Informativo Anarquista / samedi 8 juin 2024
Autonomie et ténacité contre les prisons. Des mots de la compagnonne Mónica Caballero.
Depuis presque un mois, j’ai été transférée dans la prison où je purgerai ma peine, le CPF de Santiago. Cette prison a une structure assez atypique par rapport à d’autres prisons de ce territoire, car, dans certains secteurs, elle garde les fondations de l’ancien couvent qui assurait le « travail correctionnel pour les mauvaises femmes », à partir duquel différents modules et sections ont été construits. Parmi les sections qui ont été construites pour séparer des groupes spécifiques de prisonnières, il y a : la Section spéciale de Haute sécurité (SEAS), Nouveau Espoir et Garde directe.
La SEAS est née, dans la décennie 1990, principalement pour héberger les prisonnières condamnées pour des crimes de violence politique ; dans ces années-là, ces prisonnières appartenaient à des groupes politiques/militaires/subversifs (FPMR, MIR, Mapu-Lautaro [trois groupes ou partis de différentes tendances marxistes qui, entre autre, ont combattu contre la dictature ; NdAtt.] ). Avec le départ des prisonnières politiques, on a peu à peu commencé à remplir la Haute sécurité avec des détenues qui avaient des antécédents pour évasions et/ou des réfractaires au régime pénitentiaire, ainsi qu’avec des cheffes de bandes de narcotrafiquants. Ce n’est qu’en 2010, quand, détenues pour violence politique, nous avons été placées à cet endroit, que l’affaire judiciaire appelée « premier Caso Bombas » a fait que, premières antiautoritaires, nous avons repris le fil de la lutte laissé par les premières prisonnières politiques. Au cours des années, le SEAS a continué avec la même dynamique, jusqu’à il y a quelques années, à partir de quand cette section est utilisée pour garder les prisonnières pendant qu’un autre endroit permanent est préparé pour elles.
À mon arrivée dans ce pénitencier, on m’a dit que le SEAS sera à nouveau le lieu d’antan, c’est pourquoi je devrai y être placée. Tout cela n’a rien donné, parce qu’aujourd’hui encore s’y trouve un groupe d’environ une soixantaine de femmes, amenées de la prison de San Miguel, qui vivent dans des conditions déplorables.
Un autre de ces modules spéciaux est « Nouveau Espoir », où il n’y a, exclusivement, que des femmes emprisonnées pour des crimes contre l’humanité : toutes ces prisonnières ont été responsables de certaines des nombreuses atrocités qui ont eu lieu pendant la dictature ; je parle de tortures, de disparitions, d’enlèvements, de homicides, etc. La plupart de ces femmes sont des anciennes agentes des forces armées et des forces de l’ordre et de sécurité. Bien que je ne connaisse pas les conditions de vie de ces tortionnaires, car tout ce qui les entoure fait l’objet d’une attention particulière, j’oserais quand même affirmer qu’elles vivent dans un endroit qui ressemble plus à une maison de retraite qu’à une prison.
En dernier, il y a la section où je me trouve actuellement, « Garde directe ». Cette section est née de la nécessité de séparer des autres les prisonnières condamnées pour des délits violents et qui ont eu une couverture médiatique importante, ce qui, dans une certaine mesure, s’est maintenu le long des années. Cette section a également été utilisée pour y enfermer, dans des cas très ponctuels, des femmes condamnées pour violence politique, comme une ancienne militante du FPMR et maintenant moi.
Depuis que je suis entrée dans cette prison, mes compagnonnes et moi avons demandé, par les biais des différentes instances bureaucratiques de l’administration pénitentiaire, l’autorisation de poursuivre mes études universitaires, que j’ai commencées en 2022 à la prison de San Miguel. Ce qui n’a pas été autorisé.
Il y a un peu plus de deux ans, j’ai été la première prisonnière en détention préventive de Santiago à commencer des études universitaires. Une affaire qui n’a pas été exempte de problèmes, résolus un après l’autre grâce à l’ensemble des volontés solidaires qui ont permis qu’à ce jour je suis en troisième année d’études de droit.
Dans cette prison, je n’ai pas pu reprendre mes études parce que, selon les informations du personnel de la Gendarmería, il manque l’autorisation du directeur régional, qui peut prendre tout le temps qu’il juge approprié, rien que pour gérer la continuité de quelque chose qui est déjà en cours depuis des années.
Il semble incroyable que l’on ne donne pas des possibilités et que l’on mette des obstacles à quelque chose qui semble aussi fondamental et essentiel que les études, mais il ne faut pas oublier que les structures du pouvoir sont capables de briser leurs propres règles, encore et encore, selon ce qui les arrange.
Qu’est-ce que les hauts commandants de la Gendarmería craignent, pour ne pas donner suite à l’autorisation qui me permettrait d’étudier ? Ont-ils des ordres directs du Ministère de la justice ou d’un autre organisme ? Ou craignent-ils que, en donnant cette autorisation, la population pénitentiaire sache qu’il n’y a pas d’obstacles légaux au fait de suivre des études supérieures en prison ? Ou peut-être qu’ils usent de toutes leurs instances pour empêcher qu’une prisonnière (qu’ils définissent comme « commune », mais gardent dans des régimes assez « peu communs ») ait des connaissances juridiques ? Quelle que soit la réponse, j’exige qu’ils respectent leurs propres lois et qu’ils me permettent de poursuivre mes études universitaires.
Pour cela, je fais appel à toutes les formes de solidarité qui peuvent faire pression sur la direction régionale et nationale de la Gendarmería, afin qu’elles donnent les autorisations nécessaires pour que je puisse continuer à étudier.
Avec tout cela, je réaffirme que, pour des degrés plus élevés d’autonomie, la seule option, pour ceux/celles d’entre nous qui ont choisi la voie de la négation de la domination, est la lutte persistante, qui, si ce n’était pas pour des dizaines de mains solidaires, resterait entre ces murs.
Mónica Caballero Sepúlveda
Prisonnière Anarchiste
mai 2024