A2day.net / s.d. [mais peu avant le 23 février 2020]
Nous avons déjà exprimé par le passé notre opinion sur l’affaire « Réseau » et sur les contradictions qui y sont liées. Depuis, rien ne s’est amélioré. Les inculpés ont choisi le rôle typique des victimes du régime, sans se démarquer de toutes les autres. C’était plus pratiques pour les familles, les militant.e.s des droits de l’homme et les milieux libéraux, qui dénonçaient une nouvelle 1937 [référence aux procès que le régime stalinien a engagé contre des opposants, réels ou plus souvent supposés, en cette année ; NdAtt.]. Le procès du groupe de Penza s’est terminé, et les accusés ont reçu des peines énormes, de 6 à 18 ans.
Le pire, c’est que la défense est rentrée dans le jeu des autorités. Le FSB [les services secrets russes; NdAtt.] ont essayé de prouver le crime de conspiration anarchiste, tandis que la défense a passionnément nié l’existence même d’une organisation anarchiste, sans contester son caractère « criminel ». Mais, dans cette affaire, l’existence d’un groupe clandestin anarchiste aurait été de la plus grande importance, puisque cela aurait donné un sens à la punition cruelle qui avait lieu : au moins quelqu’un.e aurait osé défier cette autorité tant détestée. Qui sait, si les gars avaient endossé une position active de participants à un groupe anarchiste clandestin, les autorités n’auraient peut-être pas osé les faire connaître avec des sentences si énormes.
Au lieu de cela, il n’y a eu que d’autres victimes du système répressif russe, punies de façon démonstrative, pour intimider la société. Les autorités et l’opinion publique ne se sont pas souciés de l’idéologie de ces types, l’anarchisme est resté parole morte, sans aucun contenu. Pour les autorités, le fait de se justifier et la non-violence semblent être des éléments aggravants ; les faibles sont toujours frappés et punis d’autant plus qu’ils clament leur innocence. Dans cette affaire, l’effet d’intimidation maximale est atteint et il a été largement relayé et diffusé parmi l’opinion publique. Nous ne pouvons que regretter cette évolution.
On aurait pu s’arrêter là, si la situation n’avait pas été encore pire. Il y a des côtés sombres dans cette affaire, qui ont été constamment passés sous silence par le groupe de solidarité, ainsi que par d’autres personnes. À l’automne 2019, plusieurs filles ont accusé Arman Sagynbaïev de sadisme, de viol et d’abus de confiance. Il s’est avéré que les participant.e.s du groupe de Penza, ainsi qu’un certain nombre d’autres anarchistes, connaissaient dans une certaine mesure ces faits. Le groupe de Penza a même éloigné Sagynbaïev « pour son attitude inacceptable envers les femmes », mais il est resté en contact avec lui, d’une certaine manière. Cependant, Sagynbaïev n’était pas le plus grand salaud parmi eux.
Au début, on savait que Kulkov et Ivankin étaient accusés de trafic de drogue. Cela semblait n’être qu’un épisode privé, insignifiant. Avec le temps, la véritable ampleur de cet « épisode privé » a été connue, par le biais des documents de l’affaire et à la correspondance de Tchernov, versée au dossier. Au moins sept (!) personnes de la bande de Penza, sous la direction de Pchelintsev, étaient impliquées dans la production et le commerce de drogue à une grande échelle. Il est probable que seulement Shakursky et Kuksov, qui se tenaient un peu à l’écart des autres, n’aient pas été au courant de ce qui se passait. Rien que cela suffirait pour tourner le dos avec ressentiment à ces personnes et pour avoir une discussion publique sur cette situation. Alors, comment les membres de ce « cartel de la drogue de Penza » peuvent-ils être considérés comme des révolutionnaires et des héros ?
Mais les faits sont encore plus choquants. Pris au piège pour la drogue, Kulkov, Ivankin et Poltavec ont décidé de s’enfuir. Ils étaient accompagnés de deux autres personnes qui participaient au trafic de drogue, qui ont décidé ensuite de rentrer chez elles. Au lieu de rentrer, elles ont été simplement tués, parce que que témoins indésirables. Nous ne considérons pas fondamental de savoir qui précisément les a tués, cela sont les conséquences typiques de la transformation d’un collectif en une bande de trafiquants de drogue.
Le groupe de soutien craignait que de telles informations ne portent atteinte à la réputation des autres accusés dans l’affaire « Réseau ». Depuis février 2019, le groupe de soutien a continué à façonner une image positive des accusés de Penza, en manipulant les sentiments et la solidarité de tou.te.s ceux/celles qui croyaient en eux, en Russie et dans le monde entier. Comme on peut le constater, couvrir des crapules, même avec des bonnes intentions, ne peut qu’entraîner les pires conséquences pour tout le monde. En raison de ce genre d’attitude envers le mouvement anarchiste, il est impossible de faire encore confiance à l’Anarchist Black Cross Moscou ; nous ne pouvons pas être sûr.e.s qu’ils ne cachent pas des informations de ce genre.
Nous tenons particulièrement à souligner, vis-à-vis des anarchistes du monde entier, que les membres des groupes autonomes du Réseau de Saint-Pétersbourg et d’autres villes n’ont rien à voir avec les événements honteux de Penza.
Nous appelons à la solidarité avec Ilya Romanov, Viktor Filinkov, Julian Boyarshinov, Azat Miftakhov, Evgeny Karakashev.