Le Parisien / dimanche 15 mars 2020
L’épidémie de coronavirus oblige les forces de l’ordre et la justice à s’adapter. Qu’elles soient touchées directement par l’épidémie de Covid-19 ou prennent des mesures de précaution pour éviter sa propagation, la justice, la police et la gendarmerie vont se concentrer uniquement sur les tâches les plus urgentes.
Service minimum dans les tribunaux. Dès lundi, les tribunaux français seront fermés « sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels », a annoncé Nicole Belloubet dimanche 15 mars. Seules les audiences indispensables comme les comparutions immédiates restent maintenues. La ministre de la Justice demande aussi aux tribunaux « d’annuler les sessions d’assises compte tenu des risques de contagion pour les jurés et le public ».
Des enquêtes au ralenti. Une circulaire de 13 pages adressée samedi soir par la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) à tous les procureurs, et que le Parisien-Aujourd’hui en France a pu consulter, donne le ton dès les premières lignes. « Les mesures prises afin de freiner la propagation du virus […] vont conduire à fortement réduire l’activité tout au long de la chaîne pénale ». La DACG demande ainsi aux procureurs de « limiter les défèrements aux faits pour lesquels une mesure de sûreté apparaît indispensable ». Les procureurs sont aussi invités à passer des consignes aux policiers et gendarmes pour prioriser les « enquêtes de flagrances présentant un fort enjeu en termes d’ordre public. » La DACG recommande par ailleurs aux enquêteurs, de « limiter les interpellations » aux procédures les plus urgentes et demande à ce que les juges d’instruction « différent les interpellations ne présentant pas de caractère d’urgence. »
Des prolongations de détention sans débat ? C’est un des points sensibles de cette note et il fait grincer les dents des avocats et de certains magistrats. Pour la DACG, les circonstances exceptionnelles engendrées par le coronavirus « paraissent pouvoir autoriser la juridiction à se prononcer sur la prolongation de la détention provisoire sans procéder à la tenue du débat contradictoire prévu par la loi. » En clair, un tribunal pourra décider unilatéralement de prolonger la détention provisoire d’une personne mise en examen sans que celle-ci ne puisse assister au débat ni même être représentée par un avocat. « Une réduction intolérable des droits de la défense », dénonce un magistrat parisien.
Limiter les incarcérations. La justice a conscience que la promiscuité en prison risque d’aggraver l’épidémie. Des premiers cas de coronavirus ont ainsi été détectés en détention ces derniers jours. « Afin de limiter et de réduire le nombre des personnes détenues, il conviendra, lorsque cela est possible, de différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement » des personnes condamnées, demande la circulaire de la DACG.
Des contrôles judiciaires simplifiés. Face aux coronavirus, il faut limiter au maximum les interactions sociales. Cela tient aussi pour les personnes mises en examen et soumises à un contrôle judiciaire. « L’obligation de se présenter à un service d’enquête à des intervalles très rapprochés pourrait être utilement modifiée », précise la note de la DACG. Au lieu de pointer tous les jours dans un commissariat ou une gendarmerie, un suspect pourrait donc ne pointer plus qu’une fois par semaine avec l’accord d’un juge.
…en attendant encore plus de militaires dans les rues