Anarchist Black Cross Dresden / samedi 15 février 2025
Note d’Attaque : la politique interne française est certes différente de l’allemande. Cependant, les dynamiques de fond, qu’on pourrait décrire comme une accélération, ces dernières années, du virage réactionnaire des sociétés et des États, en cours depuis quatre décennies (et accompagné par la déroute de la gauche et de l’option révolutionnaire), sont les mêmes au niveau international.
Voici pourquoi on considère intéressant de partager cette analyse lucide des enjeux de l’invasion russe à large échelle de l’Ukraine, en tant que moment majeur de cette accélération réactionnaire.
Aucune paix avec les fascistes ! 24 février 2025, Dresde Neumarkt. Solidarité avec les gens en Ukraine.
Le 24 février 2025 commence la quatrième année de l’invasion russe de l’Ukraine. La Russie mène une guerre génocidaire contre la population ukrainienne et tente de conquérir autant de territoires que possible. Après trois ans de guerre, la situation en Ukraine est catastrophique : des milliers de personnes sont mortes ou blessées, des millions ont été déplacées ou doivent vivre sous occupation russe, des centaines de villes ukrainiennes sont détruites, les sols sont contaminés et minés.
Dès le début, avec une campagne de propagande à l’intérieur et à l’extérieur du pays, la Russie a essayé de gagner du soutien et de justifier politiquement la guerre. La Russie mobilise surtout les populations indigènes des parties orientales du pays et recrute des mercenaires de différents pays comme le Népal, l’Inde et le Yémen. Entre-temps, la Corée du Nord est officiellement devenue une partie de la guerre russe en Ukraine.
Nous sommes dans une tristesse profonde, à cause tant de mort.es et de destruction. Nous nous solidarisons avec les gens en Ukraine, avec nos ami.es et compas. Et nous voulons que cette guerre, enfin, s’arrête !
Pacifisme
Depuis le début de la guerre, beaucoup de gens exigent la paix, surtout en période électorale. Mais qui sont ces personnes qui, depuis leur position confortable en Allemagne, appellent à la paix ? Et qu’est-ce que cela signifie, au fait ? Et qui doit payer le prix de cette « paix » ?
Le pacifisme est un système de pensée qui rejette la violence, la guerre et le militarisme. Des gens incitent l’Ukraine à se rendre. Pour ces personnes, le droit à l’autodéfense, le droit de défendre sa propre liberté et son autodétermination, n’existent pas. La plupart de celles/ceux qui portent cette position ne sont pas eux/elles-mêmes touché.es par la guerre. Beaucoup de ceux/celles qui exigent la paix s’intéressent moins au sort des gens en Ukraine qu’à leur propre bien-être.
On trouve le pacifisme chez les anarchistes et chez les fascistes, aussi bien à la gauche qu’à la droite du panorama politique. Dans sa campagne électorale actuelle, l’AfD [le principal parti allemand d’extrême droite, qui a reçu environ 20% des suffrages lors des élections législatives du 23 février 2025 ; NdAtt.] se présente comme pacifiste en ce qui concerne la guerre en Ukraine. Dans le même temps, ce parti exige une politique violente cotre les migrant.es aux frontières et un réarmement militaire de l’Allemagne. L’AfD n’a aucun problème avec Poutine et la Russie, car elle a les mêmes idées conservatrices sur la famille, le genre, la nation et la culture.
D’autres, comme Sahra Wagenknecht [politicienne de gauche aux penchants fortement populistes, notamment anti-immigration ; NdAtt.], exigent la paix alors que, tout en entretenant des relations étroites avec Poutine, ils/elles considèrent l’OTAN, les États-Unis et l’Occident comme les initiateurs de cette guerre. Elles/ils exigent la paix aux conditions de la Russie.
Et il y a des gens qui, même si eux/elles aussi voient l’OTAN, les États-Unis et l’Occident comme responsables de cette guerre, ne peuvent pas souffrir Poutine. Beaucoup de personnes de gauche et d’anarchistes invoquent des arguments à l’appui d’une conception générale, abstraite – et assez naïve – de pacifisme. À nos yeux, cela ne peut pas être une réponse politique sérieuse. Chaque guerre est différente et nécessite sa propre analyse. Nous ne pouvons pas dicter à celles/ceux qui sont attaqué.es la façon dont ils/elles doivent se comporter, sans rien offrir de plus. Dans beaucoup de discussions autour de cette guerre, les gens en Ukraine ne sont même pas considéré.es comme des sujets à part entière.
Le prix de l’indécision
L’autre côté de la réponse politique à la guerre est venu, en Allemagne, des partis de gouvernement. Nous nous rappelons tou.tes des 5000 casques que, de manière ridicule, l’État allemand a mis à disposition de l’Ukraine. Mais la première réaction sérieuse n’a pas été, encore une fois, de soutenir concrètement l’Ukraine dans sa légitime défense. Au lieu de cela, le budget militaire allemand a été massivement augmenté – nous parlons des dépenses militaires les plus élevées, en Allemagne, depuis des décennies ! Cette occasion a été utilisée pour un réarmement de l’ordre de plusieurs milliards, afin de renforcer la position de puissance de l’Allemagne en Europe. Les autres mesures n’étaient pas non plus l’expression d’un soutien à la population ukrainienne, mais une manœuvre politique avec des promesses abstraites, qui mettaient l’Ukraine dans une position de quémandeur. Et, pour finir, le chancelier fédéral Scholz a aussi bloqué le dernier paquet d’aides militaires à l’Ukraine, à cause des élections imminentes.
L’impérialisme russe est largement sous-estimé et ce sont les gens en Ukraine qui paient le prix de cette politique occidentale indécise, tout comme le gens en Syrie, il y a quelques années. Et pendant que les Ukrainien.nes souffrent, la Russie continue de se porter plutôt bien. Elle se prépare aux prochaines opérations militaires et actions impérialistes, pendant que le gaz et le pétrole russes continuent de couler à travers le globe entier.
Montée de l’autoritarisme et du fascisme
Avec la crise climatique et financière croissante et des guerres incessantes, l’adhésion aux idées autoritaires s’accroît dans le monde entier et le fascisme est en progression. En Allemagne, Poutine s’immisce dans les élections ainsi que dans la politique générale, avec des campagnes massives de désinformation. En même temps, Elon Musk fait de la publicité pour l’AfD comme étant la seule solution et il la soutient avec beaucoup d’argent. Des techno-oligarques et des dirigeants autoritaires travaillent main dans la main, pour obtenir de l’influence et du contrôle. Il s’agit d’une immense menace pour les, relatives, libertés personnelles et collectives, ainsi que pour l’État-providence, du moins celui qui existe, dans une certaine mesure, et qui a été gagné avec des décennies de luttes des mouvements ouvrier, antiraciste et féministe, pour n’en nommer que quelques-uns – même si le monde ainsi-dit démocratique prétend volontiers être à l’origine de ces acquis. De tels processus ont actuellement lieu dans de nombreux pays différents.
Avec la diffusion croissante de ces idées pro-russes, impérialistes et fascistes, le soutien à la population ukrainienne est en jeu. Et c’est pourquoi il faut plus de solidarité d’en bas ! Pour que le fascisme ne prenne pas le dessus. Dans des jeux de pouvoir aussi complexes, il n’y a malheureusement pas de solutions simples. Mais nous pouvons tisser des liens avec les gens en Ukraine et les écouter. Nous pouvons nous organiser et leur fournir un soutien direct.
Notre combat contre le militarisme en Europe signifie aussi que nous devons vaincre la Russie. Parce que, dans cette région du monde, le militarisme est alimenté principalement par la Russie.