Prison de Sassari (Italie) : Une lettre de Robert

Round Robin / lundi 2 septembre 2019

Salut tout le monde !
C’est Robert ; depuis le 6 juillet, je suis enfermé dans la prison de Sassari. Avec une compagnonne et un compagnon, je suis accusé de l’envoi de “colis piégés” à deux Procureurs, Sparagna et Rinaudo, et au directeur de l’Administration pénitentiaire*. A l’aube du 21 mai, on a été perquisitionné.e.s et amené.e.s en prison. Beppe et moi on a été enfermés à Opera, où on a passé un mois dans la section d’« observation ». Il s’agit de l’endroit où sont placés les détenus qui doivent purger les 15 jours d’isolement punitif ou ceux qui sont considérés comme étant susceptibles de s’automutiler. Dans notre cas, on s’est retrouvés dans cette sections puisque à Opera il n’y a pas de AS2, mais « seulement » des sections AS1, AS3, ainsi que l’immanquable 41bis. Étant donné qu’on avait l’interdiction de communiquer avec les autres détenus, on a passé un mois dans des cellules individuelles, avec la porte blindée toujours fermée et une heure de promenade le matin, dans une petite cour sordide. Dans cette section était aussi interdit d’utiliser des camping-gaz, du coup on s’est adaptés à la nourriture de la prison, presque toujours immangeable. Ce n’est pas que j’aille jamais eu beaucoup d’attentes positives sur ces lieux d’anéantissement psychologique et physique. Après un mois, j’ai été transféré : on m’a amené dans la section AS2 de Terni, où je suis resté deux semaines. Pas contents de ces déplacements, le 6 juillet on m’a transféré à Sassari, où il y a une section AS2, utilisée jusqu’à là pour enfermer des détenus islamistes accusés de terrorisme ; de toute évidence 2019 l’année de l’expérimentation de l’assortiment anarchistes/islamistes. Cet endroit est défini par les prisonniers eux-même comme « Le Guantanamo italien », pour la dureté et les restrictions du régime carcéral, ainsi que par son éloignement de tout, ce qui, en plus de rendre difficiles les parloirs [Sassari est dans le nord de la Sardaigne, dans une zone difficile à rejoindre depuis le reste de l’Italie – c’est pas pour rien que dans cette région il y a eu par le passé d’autres prison « punitives » comme celle, tristement connues, de l’Asinara, presque détruite par une révolte des prisonniers, notamment issus de mouvements révolutionnaires, en octobre 1979; NdAtt.], ouvre la possibilité, pour la direction de la prison, de prendre des décisions et des mesures disciplinaires de façon encore plus arbitraire qu’à l’accoutumée.

Je vais faire quelques rapides considérations à propos de l’opération Prometeo. L’enquête, mené par le ROS [Raggruppamento Operativo Speciale des Carabinieri, qui s’occupe de criminalité organisée et de terrorisme; NdAtt.] de Turin, coordonnées par le Parquet de Milan, est l’énième tentative minable de frapper les anarchistes en tant que tel.le.s.

Les défenseurs de l’ordre doivent forcement donner une justification à certains actes, ils doivent fabriquer des mobiles et attribuer des responsabilités. Les enquêteurs, diligents, ont démontré cette fois aussi leurs dons de créativité, en piochant dans le tas, en instrumentalisant misérablement des écoutes et des discussions ordinaires, se cramponnant à n’importe quoi afin de donner un peu de substance au néant. La correspondance avec des prisonniers et l’organisation d’événements solidaires deviennent pour eux les points forts sur lesquels s’appuyer pour enquêter et sont le prétexte pour inventer des liaisons et des interprétations forcées. Rien de nouveau, rien qu’on ait pas encore vu dans les affaires qui ont frappé différentes situations, dans les mois et les années passés.

En cette époque d’hystérie et de chasse aux sorcières, l’État ne perd pas l’occasion pour fomenter la guerre entre pauvres, créant des sujets indésirables (les anarchistes, les étranger.e.s, les vandales…) pour détourner l’attention des turpitudes qu’il met en place chaque jour. Et à l’aide de directives lâches et liberticides il essaye de toute manière possible de se libérer de ceux/celles qu’il considère de trop et celles/ceux qui contrecarrent les intérêts des patrons.

C’est avec beaucoup de retard, à cause de la censure, que j’ai été mis au courant de la grève de la faim des compagnonnes et des compagnons et de la mobilisation qui s’est mise en place pour rompre l’isolement et relayer à les mots et les luttes des prisonnier.e.s. je pense que c’est intéressant qu’on soit en train de développer un discours qui aille plus loin de l’immédiat, dans le souhait de ne pas se faire trouver impréparé.e.s dans d’autres occasions de ce type. J’envoie donc une forte accolade a tou.te.s celles/ceux qui ont mené la grève de la faim et ceux/ celles qui luttent, à l’intérieur comme à l’extérieur de ces murs assassins.

Massacreur et terroriste c’est l’État.
Avec amour et rage, avec le cœur par delà les barreaux. Allez !

Robert

date de cette lettre : 17 juillet 2019
date du tampon de la censure de la prison : 5 août 2019

* note des compas qui ont transcrit cette lettre : on parle de l’ancien (en 2017) directeur de l’AP, Santi Consolo. Le directeur actuel est Francesco Basentini.

*****

Pour lui écrire :

Robert Firozpoor
C. C. di Sassari – Bancali
Strada provinciale 56, n. 4
Località Bancali
07100 – Sassari (Italie)

et les adresses des autres deux compas arrêté.e.s lors de l’opération Prometeo :

Natascia Savio
C. C. di Piacenza
Strada delle Novate, 65
29122 – Piacenza (Italie)

Giuseppe Bruna
C. R. di Rossano Calabro
Contrada Ciminata snc
87064 – Corigliano-Rossano (Italie)

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