Act for freedom now ! / mercredi 18 mars 2020
Les seules personnes qui sont allées au tribunal avec de bonnes intentions.
Entre jeux géopolitiques, foules racistes, déracinement violent de personnes, entreprises qui font du fric, nationalismes, délire médiatique, humanitarisme respectable, une tragédie humaine s’est déroulée entre le mur d’Evros [construit en 2012 par l’État grec face à la ville turque d’Edirne, ce mur, long de 12 km, vise à empêcher le passage des migrant.e.s dans le seul endroit où la frontière entre les deux pays n’est pas le fleuve Marots/Evros ; NdAtt.] et les îles de la mer Égée orientale.
La forteresse Europe, la punaise grec sur la carte et l’opportunisme d’Erdogan ont joué leur jeu de dés géopolitiques sur les vies de personnes violemment déracinées, qui sont à la recherche des miettes tombant de la table du bonheur européen.
L’État grec a été un digne gardien de la forteresse européenne, habillant, à usage interne, sa mission avec les couronnes du « patriotisme » et de la « fierté grecque » : la fierté des armé.e.s contre les désarmé.e.s, des bien nourri.e.s contre les affamé.e.s, des personnes intégrées contre les déraciné.e.s.
Nous nous levons et nous réfléchissons sur les (au moins) deux personnes assassinée par les balles de la Bête. Peu importe que Mohammed al-Arab et Mohammad Gulzar [Mohamed al-Arab, 22 ans, originaire d’Alep, a été tué par balle par des garde-frontières lundi 2 mars, tandis qu’il essayait avec d’autres de franchir la frontière terrestre entre Turquie et Grèce ; Mohammad Gulzar, qui par le passé avait veçu dans un squat à Athènes, a été tué début mars à la même frontière de l’Evros ; NdAtt.] aient été touchés par les balles d’un policier, d’un soldat ou d’un justicier fasciste. Nous savons que deux personnes appartenant à notre classe mondiale ont été assassinées par les mercenaires de notre ennemi mondial.
Et nous exigeons des comptes pour ces crimes dont personne ne cherchera leurs auteurs, bien cachés au sein du « corps de la nation ».
Comme petit geste de dignité et de résistance, le matin du 9 mars, nous avons rendu visite au tribunal de la rue Loukareos. Nous avons reconnu leur maillon le plus faible : le tribunal de la Justice de paix (Eirinodikio). Un maillon, quand-même, du système qui protège ceux qui volent les richesses sociales, ceux qui assassinent aux ordres de la loi et punit sans relâche les malheureux.ses.
Toute l’histoire est passée inaperçue, grâce à des fausses nouvelles, bien pratiques, à propos d’un « court-circuit ».
Alors, racontons-la, cette histoire. Et ceux qui savent, savent. Entrée de l’Eirinodikio. Une grande salle. Sur la gauche, un distributeur automatique de la banque du Pirée, avec son agaçante caméra intégrée. On l’évite. À droite, il y a des couloirs qui mènent à des salles d’audience et des bureaux. Nous choisissons un couloir. Nous nous déplaçons jusqu’au bout de celui-ci, afin qu’il n’y ait aucun danger que quelqu’un.e soit piégé.e par le feu. À l’extrême droite, la salle d’audience n° 10 est vide. Première porte, « pour le public ». Deuxième porte, « uniquement pour les juges ». Nous rions. Pour la première fois, nous voyons d’en haut ces salles où se jouent des vies humaines, des années de prison, la douleur de l’emprisonnement. D’autre part, ce n’est pas la première fois que nous regardons la jerrycan d’essence et la mèche. Nous sommes sur le banc du juge. Tout est fait. Nous avons mis la jerrican d’essence sous la chaise. On rit. On allume la mèche. On rit encore. On s’en va.
PS1 : Face à la déclaration ridicule de l’unité (anti)terroriste, qui parle d’une organisation terroriste à cause de la simple et modeste signature « compas », qui, depuis des décennies, a accompagné un nombre infini d’activités de toute sorte venant du mouvement, nous choisissons de déclarer que cette action a été menée par des COMPAS.
PS2 : Pour Lambros, tombé au combat il y a 10 ans.
compas