France Info / samedi 29 janvier 2022
Neuf militants animalistes étaient jugés en correctionnelle vendredi au Mans pour des tags et des dégradations mineures dans des élevages. Jusqu’à 12 mois de prison avec sursis ont été requis contre les prévenus.
Les animalistes présents vendredi matin devant le tribunal du Mans dénonçaient « un procès éminemment politique, aux vues des circonstances dans lesquelles s’est déroulé l’enquête de près de deux ans. Ce dont on nous accuse : des dégradations légères, le sauvetage de 7 agneaux, et le tout organisé en association de malfaiteurs « .
« Ce n’est pas seulement la manifestation d’une opinion, ce sont des actions menées dans une stratégie de déstabilisation de leurs victimes, de véritables agressions sur le plan intellectuel », a, quant à lui, estimé le procureur Maxime Leconte.
Il a requis des peines allant de 2 mois de prison avec sursis à 12 mois de prison avec sursis contre huit des prévenus et une peine de 1 000 euros d’amende pour la prévenue la moins impliquée.
« Vous n’êtes pas ici pour défendre une cause quelconque mais pour répondre de faits. Ce n’est pas une tribune », les avait mis en garde la présidente dès l’ouverture du procès.
Un peu plus tôt, un « happening » avait été organisé par les militants antispécistes (qui dénoncent l’exploitation des animaux par les humains) sur le parvis du tribunal.
Une vingtaine d’activistes vêtus de noir y portaient des pancartes critiquant les poursuites engagées contre leurs camarades, six femmes et trois hommes de 20 à 42 ans.
« Cellule Demeter, justice délétère », pouvait-on lire sur une pancarte, mettant en cause la cellule créée fin 2019 au sein de la gendarmerie nationale, destinée notamment à prévenir « des actions de nature idéologique » visant les agriculteurs.
« Le dossier qui en ressort compte près de 8 000 pages, des moyens colossaux déployés par la cellule d’enquête coordonnée nationalement et spécialement créée pour alimenter des fichiers, et nous criminaliser sur des faits beaucoup plus symboliques que préjudiciables. », précisait le collectif.
« C’est le premier procès Demeter », pointait V., 34 ans, fondateur et porte-parole du collectif Animal1st, poursuivi pour 18 faits.
De fait, la présidente a vanté « la mobilisation forte de la gendarmerie » sur ces actions de militantisme menées en 2020-2021 dans plusieurs départements de l’ouest de la France. Il s’agit essentiellement de tags sur des bâtiments d’élevage (« Le virus, c’est le spécisme », « l’élevage nourrit les pandémies », etc.) et de dégradations souvent mineures.
Un collage d’affiches (« Sauvez des vies, abolissez l’élevage ») sur un viaduc en Mayenne leur est également reproché alors que cette action n’a donné lieu à aucune plainte. Des prévenus sont aussi poursuivis pour la destruction de miradors de chasse et le vol de sept agneaux dans une exploitation agricole de l’Eure en avril 2021.
« C’était pas un vol, c’était une libération », rectifie F., 37 ans, employé de bibliothèque.
Les prévenus sont enfin poursuivis pour « association de malfaiteurs« , un délit pour lequel ils encourent cinq ans de prison. Cette infraction, généralement réservée à des faits plus graves, est « un outil politique au service de la répression », a dénoncé le collectif Animal1st dans un communiqué diffusé avant l’audience.
Les militants de la cause animale ont été longuement interrogés par la présidente sur leur participation aux différentes actions. Ils ont en général reconnu leur présence sur place mais ont refusé de donner plus de détails.
« Peu importe si j’ai participé. Les personnes qui ont fait ça, c’est de la légitime défense », a ainsi lancé A., 28 ans, animatrice pour enfants, poursuivie pour 16 faits. « On est du côté de la vraie justice. Vous, c’est la justice spéciste. On ne veut pas faire votre enquête », a ajouté la militante, qui a plusieurs fois comparé l’élevage à l’Holocauste et les éleveurs à des criminels.
Se disant « résistant de la justice animaliste » qui « lutte au quotidien contre l’oppression banalisée », V. a lui dénoncé le « zèle politique » qui « entoure toute cette affaire ».
Preuve de le résonance de ce procès dans le monde agricole, la présidente de la FNSEA, syndicat majoritaire, était venue apporter son soutien aux éleveurs devant le tribunal. […]
Une quarantaine d’agriculteurs, syndicats agricoles et sociétés diverses se sont portées parties civiles dans ce procès. « Il y avait marqué « assassin » sur les murs de mon exploitation. Pour nous, c’est impossible à comprendre », a témoigné Christophe Guicheux, éleveur qui s’est fait voler ses agneaux.
Le tribunal rendra son jugement le 31 mars.