Indymedia Nantes / lundi 12 octobre 2020
Attaque incendiaire des bureaux de l’ONF à Aubenas (Ardèche – France), dans la nuit du 5 au 6 octobre
J’ai entendu dire que les forêts devaient être « entretenues ». Pire, qu’elles devaient être « nettoyées ».
J’ai entendu dire que les forêts devaient être « aménagées », pour être rentabilisées, accessibles, avenantes. Qu’il était souhaitable que les gens s’y promène le dimanche, sur des sentiers fiables et larges, chiens tenus en laisse, pique nique sur les tables prévues à cet effets.
J’ai entendu dire que les forêts devaient être « protégées ». Comprendre, « contrôlées ».
J’ai entendu dire qu’on devait planter des arbres en rangs pour produire des carnets dans lesquels prendre des notes inintéressantes, des livres au contenus insipides, des magasines abrutissants et des étagères pour ranger tout ça.
J’ai entendu dire que grâce aux lois et aux partis écologistes, qu’il fallait soutenir, on avait des moyens de défendre la forêt des méchant.es industriel.les.
J’ai entendu dire qu’il ne fallait pas ramasser de bois mort, pour ne pas bouleverser un écosystème fragile.
J’ai entendu dire qu’il ne fallait pas sortir des sentiers, pour ne pas abîmer les plantes.
J’ai entendu dire que se promener seul.e en forêt pouvait être « dangereux ».
J’ai entendu dire qu’il ne fallait pas faire de feu de camps, parce que ça pourrait détruire la forêt. Mais les coupes à blanc, pas de problème ?
J’ai entendu dire que pendant le confinement, on pouvait aller dans des supermarchés, mais pas faire de cueillette. Que le reste du temps, il faut s’enquérir d’une autorisation. Pas celles des plantes, mes chèr.es naïf.ves, celle de l’administration.
J’ai entendu dire que je devais me réjouir de l’existence de « parcs naturels ».
J’ai entendu dire que la forêt avait des propriétaires. Que ces propriétaires n’étaient pas ses habitant.es à poils, à plume et à écorces.
J’ai entendu dire que ces habitants et habitantes devaient être régulé.es par des quotas de chasse.
J’ai entendu dire que les chiens devaient être tenus en laisse, mais que les être humains – possédant un permis de l’État – pouvaient tuer à leur guise avec des armes si sophistiquées qu’elle ne leur demande même plus de connaître leur proie.
J’ai entendu dire qu’il fallait sensibiliser au « respect de la nature » des jeunes que l’on fait grandir dans le béton.
J’ai entendu dire qu’une société ultra technologisée pouvait être « écologique ».
J’ai entendu dire qu’on qualifiait avec les labels « durable » et « écologique » la destruction de 99 % des arbres d’une parcelle, la formation de sillons de 40 cm de profondeur dans de la boue et les monstres de métal nourris au pétrole qui sont nécessaire pour se faire. Entendu le bruit des arbres qui tombent, des machines qui rasent, le vrombissement des 4×4 des « protecteurs » de la forêts.
J’ai entendu dire qu’une scierie pouvait être « autogérée ». L’exploitation du bois optimisée ; au service d’une cause juste, de « l’alternative ».
J’ai entendu dire qu’il fallait planter des arbres pour sauver l’espèce humaine.
J’ai entendu dire qu’on pouvait planter un arbre en achetant un paquet de pâtes.
J’ai entendu dire que les arbres pouvaient guérir le cancer. Mais qui les guérira de nous ?
Alors j’ai bouché mes oreilles et j’ai hurlé. Hurlé si fort que les feuilles des arbres ont frémi. Hurlé si longtemps que ma voix et les autres se sont taries. Une fois le silence revenu, je me suis souvenu d’autres choses que j’avais apprises.
J’ai appris que contrôle des forêts signifie contrôle des populations, contrôle de ma vie.
J’ai appris que l’être humain moyen est dupe, lâche, ignare ou tristement réaliste. Que quand on lui assène deux coups, il se persuade que c’est pour son bien, ou se réjouis qu’il n’y en ait pas un troisième. Qu’il est même fier d’être sorti de son « état de nature ». Grande avancée !
J’ai compris que je n’aimais pas la forêt uniquement pour le foisonnement de vie, de mort, et d’entre deux qui la compose, que ma révulsion face au sort qui lui est réservé n’était pas pure empathie, mais que c’était aussi mes propres possibles qui se retrouvaient parqués, contrôlés, aménagés, détruits.
Puis je me suis souvenu des actes de sabotages contre la destruction des forêts. Des machines vandalisées, des scieries brûlées, des humains attaqués.
Je me suis souvenu que je pouvais agir et pas uniquement me rendre sourd.e et aveugle pour me protéger. Alors j’ai participé à l’attaque incendiaire contre les bureaux de l’Office National des Forêts à Aubenas dans la nuit du 5 au 6 octobre.
Un acte certes dérisoire, au regard des destructions mondiales de ce qu’il reste de vivant dans ce monde. Mais pourtant un acte qui veut signifier plus que son impact matériel. Et c’est pour qu’il ne soit pas un simple fait divers ignoré des médias que j’écris. Parce qu’il signifie aussi que l’on peut s’organiser pour attaquer directement cette société de gestion, de contrôle et d’exploitation. Société qui se retrouve dans nos comportements construits, lesquels sont à combattre, mais également dans des institutions qu’il s’agit de ne pas oublier d’essayer de détruire.
Un salut au passage, pour celles et ceux qui n’ont pas oublié d’attaquer, de s’insoumettre, de réfléchir et de faire des tentatives.
Courage à celles et ceux en prison pour leurs idées ou leurs actes.
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extrait de France Bleu / jeudi 15 octobre 2020
[…] L’entrée du bâtiment situé place Olivier de Serres à Aubenas est très endommagée et désormais condamnée. Il semblerait que le ou les auteurs aient glissé un produit enflammé dans la fente de la boite aux lettres dans la nuit de lundi à mardi il y a une semaine. C’est un agent qui a découvert le sinistre en arrivant le matin. Plusieurs matières comme du bois et du plastique se sont consumés provoquant de la fumée et de la suie dans les bureaux.