Reçu par mail / mercredi 7 octobre 2015
Fin septembre nous avons mis fin à des doutes sur la présence d’un dispositif de surveillance visant la bibliothèque anarchiste La Discordia dans le Nord-Est de Paris. Un dispositif qui se trouvait dans l’école Montessori « Plaisir d’enfance » située juste en face de la bibliothèque au premier étage dans un cagibi, donnant sur la fenêtre (le dispositif avait la forme d’un « dossier en carton »). Le mardi 6 octobre, nous avons décidé de rentrer dans l’école pour prendre contact avec la direction. Nous finissons avec insistance par obtenir un rendez-vous avec la directrice administrative et financière de l’école. Celle ci, dans un premier temps nie, mais acculée, elle finit par reconnaître (à demi-mot) l’existence du dispositif dans son école (et donc l’autorisation/collaboration de la direction). Après de longues « négociations » avec elle et son supérieur, et de lourds efforts de leur part de temporisation (pour pouvoir « appeler son contact »), nous finissons, après la sortie des classes, par obtenir l’accès au cagibi. Prenant nos responsabilités, nous décidons rapidement de nous emparer du dispositif par la force. Nous nous rendons alors compte que tout le monde est au courant de sa présence dans l’école. Nous réussissons à sortir rapidement malgré quelques « résistances ». Le kéké de l’école est sorti pour regarder où nous allions afin de faciliter encore plus (et une fois encore), le travail des flics. Nous apprenons par ailleurs que le dispositif était en place depuis au moins la deuxième semaine de juillet 2015.
Considérations techniques
Le dispositif était sous la forme d’un boîtier rectangulaire, bruyant (ventilateurs) d’environ 40x25x25 cm en plastique dur, branché sur secteur (sans batteries). Le boîtier présente un trou d’environ 4 cm de diamètre pour la caméra, trois câbles en sortaient au bout desquels se trouvaient deux antennes à pointe (probablement des capteurs sonores) et un troisième capteur petit et carré. À l’ouverture du boîtier, nous découvrons du matériel technologique de pointe :
• Un routeur wifi avec deux cartes SIM (Bouygues), un GPS, trois entrées cellulaires, une entrée stéréo.
• Un processeur.
• Un dispositif téléphonique avec une carte SIM Orange (ce qui signifie que les données n’étaient pas stockées mais transmises en direct).
• Une camera avec deux niveaux de zoom, commandable à distance.
• Et d’autres types de matériels que nous ne sommes pas parvenus à identifier (mais que vous trouverez sur les photos téléchargeables ci-après).
Nous mettons à disposition une certaine quantité de photos en invitant les personnes capables, à partager leurs connaissances techniques sur le sujet : 1 et 2.
Pour conclure
Ces dispositifs qui ont d’abord pour but de surveiller, ont aussi comme objectif secondaire celui de nous faire peur et de nous apprendre à nous limiter nous-mêmes. Mais cela ne marche pas. Ce ne sont ni la peur ni la répression qui déterminent nos pratiques, mais seulement nos idées. Quoi qu’il en soit, il est logique de soupçonner que ce type d’« attention » (somme toute, assez banale) touchera encore La Discordia comme tout autres lieux considérés comme subversifs par l’État.
Nous savons, par exemple, que d’autres dispositifs de surveillance ont été découverts ces dernières années dans différents endroits en France (Montreuil, Cévennes, Lille, etc.). Mais nous ne le savons que par « copinage » alors qu’il nous paraît très important de rendre ces informations publiques afin qu’elles puissent profiter à tous, plutôt que de s’enfermer dans des réflexes imbéciles et contre-productifs de panique.
Pour la DGSI et leurs amis : si vous cherchez votre matériel, vous le retrouverez, en pièces détachées, à quelques mètres de profondeur, dans le canal de l’Ourcq, au niveau de la rue de Nantes. Bonne pêche ! (on a toujours rêvé de voir des porcs flotter)
Des livres, pas des flics !
Quelques participant/es à La Discordia.
ladiscordia@riseup.net
http://ladiscordia.noblogs.org/
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Nota Bene (08/10/2015) : Nous nous dissocions entièrement de la reprise de ce communiqué par des sites ou des groupes racistes/racialistes, conspirationnistes et/ou d’extrême-droite en général (comme celui, en l’occurrence, d’Alain Soral). Parfois, les ennemis de nos ennemis sont aussi nos ennemis. Concernant les journalistes : nous n’avons strictement rien à vous déclarer, car comme vous, nous avons choisi notre camp dans la guerre sociale, et ce n’est pas le même.
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On trouvera d’intéressantes considérations techniques dans certains commentaires de l’article publié sur Indymedia Nantes.
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Les journaleux de gôche arrivent plus vite que des mouches sur une merde !
Libération / vendredi 9 septembre 2015
Il devait rester discret et s’est retrouvé disséqué sur Internet. Un dispositif de surveillance, placé dans une école du XIXe arrondissement de Paris, filmait une bibliothèque anarchiste voisine. Les militants s’en sont rendu compte, ont récupéré le matériel manu militari et l’ont exhibé sur leur blog.
Le récit paraît surréaliste, mais il a été confirmé à Libération par plusieurs sources au sein de l’établissement. Début juillet, deux individus de sexe masculin, se présentant comme des policiers en civil, se rendent à l’école, rue du Pré-Saint-Gervais. «Ils ont montré des papiers», se souvient une responsable administrative de l’établissement. Les policiers ne laissent pas leur nom ni celui de leur service, mais un numéro de portable «en cas d’urgence». Ils ne disent rien de l’enquête qui les amène et installent le dispositif dans le cagibi de l’école.
«Je pensais que c’était pour filmer des dealers», dit l’un des professeurs. En réalité, le dispositif est braqué sur l’entrée d’une bibliothèque de l’autre côté de la rue. Une bibliothèque anarchiste, La Discordia, qui a ouvert le 10 mai.
Sur son site internet, les bibliothécaires décrivent ainsi leur lieu : «Une bibliothèque qui entend nourrir un projet révolutionnaire par certains de ses aspects fondamentaux : la lecture, le débat, la théorie, l’écriture, le papier, la discussion […] C’est des livres, journaux, tracts, brochures, affiches et autres documents, des archives d’aujourd’hui et d’hier pour contribuer à la transmission de l’histoire des luttes individuelles comme collectives. Tout ce qui pourra favoriser le développement des idées, en rupture avec l’Etat, la politique et le capitalisme.»
Surveillance politique
Tout l’été, l’entrée de la bibliothèque est ainsi surveillée depuis l’autre côté de la rue. Le dispositif comprend une caméra, qui semble être contrôlable à distance, un GPS et du matériel de connexion, par exemple pour transmettre les images en temps réel. Dans l’école, certains se doutent rapidement de ce qui se trame. «J’ai compris que ce n’était pas pour le deal, mais pour la bibliothèque. C’est de la surveillance politique», poursuit l’enseignant, qui se désole : «On ne savait pas quoi faire.»
Mardi, les bibliothécaires ont traversé la rue pour récupérer le matériel. Se présentant en voisins, deux hommes et une femme entrent dans l’école, puis exigent d’accéder au cagibi et à la caméra. «Ils ont dit qu’ils resteraient là et ne bougeraient pas», raconte une responsable de l’administration. Le ton est «un peu monté», précise l’enseignant. Sur leur blog, les militants disent s’être «emparés du dispositif par la force» et être parvenus «à sortir rapidement malgré quelques « résistances »».
Depuis, plus rien. Les militants ont photographié le dispositif sous tous les angles, en ont diffusé les clichés en ligne avant de l’envoyer «en pièces détachées, à quelques mètres de profondeur, dans le canal de l’Ourcq, au niveau de la rue de Nantes». L’administration de l’école a tenté d’appeler le numéro de portable laissé pour les cas d’urgence. Personne n’a répondu (nous sommes aussi tombés sur un répondeur). Au commissariat du coin, personne n’a pu les renseigner – ce qui n’est guère surprenant pour une opération de ce type.
Le parquet de Paris, interrogé par Libération, dit ne pas avoir connaissance d’une enquête en cours visant la bibliothèque La Discordia. Les étranges policiers ont pu agir hors de toute procédure judiciaire, donc en renseignement. Et ce ne serait pas la première fois que leur dispositif discret serait découvert. En 2011, des proches des mis en examen de l’affaire Tarnac avaient trouvé des balises dans leur voiture.
Les responsables de l’école ne tiennent pas à s’étendre sur l’affaire. Ils comptent déposer une main courante à cause de l’intrusion des militants dans l’établissement. «On ne peut pas laisser entrer n’importe qui» déplore une responsable. L’équipe de La Discordia n’a pas répondu aux mails de Libération. Pas directement, du moins. En bas de son poste de blog, un nota bene a été ajouté : «Concernant les journalistes : nous n’avons strictement rien à vous déclarer, car, comme vous, nous avons choisi notre camp dans la guerre sociale et ce n’est pas le même.» [voilà tout, donc pas la peine de perdre ton temps, cher Pierre Alonso, journaliste de gauche. NdAttaque]