Le Télégramme / mercredi 5 juin 2019
Le tribunal correctionnel de Rennes a condamné ce mardi, à des peines de prison avec sursis, 19 prévenus poursuivis pour des dégradations commises dans le métro rennais en mai 2016, lors d’une manifestation contre la loi Travail.
Dix-huit des vingt prévenus poursuivis étaient présents ce mardi à l’audience, les deux autres étant à l’étranger pour leurs études. Tous étaient renvoyés devant le tribunal pour dégradations du bien public et association de malfaiteurs. Le 19 mai 2016, au plus fort de la contestation de la « loi Travail », ils avaient participé à une action « transport gratuit » consistant à désactiver les bornes de paiement dans 6 stations de métro rennaises, au moyen parfois de bombes de mousse expansive.
Une opération concertée et préparée : « Il y avait un tableau où il fallait s’inscrire selon la station de métro où l’on souhaitait intervenir. Il y avait une boîte sur place où l’on pouvait récupérer du matériel pour l’action : bombes de mousse expansive et des pass pour ouvrir les bornes », ont reconnu les prévenus devant les juges. En revanche, ils ont nié le caractère clandestin de cette action dont le principe avait été soumis au vote, le 18 mai 2016, lors d’une assemblée générale dans les locaux de Sciences Po Rennes. « Toute cette histoire est partie d’un fantasme des policiers du renseignement », a affirmé le plus âgé des prévenus en réponse à un rapport de police faisant état d’une action « d’un groupuscule d’ultra-gauche », aux méthodes « paramilitaires ».
Surveillés par la police depuis plusieurs jours, ils avaient été interpellés en flagrant délit par la police le 19 mai 2016. « Vous comprenez la stupeur de ces jeunes gens, tout juste majeurs, quand ils ont été arrêtés sous une qualification criminelle et qu’on leur a demandé s’ils avaient des explosifs chez eux avant de leur parler d’un placement en détention provisoire alors qu’ils ont un casier judiciaire vierge », ont argumenté leurs avocats à ce sujet.
À l’audience, les auteurs des dégradations ont reconnu les faits. « Le but était simplement de désactiver les bornes pour assurer la gratuité des transports afin que tout le monde puisse venir manifester, même les plus précaires », a précisé une jeune femme qui a inscrit cette opération dans le cadre du « mouvement social » contre la « loi Travail ». Un mouvement qui avait amené certains d’entre eux à occuper, pendant plusieurs jours, la salle de la Cité à Rennes. L’endroit, considéré comme le quartier général de la contestation sociale, avait été évacué quatre jours avant l’action dans le métro. « Le contexte était très particulier, a estimé Me Maxime Gouache, l’un des avocats de la défense. Le ministre de l’intérieur était venu à Rennes quelques jours auparavant en promettant la plus grande fermeté ».
Pour le procureur de la République qui a requis des peines de six mois de prison avec sursis pour tous les prévenus, l’organisation du mouvement et l’action simultanée dans plusieurs stations de métro, permet de retenir ma qualification délictuelle d’association de malfaiteurs dans ce dossier. Pour la défense, ce procès devait faire « éclater totalement et définitivement une bulle judiciaire, politique et médiatique : une conférence de presse avait été organisée par le parquet le jour des arrestations, alors que les prévenus avaient à peine été interrogés. On ne voit pas cela dans tous les dossiers, ni dans tous les mouvements sociaux », a affirmé Me Gouache. Et Me Olivier Pacheu, un autre avocat de la défense, d’ajouter : « Ce dossier est un dossier de droit commun traité comme un dossier de délinquance organisée. Certains pensent qu’il y a une pénalisation du mouvement social. En réalité, cette affaire ne présentait pas la gravité que le ministère public a voulu lui donner ».
Dix-neuf des vingt personnes ont été reconnues coupables de participation à une association de malfaiteurs et condamnés à quatre mois de prison avec sursis. Le vingtième prévenu, interpellé à son domicile et relaxé du chef d’association de malfaiteurs, a été condamné à un mois de prison avec sursis pour refus de se soumettre à un prélèvement biologique. Des peines d’amende de 150 euros ou 300 euros ont aussi été prononcées pour dix-huit prévenus qui devront payer solidairement un peu plus de 1 600 euros à Keolis, l’exploitant du métro rennais.