La Voix du Jura / lundi 20 juillet 2020
Les auteurs des dégradations, deux hommes de 38 et 58 ans, ont été condamnés respectivement à 4 ans et à 3 ans de prison ferme avec un retour immédiat en détention. Ils devront également payer une énorme somme en dommages et intérêts (une procédure civile a été programmée le 16 janvier 2021). Arrêtés le 25 mai et déférés devant le parquet le 27 mai, les deux prévenus, en détention provisoire depuis cette date, avaient été présentés devant les juges une première fois le 9 juillet. Les avocats des auteurs ayant demandé un délai de défense, le procès avait alors été reporté.
Cette affaire se décline en trois épisodes. Tout d’abord, un feu d’engins de chantiers puis d’une antenne relais Orange à Foncine-le-Haut, les 12 et 15 avril 2020, et enfin la tentative d’incendie du McDonald’s de Champagnole, dans la nuit du 6 au 7 mai 2020, à 1 h 28 du matin. Ce sont les dégradations sur le dispositif de téléphonie, et des analyses ADN qui s’en sont suivies, qui ont été le point cardinal de l’enquête. Elles ont permis d’identifier les deux coupables : un trentenaire que nous appellerons Marc* et un cinquantenaire que nous nommerons Alban*.
Les deux protagonistes vivent à Foncine-le-Haut et son voisins. Les incendiaires partagent également les mêmes idées politiques. Ils sont clairement antisystèmes, aiment s’informer de manières différentes des médias classiques et sont adeptes de nombreuses théories du complot.
« Je me classe comme complotiste », affirmera Alban à la barre. « Je ne participe plus à cette société ». Les deux individus sont notamment opposés à la 5G. Pour eux, ce réseau mobile est « mauvais pour la santé et pour l’environnement ».
C’est dans cet état d’esprit que Marc*, le plus jeune des protagonistes, va commettre les premières dégradations. Promenant son chien dans un bois qu’il connaît bien et qu’il aime arpenter depuis l’enfance, ce dernier va voir rouge quand il aperçoit des engins de chantier stationnés avec, à côté, des arbres coupés. Pour lui, « c’est un saccage de la forêt » et, en plus, « ce chantier masque la construction d’un pylône 5G ». Marc va alors mettre le feu à ces pelleteuses, à l’aide de bouteilles en plastique contenant un liquide inflammable. Deux jours plus tard, sur la même commune, c’est au tour de l’antenne relais d’Orange de passer sur le gril. Avec la même volonté de nuire à la 5G et le même mode opératoire : l’utilisation d’engins incendiaires, des cocktails Molotov. Sur les lieux du sinistre, les forces de l’ordre vont relever des traces d’ADN de Marc et d’Alban. Le premier reconnaîtra ces faits en garde à vue, tandis que le second les niera en bloc.
« On a fait un barbecue ensemble et je suis allé me coucher car j’étais fatigué », confiera Alban aux magistrats. « Je ne savais pas que Marc allait faire ça ». « Mais alors comment a-t-on pu trouver votre ADN sur une bouteille près de l’antenne », lui demandera d’un air circonspect la présidente du tribunal. Il répondra : « On partage le même garage avec Marc, on habite au même endroit ».
Plus tard, le 7 mai 2020, c’est également un argument politique qui a conduit à la tentative d’incendie du McDonald’s de Champagnole. Cette fois-ci plus de 5G mais « un geste pour marquer les esprits » face à ce qui représente, pour, eux « la malbouffe ». À 8 h 29 du matin, les deux hommes vont briser une vitre du restaurant fast-food avant d’y allumer deux cocktails Molotov. L’intervention rapide des secours a réussi à rapidement maîtriser le feu, qui occasionnera de gros dégâts pour l’établissement de restauration rapide.
« Plus de 60 000 € de réparations », selon l’avocat du McDonald’s de Champagnole. Cette fois-ci, c’est encore leur ADN, récolté sur une capsule de bouteille de bière et un mégot de cigarette, mais aussi les images de vidéoprotection (du McDonald’s et de la Ville), qui ont joué un tour aux deux prévenus.
En garde à vue, ils vont d’abord nier les faits. « Pour moi, il vaut mieux brûler un bâtiment qui appartient à l’État, comme un tribunal, qu’un McDo », se défendra Alban lors de son audition devant les enquêteurs. Ces derniers vont finalement reconnaître leurs méfaits en argumentant « de vouloir défendre le petit restaurateur, le petit artisan », contre des restaurants comme McDonald’s, « que l’État a permis de rester ouvert pendant le confinement ».
Alban, patron d’une pizzeria dans sa commune de résidence, a dû fermer son établissement à cause du Covid-19. Et il a été énervé de voir « toutes ces files de voitures faire la queue devant les McDo alors que, nous, on crève et personne ne nous aide ». Marc explique « avoir agi sur un coup de tête » et de ne pas « en avoir spécialement après le McDo de Champagnole ». Pour lui, « qui prone une écologie radicale », s’en prendre à McDonald’s « a une dimension symbolique ».
Dans ses réquisitions, le procureur de la république de Lons-le-Saunier va demander aux juges de condamner Marc et Alban à respectivement 6 ans et 4,5 ans de prison ferme. Le tribunal a été moins sévère dans son jugement mais n’a pas évité aux deux hommes un retour par la case détention.