prison an AS2 à Terni, il est aux arrestations domiciliaires depuis mars 2024. [NdT]

4 Loi du décembre 2023 qui a durci la répression à l’envers des mineurs. [NdT]

5 Les “misure di prevenzione“, parmi lesquelles la plus grave est la surveillance spéciale, sont des mesures restrictives de la liberté personnelle octroyées sur la seule base de la dangerosité sociale. [NdT]

6 En 2019 dans la prison de L’Aquila une section de AS2 féminine a été ouverte pour trois camarades anarchistes et une prisonnière musulmane. Etant donné que dans la même prison il y a une section de 41 bis, les conditions de détention étaient plus dures que dans d’autres section de AS2. Les camarades ont entamé une grève de la faim qui est durée plus d’un moi, suivies par des camarades reclus dans d’autres prisons et, à l’extérieur, les camarades ont fait plusieurs actions contre cette nouvelle section de AS2 qui a été enfin fermée. [NdT]

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